Journal de l'année Édition 1967 1967Éd. 1967

En dehors de l'agriculture, des embryons de politiques communes ont été réalisés ici ou là, par exemple pour surveiller la conjoncture et préparer une certaine planification européenne. Mais on a peu progressé dans des secteurs aussi importants que la politique des transports et la politique de l'énergie.

Les institutions de la Communauté ont fait la preuve de leur efficacité, notamment dans la définition de la politique agricole commune. Elles ont subi deux transformations. L'une dans l'esprit : les gouvernements nationaux, spécialement le gouvernement français, ont freiné leur évolution vers des institutions de type supranational. L'autre dans la forme : les organes exécutifs des trois Communautés (CEE, CECA, Euratom) ont été unifiés en un seul.

La réalisation du Marché commun a été facilitée par la bonne santé des économies européennes durant la période 1958-1967. Réciproquement, l'existence de la Communauté a contribué à cette bonne santé. De 1958 à 1966, la production globale a augmenté de 52 % dans le Marché commun, contre 44 % aux États-Unis et 30 % en Grande-Bretagne. Durant cette période, les échanges entre les Six ont plus que triplé ; le reste du commerce mondial n'augmentait que des deux tiers.

Désormais, le monde entier reconnaît le Marché commun comme une entité, la plus importante dans le commerce international.

Les Anglais frappent à la porte

Reprise de la vie commune, achèvement de l'union douanière, anniversaire, renouvellement des dirigeants, la période 1966-1967 aura été fertile en événements marquants pour la Communauté européenne. Le plus important, celui qui est susceptible de changer le plus profondément le visage de la Communauté, s'est produit le 2 mai 1967 à Londres, lorsque Harold Wilson a déclaré devant la Chambre des communes : « Le gouvernement de Sa Majesté a décidé aujourd'hui de faire, aux termes de l'article 237 du traité de Rome, une demande d'adhésion à la Communauté économique européenne et, parallèlement, à la Communauté européenne du charbon et de l'acier et à l'Euratom. »

Les « ajustements »

Pour la seconde fois en six ans, les Anglais frappent à la porte du Marché commun. Et ce sont ceux qui avaient reproché à Harold Macmillan de l'avoir fait une première fois, c'est-à-dire les travaillistes, qui agitent maintenant le marteau. Ce qui confère une portée encore plus grande au geste du gouvernement de Londres.

En demandant à adhérer et non pas à s'associer au Marché commun, Harold Wilson marque clairement sa détermination. Mais il évoque toutefois, dans le même discours, des « ajustements » que devrait subir le traité et des « satisfactions » que les Anglais attendent sur certaines difficultés : politique agricole (la politique européenne entraînerait une hausse du coût de la vie en Grande-Bretagne évaluée à 3 % et des pertes sensibles pour les finances extérieures) ; défense des intérêts des pays du Commonwealth (tout particulièrement de la Nouvelle-Zélande, qui vit de ses ventes de produits agricoles en Grande-Bretagne) ; mouvements de capitaux ; politiques régionales.

Les trois issues

À vrai dire, la candidature britannique pose beaucoup d'autres problèmes, comme devait le souligner avec force le général de Gaulle dans sa conférence de presse du 16 mai. Aux problèmes évoqués par le Premier H. Wilson — et sur lesquels il ne se déclare nullement disposé à lui donner satisfaction —, le chef de l'État ajoute, en effet, le rôle de la livre sterling (monnaie de réserve dans un système international que le gouvernement français condamne) et les liens politico-militaires avec les États-Unis.

Pour le général de Gaulle, il n'y a que trois issues à la candidature britannique : ou bien les Anglais entrent et la Communauté disparaît pour céder la place à une « sorte de zone de libre-échange » ; ou bien Londres se contente d'une association sans adhérer au Marché commun, mais Harold Wilson avait écarté cette solution ; ou bien il faut attendre encore, la Grande-Bretagne ne paraissant pas mûre au général de Gaulle, pour s'intégrer à une Europe européenne. Il résulte clairement de ces déclarations que le gouvernement français n'est pas plus favorable en 1967 qu'en 1963 à une adhésion britannique.