À la CGT, où l'on se plaît à rappeler qu'il est normal que le PC, parti de la classe ouvrière, ait beaucoup de militants cégétistes, l'accord entre le PC et la FGDS est accueilli par un communiqué bienveillant, mais qui ne comporte aucun mot d'ordre électoral. La CGT laisse les partis de gauche aller seuls à la bataille électorale.

Il faudra attendre la demande de pouvoirs spéciaux par le gouvernement de Georges Pompidou, en avril 1967, pour que les quatre grandes organisations syndicales, CGT, CFDT, FO et FEN, lancent, le 3 mai, un ordre de grève générale de vingt-quatre heures sur une question plus directement politique.

À partir de cette toile de fond, ce serait une erreur que d'imaginer une activité syndicale se déroulant au même rythme. Le secteur public et le secteur privé présentent, en effet, chacun un ensemble de particularités propres.

Le secteur public

Dans le secteur public, calendrier et cadres de négociations sont parfaitement établis. Le Conseil supérieur de la fonction publique se réunit théoriquement quatre fois par an ; la procédure Toutée dresse ses bilans le premier trimestre de l'année civile pour les quatre grands du secteur nationalisé : SNCF, EDF-GDF, RATP, Charbonnages.

Depuis quelques années, le CSFP semble devenu une chambre d'enregistrement : on compte une seule réunion (1er juillet 1966) entre juin 1966 et juin 1967. Aussi, rituellement, chaque année, les fonctionnaires protestent-ils et contre l'insuffisance des traitements et contre l'absence de dialogue. Le 6 décembre 1966 — tout comme en novembre 1965 — un meeting de protestation a lieu à la Mutualité, à Paris.

Le gouvernement vient, en effet, d'annoncer son intention de reconduire pratiquement les dispositions de l'année précédente : deux augmentations de 2 % chacune, l'une au printemps, l'autre à l'automne, plus un supplément d'environ 0,40 % destiné à des mesures catégorielles (c'est donc là la seule part négociable de la masse salariale permettant une action pour telle catégorie plutôt que telle autre).

Unique résultat, les fonctionnaires obtiennent, le 18 janvier 1967, que la première hausse des traitements ait lieu en mars et non en avril !

Retard des rémunérations

Les procédures Toutée, mises en place au lendemain de la grève des mineurs de 1963, se déroulent en trois temps.

Dans une phase de constatation au sein des commissions Grégoire, on évalue l'augmentation de la masse salariale pour l'année écoulée. Selon les syndicats, ces travaux se réduisent à l'enregistrement des données fournies par la comptabilité des entreprises nationalisées.

En 1967 s'ajoute à ce grief permanent un nouveau reproche lié au refus du gouvernement de reconnaître un retard dans la rémunération de ses salariés. Le 13 janvier, CGT et CFDT présentent au gouvernement une triple demande visant à :
– distinguer les crédits destinés à régler les contentieux de ceux qui sont affectés à la progression normale des salaires ;
– examiner de façon cumulative l'évolution des rémunérations depuis 1963 ;
– établir comment les prévisions gouvernementales se sont concrètement réalisées.

Cette méthode aurait permis de faire la lumière sur l'évolution du pouvoir d'achat, en faisant notamment apparaître le décalage entre les augmentations réelles et les assurances formulées par le gouvernement. Ce dernier ayant refusé d'élargir ainsi les compétences des commissions Grégoire, il ne restait plus aux organisations CGT et CFDT — mais non à FO, à la CGC, à la CFTC (Sauty) et aux indépendants — qu'à se retirer, marquant symboliquement leur refus de cautionner les statistiques gouvernementales.

Les pouvoirs spéciaux

En décidant, unilatéralement, début janvier, de repousser au-delà des élections les phases II et III de la procédure Toutée (même si c'était justifié) et de donner, à partir du 1er février aux salariés de l'État, un acompte de 1,50 % sur l'augmentation de la masse salariale pour 1967, le gouvernement allait manquer à l'esprit de concertation qu'avait voulu instaurer la procédure.