Relations sociales

Les deux objectifs des syndicats : sécurité de l'emploi et conditions de travail

La période 1966-67 a été, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, celle d'une révélation. Les revendications de salaire ne sont plus au cœur des préoccupations ouvrières, elles ne sont que l'habillage de désirs plus qualitatifs ; la sécurité de l'emploi et du salaire, l'amélioration des conditions de travail, le désir de savoir ce qui va se passer sont les moteurs actuels du climat revendicatif.

À cet égard, la grève générale du 17 mai 1967, lancée par la CGT, la CFDT, FO et la FEN — la première de ce genre depuis 1938 —, a été dans le droit fil des conflits antérieurs. Bien sûr, un aspect strictement politique de défiance a joué à l'encontre du gaullisme. Mais, surtout, les syndicats ont refusé de faire confiance sans savoir à l'avance.

En dernier lieu, très attachés à la Sécurité sociale, ils ont manifesté par leur sensibilité extrême qu'ils entendaient protéger farouchement tout ce qui a trait à la sécurité.

Inciter le patronat

À l'automne 1966, au moment de la rentrée sociale, les syndicats se trouvent devant une situation paradoxale : lancés en février, sous forme de grèves tournantes, les mouvements revendicatifs avaient abouti le 17 mai 1966 à une grève de tous les salariés de l'État, auxquels s'étaient joints les ouvriers de la métallurgie, de la chimie, du textile, du bâtiment... L'action s'était révélée, en définitive, beaucoup plus dirigée contre le CNPF que contre le gouvernement.

Reçues par le Premier ministre au lendemain de la journée de débrayage du 14 juin, dans le secteur privé, les confédérations ouvrières n'avaient point caché leur objectif : obtenir du gouvernement qu'il s'entremette pour inciter le patronat à relancer des négociations collectives, gelées depuis l'échec de la CFDT, chez Peugeot, au printemps 1965.

Aussi, malgré l'appel, fin août, de Léon Mauvais (CGT) pour « une reprise rapide et vigoureuse de l'activité » et malgré la campagne de Force ouvrière pour « prendre sans tarder contact avec les organisations patronales et poursuivre les discussions contractuelles » (communiqué du 2 septembre), l'action se révèle difficile à relancer.

Un flottement

Les syndicats manifestent leur mécontentement, surtout dans le secteur public : les cheminots — qui ont déjà cessé le travail six fois depuis janvier 1966 — réclament une révision des salaires ; les électriciens veulent réformer la procédure Toutée ; les agents de la RATP s'attaquent à l'amélioration de leurs conditions de travail (ils seront les seuls à concrétiser leur mécontentement par deux débrayages de vingt-quatre heures).

Pourquoi ce flottement après les 2 250 000 journées de grèves du premier semestre ?

En premier lieu, la situation économique et les résultats de l'action revendicative ne sont guère mobilisants. L'accord signé le 23 mai 1966 par le Groupe parisien de la métallurgie prévoyant un rattrapage progressif des salaires contractuels (les minimums garantis étaient alors inférieurs de moitié aux taux de rémunération réellement pratiqués) est trop médiocre pour apaiser les revendications, mais suffisant pour dissocier les syndicats : CGT et CFDT refusent leur caution, tandis que Force ouvrière, la CFTC (Sauty) et la CGC signent l'accord.

Le front commun

La situation économique (en 1966, les taux de salaires horaires augmentèrent de 5,9 %, le produit intérieur brut de 5 % et les prix de détail de 2,7 %) n'incite pas à des luttes. Les demandes d'emploi non satisfaites (inférieures à 150 000) n'ont pas encore déclenché le climat d'inquiétude qui apparaîtra plus tard.

En outre, deux facteurs interviennent qui perturbent des habitudes bien ancrées : le front commun CGT-CFDT et la campagne électorale.

Depuis le 10 janvier 1966, un fait spectaculaire a dominé les actions revendicatives l'unité d'action sans faille entre la CFDT et la CGT.

Compte tenu des réticences de la CFDT et de FO à l'égard de toute action spécifiquement politique, il était incompatible pour la CGT de vouloir à la fois se réintroduire dans le jeu contractuel et contribuer à la constitution d'un Front populaire incluant partis politiques et forces syndicales. Effectivement, une fois acquis son rapprochement avec la CFDT, la CGT sacrifie le second objectif au premier.

Ni mot d'ordre ni soutien

La logique du troisième tour devait inciter à des engagements plus partisans : pourtant, les syndicats redoublent de prudence. À l'occasion de la journée revendicative du 1er février, André Bergeron (FO) dénonce les préoccupations de la CGT et de la CFDT, « qui ne sont pas seulement syndicales ». La CFDT, de son côté, condamne avec vigueur la politique sociale de la majorité, mais n'accorde aucun soutien et veille à ce que les rares syndiqués candidats n'utilisent point le sigle CFDT. Elle prend soin d'envoyer son programme à tous les partis politiques (sauf celui de Tixier-Vignancour), et reçoit tour à tour le Centre démocrate et le PSU...