À partir de 1960, une sorte de cristallisation semble avoir commencé. Des spécialistes se sont mis à réexaminer les fossiles, déjà trouvés et classés, appartenant aux dernières époques du tertiaire.

Beaucoup de ces fossiles, découverts en Inde, en Afrique, en Europe, avaient été rangés dans des genres différents. Il s'agissait de plusieurs espèces de singes encore peu spécialisés et que l'on avait baptisés dryopithèques, ramapithèques ou bramapithèques. Une telle classification paraît maintenant trop parcellaire ; en particulier sous l'influence du paléontologiste Simons, on tend à réunir ces genres dispersés.

Pour Simons, ils ne feraient qu'un et seraient à intégrer dans la famille des hominidés ; ils constitueraient ainsi le plus ancien groupe connu de la famille humaine. Ce groupe vivait notamment aux débuts de l'époque pliocène, voici environ 14 millions d'années.

Le kényapithèque

Un des fossiles ainsi réunis venait du Kenya, où il avait été découvert en 1961. Son inventeur, le préhistorien bien connu L. S. B. Leakey, se livra à son tour à un réexamen de la trouvaille. Il se pencha aussi sur d'autres fossiles déjà étiquetés au Muséum de Nairobi. Recherches et examens aboutirent à distinguer ce kenyapithecus du groupe déjà constitué.

Il s'agirait là, selon le docteur Leakey, d'un représentant encore plus ancien des hominidés, encore plus proche du tronc commun avec les pongidés. Et il aurait vécu aux débuts du miocène, voici environ 19 millions d'années.

Si ces deux groupes d'hominidés tertiaires sont acceptés, on tiendra donc avec eux deux jalons importants dans la préparation de l'humanité.

Quelques secousses ont également été enregistrées en paléontologie humaine proprement dite.

Découverte en Hongrie

Pour le stade des archanthropiens (celui des pithécanthropes et sinanthropes), on avait appris avec grand intérêt la découverte en Hongrie, à 50 km de Budapest, de deux fragments d'occipital. Pour la première fois, la présence des archanthropiens se trouvait attestée en Europe, et l'on savait donc désormais que ces êtres humains avaient peuplé l'ensemble de l'Ancien Monde.

La découverte avait eu lieu en août 1965. Après avoir procédé à l'assemblage des deux fragments, l'anthropologiste hongrois A. Thoma en entreprenait l'étude.

Ses conclusions, publiées en janvier 1967, ont provoqué une surprise assez considérable. En effet, à côté d'une grande majorité de caractères primitifs qui apparentent son possesseur aux archanthropiens, l'occipital présente une originalité : une hauteur qui le rend unique parmi tous les autres fossiles de son groupe.

Cela entraîne certaines conséquences. Après une série de calculs et de comparaisons, le docteur Thoma conclut que la capacité crânienne de cet individu ne peut pas avoir été inférieure à 1 400 cm3. Cela signifie qu'il y aurait eu, au cours de la seconde glaciation du quaternaire, voici peut-être 500 000 ans, des êtres — des hommes — possesseurs d'un cerveau aussi volumineux que le nôtre.

Jusqu'ici, les premiers gros cerveaux étaient attribués aux néandertaliens ; on les datait de 100 000 à 200 000 ans.

Les néandertaliens

L'auteur part de ces constatations pour donner à son fossile une place privilégiée dans l'évolution humaine. Ce pourrait être, selon lui, le début d'une lignée (d'un phylum) qui conduirait aux hommes modernes par l'intermédiaire de fossiles déjà connus, mais dont la position restait discutée ; par exemple, les hommes de Swanscombe et de Fontéchevade. Finalement, le docteur Thoma n'a pas décidé s'il fallait classer son fossile encore parmi les archanthropiens ou déjà parmi les Homo sapiens.

Quoi qu'il en soit, la polémique ouverte actuellement autour des néandertaliens eux-mêmes va trouver ainsi un nouvel aliment. Il s'agit de savoir si ces hommes, et en particulier leurs représentants européens, ont ou n'ont pas été les ancêtres directs de l'homme moderne.

Les recherches les concernant ont d'ailleurs progressé. On a appris à la fin de 1966 la découverte d'un squelette néandertalien dans la grotte de Gafzeh, en Palestine. Or, les hommes de Palestine, par leur variété, se trouvent au cœur du débat sur l'origine de l'homme moderne.