Avec Milton Buckner, organiste et pianiste, le contact est plus direct ; le swing jaillit à chaque note que frappent ses doigts étonnamment courts. Même swing chez le batteur Jo Jones, longtemps pilier de l'orchestre Count Basie et dont la virtuosité naturelle ne tourne jamais à l'exhibitionnisme ; grâce à son soutien, le saxo ténor Illinois Jacquet et le fougueux trompette Roy Eldridge ont pu donner le meilleur d'eux-mêmes.

Le Paris jazz festival, enfin, a été trop brièvement illustré par quatre remarquables tap-dancers ; leur présence rendait le jazz à sa destination primitive, ce dont il est trop souvent détourné aujourd'hui.

En mars 1967, à l'Olympia, le concert Jazz from a Swing Era n'a tenu que partiellement les promesses d'une affiche pourtant alléchante : Earl Hines, le plus original et le plus complet des pianistes vivants ; sir Charles Thompson, grand pianiste d'orchestre au jeu sobre et plein ; Buck Clayton, trompette à la sonorité splendide, au style à la fois aérien et posé ; Vick Dickenson, trombone à l'aisance souveraine ; Earl Warren, un alto dont le style direct engendre le maximum de swing.

En fin de compte, c'est à Duke Ellington et à Ella Fitzgerald que les amateurs ont dû leurs plus grandes joies de la saison.

Les deux « stars »

Si le mot moderne a un sens, Duke Ellington est le plus moderne des musiciens de jazz. Bien qu'il n'ait jamais prétendu faire autre chose que « de la musique populaire américaine », ses trouvailles innombrables font paraître dérisoires les recherches des autres. Sa faculté de renouvellement paraît inépuisable. Son orchestre a rarement été aussi riche en solistes de premier ordre. Lui-même est toujours le grand seigneur du jazz, qu'il exprime par l'intermédiaire de ses musiciens ou qu'il joue lui-même du piano avec un toucher, une sonorité, des harmonies si personnels que le moindre accord suffirait à le faire reconnaître.

Par l'étendue et la souplesse de sa voix, son sens aigu de la scène, son humour, la diversité d'un répertoire qui va du plus sucré au plus « saignant », Ella Fitzgerald est la plus complète des chanteuses de notre temps. On regrette seulement que, figurant au même programme que Duke Ellington, elle chante si peu avec l'orchestre, elle qui, à ses débuts chez Chick Webb, ne voulait être qu'un instrument parmi d'autres... Le jazz naît d'échanges ; Ella Fitzgerald n'est jamais meilleure que lorsqu'elle dialogue avec la batterie de Sam Woodyard ou le saxophone de Paul Gonsalves. Alors, l'association Duke-Ella cesse d'être celle de deux grands noms sur une affiche pour devenir une réalité musicale qu'on souhaiterait plus fréquente.

Une grande tradition qui se meurt

Le coût élevé des numéros de classe internationale, l'entretien ruineux des fauves et de la cavalerie, et, bien entendu, les taxes qui frappent aveuglément toutes les formes du spectacle, tels sont les maux dont souffre le cirque en France.

Il faut y ajouter une certaine désaffection du public. Certes, la Piste aux étoiles, la remarquable émission de télévision créée et animée jusqu'à sa mort par Gilles Margaritis, avait redonné à beaucoup le goût du cirque, mais elle satisfaisait en même temps ce goût à domicile.

Brasserie bavaroise

Toutes ces causes ont amené la dispersion, la disparition ou l'éclipsé des grands cirques nationaux.

Après l'échec du spectacle ambitieux de Raymond Legrand interprété par Colette Renard, le cirque de Montmartre (ex-Médrano), revenant à la tradition, a donné un excellent programme, dont la vedette était le jeune dompteur Pierre Thomas.

Transformé ensuite en brasserie bavaroise, le Cirque de Montmartre est devenu théâtre pour accueillir la Cuisine.

Il ne reste donc plus, pour l'instant, à Paris, que le Cirque d'Hiver, où triomphe, comme il y a quarante ans, la dynastie des Fratellini. Pour applaudir les numéros parfois un peu longs du Cirque de Moscou (heureusement égayés par les apparitions du clown Popov), les Parisiens ont dû se rendre d'abord au palais des Sports.

Il se peut que, dans le monde actuel, la seule chance de survie du cirque soit de devenir une institution d'État, doublée d'une école, comme c'est le cas en Chine et en U.R.S.S.