La musique d'avant-garde n'est plus l'apanage de petites chapelles d'initiés... ou de snobs.

La réorganisation de la vie musicale

Sensible depuis plusieurs années, le malaise de la vie musicale française a connu, en 1966, une première tentative de solution.

Cette crise est née de bonnes et de mauvaises raisons, de la volonté générale de réorganisation d'une activité artistique qui dispose de moyens insuffisants et n'a aucune doctrine, et de la lutte entre conceptions progressistes et conceptions conservatrices de l'art. Le 3 mai 1966, André Malraux confiait à Marcel Landowski, inspecteur général de la musique, la mission de promouvoir une politique de réorganisation. Il est évidemment encore trop tôt pour pouvoir apprécier l'efficacité de cette mesure, mais les conditions d'improvisation dans lesquelles elle a été prise la condamnent peut-être à ne constituer qu'un replâtrage.

Timides ou utopiques

Marcel Landowski s'est trouvé devant un état de choses rendant toute action difficile sans faire certains sacrifices. Depuis la disparition des fameux surintendants de l'Ancien Régime, l'action de l'État dans le domaine de la musique a toujours été anarchique et déficiente : un petit service ministériel se bornait à contrôler les établissements publics d'enseignement de la musique et les théâtres lyriques, à répartir quelques subventions et à financer des commandes d'œuvres, le tout à la petite semaine et sans vue d'ensemble des problèmes. À son arrivée aux Affaires culturelles, André Malraux laissait entrevoir une substantielle et rapide augmentation des crédits. En 1962, il mettait en place une Commission nationale pour l'étude des problèmes de la musique, présidée par Gaétan Picon, alors directeur général des Arts et des Lettres. Le rapport de cette commission, remis en mars 1965, se borne à des suggestions timides ou utopiques. La tension, déjà vive, s'aggrave encore entre les deux factions opposées : les progressistes dont le leader, le compositeur Pierre Boulez, avait été consulté à plusieurs reprises par le ministre, et qui réclamait une refonte totale des structures musicales de la France ; les conservateurs, réunis dans un Comité national de la musique présidé d'abord par Jacques Chailley, puis par Darius Milhaud, compositeur dont ce comité national sut se concilier l'appui et la caution morale.

Pouvoirs restreints

Au milieu des discussions les plus violentes, le ministre prend, le 3 mai 1966, une première mesure de réorganisation et porte son choix sur le candidat préconisé par le Comité national, Marcel Landowski, compositeur de tendance traditionnelle, fonctionnaire de la maison depuis 1962 avec le titre d'inspecteur général de la musique.

Cette décision, à l'inverse de ce qu'en dit la presse, ne crée ni une direction de la musique ni un directeur de la musique, mais simplement un faisant fonction, timidité administrative qui ne doit pas faciliter les choses à M. Landowski.

Sa compétence est limitée : contrôle et direction technique des écoles nationales de musique et conservatoires régionaux, rapports avec le ministère de l'Éducation nationale en ce qui concerne l'enseignement de la musique dans les écoles publiques, et financement éventuel des activités musicales privées telles qu'organisations de concerts et commandes d'œuvres. Lui échappent notamment le contrôle de l'Opéra et de l'Opéra-Comique de Paris, des Opéras municipaux des grandes villes de France, le Conservatoire national supérieur de musique de Paris, et tout ce qui est musique à l'ORTF.

L'Orchestre de Paris

En l'état actuel des choses, et après un aussi court laps de temps, M. Landowski n'a pas encore pu promouvoir des réformes importantes. Il a cependant fait connaître les objectifs qu'il estime prioritaires : augmentation substantielle des crédits destinés à la musique, amélioration de l'enseignement de la musique, et étude des problèmes posés par l'activité anarchique des associations symphoniques parisiennes. D'ores et déjà, il apparaît que Marcel Landowski est décidé à aider la musique contemporaine jusque dans ses manifestations et activités les plus vivantes, voire dans ses organisations d'avant-garde.