C'est toute la poésie mystique de la peinture que le public retrouva à travers ses visages transparents, dont celui de la célèbre Jeune Fille au turban ; et toute la rigueur de construction d'un art fait de justesse, d'émotion et de silence dans des compositions telles que la Lettre ou l'Atelier. À ces chefs-d'œuvre, il faut ajouter encore la Vue de Delft, remarquée par Proust, ou la Dentellière du Louvre, universellement connue.

Autour de Vermeer, dont la préoccupation essentielle est la lumière, ont été réunis, en outre, des peintres qui l'ont précédé ou suivi, des écoles les plus diverses, chez lesquels se retrouve cette transfiguration de la nature par une clarté spiritualisée.

L'exposition passionna non seulement par les qualités intrinsèques des œuvres, mais aussi par le problème historique posé et les confrontations offertes.

L'hommage à Pablo Picasso
(18 novembre 1966 - 13 février 1967, au Grand Palais, au Petit Palais et à la Bibliothèque nationale)

Quoi de neuf sur Picasso ? Qu'apporter de nouveau sur le phénomène pictural le plus étonnant du siècle, qui a déjà attiré les commentaires les plus passionnés, les plus contradictoires aussi, et certainement les plus nombreux qu'ait jamais provoqués l'œuvre d'un artiste ? Il faut signaler tout d'abord l'ampleur de cet hommage, qui a atteint des proportions encore inégalées. 280 peintures au Grand Palais provenant de douze pays, sans compter la France, et appartenant aussi bien à des musées qu'à des collectionneurs particuliers, avec une participation massive de l'artiste lui-même. Quant au Petit Palais, il présentait l'œuvre sculptée, réunissant pour la première fois 200 pièces, ainsi que 200 dessins et 115 céramiques. Par ailleurs, la Bibliothèque nationale s'associait également à cet hommage par un choix de 200 gravures constituant pour l'essentiel les estampes remises par Picasso lui-même au cabinet des Estampes au titre du dépôt légal et d'ouvrages illustrés.

Ajoutons, enfin, les nombreux hommages privés émanant de galeries, qui se sont multipliés parallèlement aux manifestations officielles. Gravures originales, peintures rares, reproductions, Picasso et le béton ont été des thèmes exploités tour à tour. Une soirée fut également organisée au palais des Sports, où devant le grand rideau de scène composé par Picasso en 1936 pour le 14 juillet de Romain Rolland devaient alterner chanteurs, danseurs, musiciens espagnols, succédant à la lecture de textes en hommage au peintre.

Il va de soi qu'un tel faisceau de manifestations a mis l'accent, si ce n'est de façon définitive, tout au moins globale, sur Picasso, créateur prestigieux, admis désormais par les spécialistes et amateurs d'art, mais provoquant la méfiance et la curiosité de la part du public le plus populaire.

L'étendue chronologique de ces rétrospectives et la confrontation des différentes techniques utilisées par l'artiste auront permis un tour d'horizon de synthèse. C'est ainsi que l'unité de l'œuvre est apparue, en dépit de ses apparentes divergences internes. Une telle prolifération résulte d'abord du génie baroque de Picasso, de la multitude de ses possibilités, et aussi et surtout de sa faculté de vivre dans l'instant sans se soucier de l'œuvre d'hier ou de demain. Cette manière de travailler dans le présent suppose tout naturellement une notion de rapidité d'exécution que l'on a souvent reprochée à Picasso et qui est pourtant une manifestation naturelle de sa personnalité. De nombreux dessins, de nombreuses esquisses sont datés souvent du même jour, et ses toiles, surtout parmi les plus tardives, ont toujours un caractère de fulgurance où l'essentiel est pourtant posé avec autorité, mais avec un sentiment fébrile de spontanéité.

Le caractère artisanal de l'œuvre de Picasso ne fait plus aucun doute. Doué d'un étrange pouvoir de fascination sur les objets et les matériaux souvent les plus insolites, sachant sans cesse innover en matière de technique, prenant son bien où il le trouve, le peintre et le graveur, mais surtout le sculpteur et le céramiste, font feu de tout support, de toute chose au rebut même, qu'ils transmuent, par la grâce d'une invention en perpétuel renouvellement.