La recherche d'un équilibre politique et économique correspondant à l'évolution de son pays amène le maréchal Tito à prendre, en moins d'un an, une série de décisions capitales.

D'abord, la démission forcée de son ancien compagnon d'armes, Alexandre Rankovitch, no 2 du régime, et la révocation de sa créature, Svetislav Stefanovitch, chef des services de sécurité, qui espionnaient tout le monde (Tito compris) et voulaient s'emparer du pouvoir. Ensuite, coup d'arrêt aux révisionnistes libéraux comme le fiévreux Mihajlov, professeur, écrivain, chef du groupe qui voulait fonder la première revue d'opposition à Zadar. Il est condamné à un an de prison.

Cependant, habile politique, Tito sait pardonner. En décembre 1966, pour apaiser les Serbes, le Parlement arrête toutes les poursuites contre le groupe Rankovitch - Stefanovitch (tous deux Serbes) quelques semaines avant que l'amnistie du jour de l'An libère le prisonnier vedette, Milovan Djilas champion entêté de la libéralisation du régime, condamné en 1962 à neuf ans de prison. Par la même occasion sont libérés trois des cinq amis de Mihajlov, arrêtés le mois précédent. Et, le 16 mai 1967, Tito est réélu président de la République à l'unanimité, moins deux bulletins blancs. Réélection à titre exceptionnel, car la règle de rotation est strictement observée pour les autres personnages du régime, dont Popovitch, nommé président de l'Assemblée fédérale. Un Croate, Spiljak devient Premier ministre.

Il faut une certaine atmosphère de liberté pour amener les citoyens à prendre de nouvelles responsabilités auxquelles l'étatisme ne les a jamais habitués. On compte maintenant sur l'autogestion pour relancer industrie et commerce. Le dinar dévalué, puis, en janvier 1966, transformé, à la française, en dinar lourd, valant 100 dinars anciens, la Yougoslavie, sous-développée, cherche à redresser une économie qui ne peut pas nourrir tous ses enfants (déjà 350 000 sont allés travailler à l'étranger), qui l'oblige à augmenter les impôts en janvier 1967 et lui fait craindre l'inflation.

En février, elle sollicite un accord avec le Marché commun, l'Occident chrétien étant déjà rassuré par le concordat Tito-Vatican qui met fin, en juin 1966, à quatorze années de rupture.