La monotonie de l'activité officielle du parti est rompue par la célébration, le 19 décembre, du soixantième anniversaire de Brejnev, le secrétaire général. Célébration rituelle à vrai dire ; les éloges décernés mettent en relief les qualités dont son prédécesseur avait manqué : « la délicatesse, les égards envers les cadres, le sérieux dans la manière d'aborder les problèmes de politique intérieure et extérieure ». En particulier, on met à son actif le renforcement des conditions d'admission dans le parti (12 585 000 membres au 1er janvier 1967).

L'armée et la police

Un nouveau ministre de la Défense, le maréchal Gretchko, est nommé en avril. Les spéculations étaient allées bon train sur la succession du maréchal Malinovsky, décédé le 31 mars. Serait-ce un autre militaire ? Ou un technicien des armements, comme Ustinov ?

C'est le 13 avril seulement qu'est rendu public le nom du nouveau titulaire, Gretchko, commandant en chef des forces du pacte de Varsovie. Les militaires feront donc encore entendre directement leur voix. Plus directement peut-être puisque, à la différence de Malinovsky, Gretchko a une connaissance pratique des problèmes de la stratégie à l'ère des missiles.

Le passé du personnage comme ses fonctions (la direction de la Sécurité d'État) donnent une toute autre signification au limogeage de Semitchasny, le 19 mai. Semitchasny est étroitement lié à Chelepine, son prédécesseur, dont l'ascension a été foudroyante. Tous deux passent pour être des durs et ils l'ont à l'occasion montré, au moins verbalement (c'est par Semitchasny que Pasternak avait été traité de « cochon »). L'éviction de Semitchasny devrait donc permettre aux modérés de neutraliser plus facilement le dur Chelepine.

Sévérité pour les voyous

Andropov, jusqu'alors chargé des rapports avec les PC des démocraties populaires, trouvera sans doute que la discipline est aussi difficile à maintenir dans la société soviétique que dans le camp socialiste. Telle est, en tout cas, la signification des mesures de juillet 1966 pour renforcer la répression de la criminalité et du houliganisme.

Le gouvernement avait constaté une trop grande mansuétude envers « le banditisme, l'ivrognerie et autres vices », envers les voyous qui « sur les lieux de travail fabriquent des couteaux, des coups-de-poing américains ».

Désormais, les délinquants, les ivrognes en particulier, devront payer leur entretien pendant leur détention, les peines sont aggravées, la procédure simplifiée.

L'heure de la vérité

Toutes sortes de fictions sont habilement entretenues pour la vie politique. Il en va différemment dans le domaine de l'économie. Fait sans précédent, la Pravda reconnaît à la fin de l'été 1966 qu'il reste à électrifier plus de 2 millions de maisons d'habitation, 4 500 écoles, jardins d'enfants et cliniques. Les défauts criants du système de distribution sont franchement dénoncés : 70 à 75 % seulement de la récolte de légumes et de pommes de terre parviennent jusqu'au consommateur.

1966, c'est l'année de la « Réforme économique », selon le terme consacré depuis que le parti, en septembre 1965, a adopté l'essentiel des thèses du professeur Liberman.

Au 1er juillet 1966, la réforme est appliquée depuis six mois déjà dans 42 entreprises, dans 200 depuis un trimestre. 400 autres la mettent en œuvre au second semestre. Ces chiffres pourraient laisser penser que l'expérience n'est pas menée sur une grande échelle. Un rapport de Baïbakov, le président du Comité du plan, prouve le contraire : les 642 entreprises qui sont gérées selon les conceptions de Liberman représentent à elles seules 10 % du personnel de l'industrie (2 millions de salariés environ) et 12 % de la production. Leur profit a augmenté de 20 % durant les neuf premiers mois, ce qui est nettement supérieur à la moyenne nationale.

Baïbakov reconnaît qu'il existe des ombres au tableau. Les organismes supérieurs, les ministères appliquent souvent de mauvaise grâce la réforme et interviennent d'une manière tatillonne dans l'activité des entreprises.