Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

opinion publique

La notion d’opinion publique est une notion floue et confuse, qui fait référence à une série de significations plus ou moins contradictoires, appartenant soit au domaine du sens commun, de la psychologie vulgaire, soit à celui de la psychologie sociale scientifique.


Dans son acception la plus ancienne, l’opinion publique désigne le peuple ; elle tend, alors, à être considérée comme le fondement même de l’autorité politique. Mais rien n’est précisé en ce qui concerne sa définition. Suivant les cas, il s’agit de l’opinion consensuelle du peuple, qui forme un tout ; on personnifie alors le terme et l’on dit : « L’opinion publique pense que..., elle réclame des réformes, etc. » Dans d’autres cas, on envisage l’expression dominante de l’opinion publique, soit l’expression modale, la plus fréquente, soit l’expression majoritaire : l’opinion de plus de 50 p. 100 de la population devient l’opinion publique. Dans d’autres cas, enfin, on envisage, au contraire, en utilisant ce terme, toutes les variétés d’opinion que l’on peut dénombrer dans une population. Mais, dans tous ces cas, il n’est jamais précisé comment s’exprime cette opinion publique. Tout au plus envisage-t-on des symptômes divers, que l’on pourra interpréter : grèves, manifestations publiques, pétitions, mais aussi déclarations de personnalités quelconques, de notables par exemple, qui sont supposées être représentatives de cette opinion populaire.

De la même façon, on assimile à des expressions de l’opinion publique les affirmations des organes de diffusion de l’information. Il existe ainsi des « études sur l’opinion publique » réalisées à partir d’analyses du contenu de la presse. Il est difficile de considérer ce contenu comme représentatif de l’opinion publique. En revanche, il est nécessaire d’étudier les moyens de communication* de masse dans une analyse plus générale de l’action éventuelle qu’ils peuvent avoir sur les mécanismes de formation de l’opinion publique. Ils sont un des éléments qui jouent un rôle dans la formation des opinions.

L’approche scientifique de l’opinion publique définit un domaine de phénomènes qui seront susceptibles d’être analysés.

On peut, pour un individu donné, opposer l’opinion publique à l’opinion privée ; la première est susceptible d’être rendue publique et peut être livrée à un étranger ; la seconde est celle que l’on garde pour soi. Cependant, dans la plupart des cas, on oppose l’opinion publique, ensemble d’opinions d’un groupe donné sur un problème donné, à l’opinion individuelle, opinion d’un sujet. Mais cette opposition entre l’individu et le groupe ne correspond pas réellement à une différence fondamentale de nature des phénomènes. Les opinions ne sont pas soit de nature psychologique, soit de nature sociologique ; ce qui fait la différence, c’est l’approche que l’on a des phénomènes d’opinion, selon que l’on s’intéresse en priorité aux opinions d’un individu en relation avec sa personnalité ou aux opinions d’un groupe social. De toute façon, si les opinions sont l’expression d’un individu et de sa personnalité, et si elles sont, de ce point de vue, significatives pour le psychologue, elles sont également l’expression d’un individu qui appartient à des groupes plus ou moins étendus, et ces groupes ont eux-mêmes des systèmes de valeurs, de normes qui vont jouer un rôle sur l’opinion des individus qui y appartiennent. D’autre part, aux influences des groupes auxquels appartient un individu peuvent s’ajouter celles des groupes auxquels il se réfère.

Les opinions ne peuvent être que le résultat d’interactions entre l’individu et les autres membres des différents groupes auxquels il appartient ou auxquels il se réfère, et entre les différents groupes considérés en tant que tels.

En effet, l’histoire d’un individu, les processus selon lesquels il s’est constitué en tant que personnalité, en faisant siennes ou en rejetant les normes et les valeurs des différents groupes auxquels il appartient, auxquels il a appartenu ou auxquels il se réfère, déterminent l’expression d’une opinion sur un problème à un moment donné.

En outre, l’opinion a des fonctions complexes pour l’individu, de même que pour le groupe. Elle joue un rôle dans l’organisation du monde extérieur tel qu’il est perçu. Elle assure également un rôle de préservation contre ce monde extérieur ; elle permet de réduire l’anxiété, la frustration, en mettant en jeu des mécanismes de rationalisation.

Les opinions des individus sont la résultante de la personnalité de l’individu et du système de valeurs et de normes des divers groupes auxquels il appartient. Les opinions peuvent alors être considérées comme des indicateurs non seulement de la personnalité des sujets, mais également des différentes cultures et sous-cultures qui sont les siennes. « Si l’individu est le vecteur et l’acteur de sa culture, c’est que toute une partie de son « donné » lui est donné comme social » (Jean Stoetzel).

Les variations d’opinion que l’on peut constater sur des problèmes donnés en fonction de variables telles que le sexe, l’âge sont significatives de différences qui sont d’ordre non pas biologique, mais sociologique ; elles font référence à des expériences, à des valeurs qui sont différentes dans les groupes sociologiques qu’elles constituent, au même titre que les types d’habitat.

Les opinions ne s’expriment qu’à l’occasion de situations qui créent un problème sur le plan individuel ou sur celui du groupe.

Le but d’une enquête* par sondage sera de rendre manifeste ce qui, jusqu’à présent, n’était que latent. Ce que l’on pourra observer, ce sont des réponses à des questions ; on les considérera comme des indicateurs de ce qui est latent. Il est évident qu’il faudra s’interroger sur la validité des indicateurs utilisés. On peut commettre des erreurs sur la relation entre les indicateurs et la variable qu’ils sont censés mesurer. Si la question est ambiguë pour la personne interrogée, la réponse donnée risque de ne pas correspondre aux intentions qui ont présidé à la formulation de la question.