Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

œil (suite)

Chez certains Serpents, on trouve encore ce mouvement de tout le cristallin vers l’avant, peut-être sous l’effet d’une augmentation de pression dans le vitré. Mais, chez la plupart des Reptiles, chez les Oiseaux et les Mammifères, c’est la forme lenticulaire du cristallin que modifie l’accommodation, sans déplacement notable. Le mécanisme de cette déformation a donné lieu à controverse pendant plus d’un siècle : pour H. von Helmholtz, la vision de près procéderait par un relâchement de la zonule, membrane qui accroche le cristallin au muscle ciliaire, et la face avant se bomberait par un retour élastique à la forme naturelle ; pour M. Tscherning, au contraire, la zonule se tendrait en vision de près et moulerait les parties molles du cristallin sur le noyau central, plus dur et plus bombé. La faveur est revenue à Helmholtz, et E. F. Fincham a démontré que le rôle essentiel était joué par les variations d’épaisseur de la capsule élastique où le cristallin était enfermé ; chez les Oiseaux, cette capsule possède même un bourrelet équatorial marqué. Outre la variation de courbure, il se produit pendant l’accommodation un glissement relatif des couches du cristallin, dont la structure en oignon favorise ce changement, qui entraîne, comme A. Gullstrand l’avait montré, une augmentation de l’indice total.

Il est possible que, chez les Oiseaux, l’accommodation soit aidée par des variations de pression du vitré induites grâce au peigne, étrange organe vasculaire qui prend naissance à la papille, entrée du nerf optique dans l’œil, et s’avance à l’intérieur du vitré, mais ce rôle reste incertain. Les muscles ciliaires, responsables de l’accommodation, sont striés chez les Oiseaux, ce qui les rend plus rapides que les muscles lisses des Mammifères. Chez les Oiseaux de mer qui plongent à la recherche des Poissons, l’amplitude d’accommodation est considérable, pour compenser la perte de l’effet optique de la cornée : chez les Cormorans, cette amplitude atteint 50 dioptries, ce qui, dans l’air, permettrait la vision nette de 2 cm devant l’œil, alors que, chez le jeune enfant, elle atteint à peine 15 dioptries et diminue vite avec l’âge (presbytie) : le cristallin possède en effet le fâcheux privilège de vivre en économie fermée, sans irrigation sanguine depuis l’atrophie de l’artère hyaloïde quelques mois avant la naissance. De ce fait, il perd peu à peu sa malléabilité et sa transparence.


Rétine des Vertébrés

Sa structure est complexe. D’une part, il existe vers le pôle postérieur de l’œil une région dite aire centrale, où les cellules photosensibles présentent un maximum de densité afin d’assurer une meilleure séparation des détails. D’autre part, les cellules visuelles se groupent en général à plusieurs et sont reliées par synapses à une même cellule bipolaire, premier relais du message visuel ; plusieurs bipolaires sont aussi réunies par synapses à une même cellule ganglionnaire, deuxième relais, dont les axones constituent les fibres du nerf optique. Il existe en outre divers types de cellules d’association qui établissent des connexions latérales dans la rétine, si bien que, dès ce niveau, le codage de l’information est très élaboré : beaucoup d’effets traités jadis de psychologiques ont leur siège dans la rétine.

Étant une expansion du cerveau, la rétine des Vertébrés est inversée, la lumière devant se frayer un chemin à travers tous les relais avant d’atteindre les cellules photosensibles. La qualité de l’image en souffre. Aussi, chez ceux des Vertébrés pour qui une bonne acuité visuelle est nécessaire, l’aire centrale se spécialise en fovéa : non seulement la densité des récepteurs y est maximale, mais les bipolaires et les ganglionnaires sont rejetées en un bourrelet autour de l’entonnoir fovéal, dont le fond n’est occupé que par les cellules visuelles, directement atteintes par la lumière. En outre, les cellules fovéales photosensibles possèdent chacune sa bipolaire et sa ganglionnaire propres, afin que leur message individuel parvienne sans mélange au cerveau.

La fovéa s’observe seulement chez quelques Poissons osseux, chez quelques Reptiles, chez la plupart des Oiseaux diurnes et chez certains Primates, dont l’Homme. Chez celui-ci, il existe au centre de la fovéa un bouquet de 2 500 photorécepteurs, spécialement serrés et effilés, sur un diamètre de 0,1 mm environ, ce qui équivaut à une densité de l’ordre de 300 000 cellules sensibles par millimètre carré. Chez la Buse, une densité deux fois plus élevée a été décrite par A. Rochon-Duvigneaud. Chez les Rapaces, les Hirondelles, les Sternes, il existe dans chaque rétine deux fovéas : une fovéa centrale, qui permet à chaque œil une vision nette sur le côté, et une fovéa latérale moins différenciée, qui assure la vision binoculaire en face (« trident visuel »).

Enfin, chez la plupart des Vertébrés existent deux sortes de cellules photosensibles, nommées cônes et bâtonnets d’après la forme de leur segment externe (le plus éloigné du vitré). Les cônes sont évolutivement les plus anciens ; les bâtonnets sont spécialement adaptés à la vision nocturne, non pas du fait d’une plus grande sensibilité individuelle, mais parce qu’ils sont plus abondants et reliés en plus grand nombre aux bipolaires. Chez l’Homme, il existe 7 millions de cônes et 120 millions de bâtonnets pour moins de 1 million de ganglionnaires, si bien qu’en moyenne plus de 100 bâtonnets sont groupés en une seule unité réceptrice : il suffit qu’un petit nombre de photons de lumière soient absorbés dans cette unité pendant les quelques centièmes de seconde que dure l’intégration pour que le message lumineux parte vers le cerveau. Les cônes sont plus individualistes ; ils sont seuls présents dans la fovéa et y assurent l’acuité visuelle, mais au prix d’un seuil mille fois plus élevé environ que celui des bâtonnets. En outre, chez les animaux qui possèdent une discrimination chromatique, celle-ci est assurée par les cônes (v. vision). Dans ceux-ci comme dans les bâtonnets, le pigment sensible à la lumière est réparti sur une double membrane qui se replie sur elle-même un grand nombre de fois, dans le segment externe, afin de multiplier les chances qu’un photon de lumière soit absorbé.