Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
O

œil (suite)

Yeux des Bivalves

Le Pecten (dont une espèce bien connue est la Coquille Saint-Jacques) possède une centaine de petits yeux de 1 mm de diamètre environ, répartis régulièrement dans le manteau médian des deux valves. Leur structure est analogue à celle de l’œil de la Littorine, mais avec l’apparition de caractères nouveaux. Tout d’abord, ces yeux ont un aspect métallique et bleu, dû à un tapis réfléchissant placé derrière la rétine ; fréquent chez les Arthropodes et chez de nombreux Vertébrés, ce tapis a pour rôle de réfléchir la lumière et de lui faire traverser une seconde fois la rétine, ce qui double l’efficacité. Ensuite, la rétine est du type inversé, ce qui veut dire que la lumière, au lieu de rencontrer d’abord les cellules photosensibles, commence par traverser toute la rétine et ne rencontre qu’en fin de course les cellules visuelles ; il est classique de dire que cette disposition, bizarre de prime abord, se rencontre chez tous les Vertébrés, à cause de la formation embryonnaire, comme expansion du cerveau, au lieu de se présenter comme une spécialisation de la peau, ce qui est la règle chez les Invertébrés et devrait donc donner une rétine non inversée. Il est probable que, chez le Pecten, cette particularité provient de l’existence du tapis, les cellules visuelles devant être contre le miroir, afin que ce soient les mêmes qui reçoivent à l’aller et au retour les mêmes détails de l’image rétinienne. Une dernière curiosité du Pecten a été révélée par l’étude de ses cellules visuelles au microscope électronique ; d’une façon générale, il existe dans les cellules visuelles divers artifices permettant de multiplier les chances de capture des photons lumineux par le pigment photosensible ; chez les Vertébrés, ce résultat est obtenu en repliant un grand nombre de fois sur elle-même une membrane qui porte les molécules de pigment, de façon à réaliser un empilement de disques que traverse la lumière. Chez les Invertébrés, le développement interne des cellules visuelles s’opère plutôt par microtubules, serrées comme les rayons d’une ruche. Chez le Pecten, on constate en outre une sorte d’enroulement sur soi-même de la membrane portant les molécules de pigment.


Œil de la Pieuvre

Les Céphalopodes sont des Mollusques très actifs : n’étant pas protégés par une coquille, ils doivent, tant pour échapper à leurs ennemis que pour attaquer eux-mêmes leurs proies, avoir des mouvements prompts, servis par une bonne vision et un cerveau remarquablement développé. L’œil de la Pieuvre Octopus est étonnamment semblable à celui des Mammifères, ce qui est un exemple classique de convergence évolutive. La pupille rectangulaire est très mobile, et, en vive lumière, il ne subsiste qu’une fente horizontale ; cette réponse pupillaire est ipsilatérale, ce qui signifie que, si un seul œil est éclairé, la pupille de l’autre œil ne varie pas. Quand l’animal est alerté par un brusque mouvement, ses pupilles se dilatent, en même temps que des chromatophores noircissent l’épiderme autour des yeux, afin d’effrayer l’ennemi.

Le cristallin est sphérique, et son indice de réfraction croît du bord vers le centre, ce qui augmente l’effet de convergence : la focale du cristallin n’est que deux fois et demie environ son rayon. On retrouve une disposition analogue chez les Poissons et pour la même raison : la cornée, qui se trouve baignée par l’eau de mer, n’a pas d’effet optique, et le cristallin, nettement plus réfringent, est seul à assurer la formation de l’image sur la rétine. On a souvent prétendu qu’il existait chez la Pieuvre une possibilité d’accommodation, c’est-à-dire de mise au point en fonction de la distance de l’objet, par déplacement global du cristallin ; il existe effectivement des muscles qui pourraient jouer ce rôle, mais ils ne servent peut-être qu’à maintenir en place le cristallin lors de brusques mouvements de l’animal. La Pieuvre semble myope, et son œil est au point pour des objets situés à 1 m environ ; il est peu important de voir nettement plus loin, car la diffusion dans l’eau de mer gêne, ou plus près, car la proie est alors à portée des tentacules. En outre, l’astigmatisme de l’œil, dû à une fente pupillaire horizontale, n’implique pas de très bonnes images.

La rétine est formée de cellules visuelles très longues (200 μ, ce qui augmente la profondeur de foyer), de section carrée, très serrées (70 000 au mm2) et où se manifestent deux remarquables effets d’adaptation, qui viennent renforcer l’effet de protection pupillaire : une minute après le début d’un éclairage intense, on observe un mouvement de migration du pigment, qui se déplace dans les cellules visuelles en allant vers le cristallin ; ce phénomène est terminé en quatre minutes dans les parties centrales de la rétine ; il dure plus longtemps vers la périphérie ; en même temps, on observe un raccourcissement des cellules visuelles, de 30 p. 100 au maximum. Ces deux effets d’adaptation, que l’on retrouve chez de nombreux Vertébrés, servent, évidemment, à protéger les cellules photosensibles ainsi qu’à les isoler de leurs voisines, afin d’améliorer le pouvoir séparateur en évitant la lumière diffusée parasite.


Évolution de l’œil

L’œil très perfectionné de la Pieuvre va, chez les Vertébrés, s’améliorer sur deux points essentiels : d’une part l’accommodation, qui, par déplacement ou déformation du cristallin, permet la mise au point sur la rétine d’une image nette pour toute distance de l’objet ; d’autre part, la complication de structure de la rétine, petit cerveau périphérique aux multiples fonctions.


Accommodation des Vertébrés

Chez les Poissons, l’effet optique de la cornée est annulé par l’eau ambiante, et seul le cristallin forme l’image rétinienne. Aussi est-il sphérique et d’un indice de réfraction élevé, qui croît de l’écorce périphérique au noyau central : ainsi, chez la raie, on obtient 1,65 pour indice « total » du cristallin homogène, ayant même forme et même effet optique que le vrai cristallin. Chez les Poissons Téléostéens, la position de repos de l’œil correspond à la vision de près, et l’accommodation pour voir de loin se fait par un muscle rétracteur qui rapproche en bloc le cristallin de la rétine.

Chez les Amphibiens, le cristallin est sphérique chez les formes larvaires aquatiques et s’aplatit chez l’adulte, l’accommodation se faisant encore par déplacement d’ensemble du cristallin, vers l’avant cette fois et sous l’action d’un muscle protracteur, pour voir de près.