Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nucléaire (arme) (suite)

On sait peu de chose des armements nucléaires tactiques soviétiques : il semble que l’effort de l’U. R. S. S. en ce domaine se soit limité aux missiles. On ne lui connaît pas de bombes d’avions ou de missiles air-sol nucléaires proprement tactiques (pas plus d’ailleurs que d’air-sol classiques), ce qui peut correspondre à une conception d’emploi différente. Il est vrai que rien ne ressemble plus à une bombe tactique qu’une bombe stratégique et qu’il ne manque à l’U. R. S. S. ni de ce type de bombe ni de bombardier capable de les lancer.

P. L.


Conséquences de l’apparition des armes nucléaires tactiques

Les deux bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ont, en 1945, considérablement hâté sinon provoqué la capitulation du Japon. Le développement prodigieux conféré à l’arme atomique par le passage du nucléaire au thermonucléaire a bouleversé les données de la guerre : « Dans les conditions présentes, déclarait Brejnev en 1967, une guerre thermonucléaire mondiale provoquerait la mort de centaines de millions d’êtres humains, anéantirait des pays entiers, polluerait la surface du globe. » (V. stratégie.)

D’une puissance beaucoup moindre, les armes nucléaires tactiques, destinées à être employées au cours d’opérations militaires, ont pour objectif la destruction des forces combattantes adverses. Leur puissance incomparablement supérieure à celle des armes classiques a donc également transformé les données de la tactique opérationnelle. Ces transformations qui, en 1974, n’ont heureusement jamais reçu la sanction de l’expérience, demeurent donc dans un état théorique d’hypothèses que l’évolution de la technologie soumet à une évolution constante. On notera toutefois qu’un certain nombre de données sont désormais acquises et dominent l’instruction de toutes les armées, qui accordent une importance primordiale au combat « sous menace nucléaire ».

Alors qu’au cours des deux guerres mondiales la neutralisation de l’adversaire précédant une attaque était demandée à une puissante concentration de feu d’artillerie, celle-ci peut désormais être obtenue par un petit nombre de projectiles atomiques. Ceux-ci peuvent en effet soudainement créer la supériorité locale que les forces de manœuvre blindées exploiteront aussitôt. La tactique opérationnelle s’en trouverait donc fort simplifiée si la présence d’armes atomiques chez l’adversaire n’était capable d’obtenir les mêmes résultats, donnant ainsi une importance essentielle à la détection, puis à la destruction préalable des dispositifs adverses de lancement de projectiles nucléaires ainsi qu’à la mise en sûreté des forces attaquantes.


Les servitudes du combat nucléaire

La généralisation des armes nucléaires tactiques impose aux militaires un grand nombre de servitudes.

• L’importance prioritaire du renseignement. Elle est liée au difficile problème du choix et de l’acquisition des objectifs, qui restent une prérogative essentielle du commandement. Ces objectifs peuvent être les points du terrain (pont, passage obligé, installation, etc.), des zones ou des troupes en mouvement qu’il s’agit de reconnaître au plus loin par tous les moyens de renseignements possibles : observation terrestre fixe et mobile, observation aérienne, radar, missile de surveillance, etc.

• Les délais techniques et pratiques de mise en œuvre de l’arme nucléaire. Ils font l’objet d’une procédure bien déterminée (choix de l’arme, de la puissance explosive, de la hauteur de l’explosion...) et demeurent importants (de l’ordre d’une heure) ; la réduction de ce temps mort est un souci constant des techniciens (v. tir), car il faut compter avec le fait que tout objectif mobile peut disparaître durant cette période.

• La manœuvre des moyens de lancement. Ceux-ci sont nécessairement en nombre limité, ce qui ne leur laisse pas une disponibilité permanente.

• La nécessité impérative de protéger les troupes amies contre les effets de l’explosion. Elle peut, au contact de l’adversaire, imposer leur repli préalable avant le tir nucléaire.

• Le souci de permettre l’exploitation du tir par les troupes amies. Il peut, dans certains cas, interdire d’opérer les destructions qui la rendraient impossible.

Il faut encore compter avec la radioactivité du terrain, autour du point zéro de l’explosion, qui peut en interdire l’accès aux troupes amies. La vulnérabilité de ces dernières est toutefois bien moindre pour les éléments mécanisés que pour les unités à pied.


Dispersion, mobilité et protection

La puissance de l’arme nucléaire impose au commandement une très forte dispersion, une grande mobilité et une protection maximale de ses moyens. Alors qu’on comptait en moyenne 400 hommes au kilomètre carré sur le front de 1916, 100 sur celui de 1943, on évalue ce nombre à 30 dans un combat sous menace nucléaire. Aussi, pour éviter la concentration de troupes ou de véhicules qui constitueraient un objectif de choix pour un tir nucléaire, il est nécessaire d’augmenter considérablement les zones d’action imparties sur le terrain aux grandes unités. Cette exigence de dispersion est évidemment compensée tant par la puissance de l’armement nucléaire que par les possibilités de mouvement de troupes désormais entièrement mécanisées dont on peut estimer que tout élément est capable de se déplacer de 3 ou 4 kilomètres en 10 minutes. D’autre part, le camouflage et l’enfouissement dans le sol des troupes et du matériel permettent seuls d’échapper aux vues et en partie aux effets d’une explosion nucléaire. Cette constatation a conduit à une multiplication d’engins d’enfouissement du génie, qui, seuls, permettent une protection rapide. On notera enfin, notamment pour un théâtre d’opérations européen, l’importance et la complexité du problème d’ordre gouvernemental qui serait posé par la présence de populations civiles dans la zone de combat.