Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nucléaire (arme) (suite)

Le Pluton (que l’on peut rapprocher du « Lance » américain) est un missile à propergol solide (1,2 t) dont la longueur atteint 8 m. D’un poids total de 2,4 t, il est monté sur un conteneur qui lui sert de rampe de lancement et qui est lui-même porté sur un châssis de char « AMX 30 ». Son système d’arme comprend aussi un véhicule calculateur pour l’acquisition des objectifs, qui reçoit, traite et transmet les ordres de tir. Le missile, dont la portée maximale dépasse largement 100 km, effectue un vol programmé grâce à un ensemble inertiel et à un calculateur numérique (type « Iris 35 M »). L’explosion nucléaire peut avoir lieu en altitude, à une hauteur réglée au départ, ou au sol.

L’unité de tir est la section (un véhicule de tir, un blindé chargé de la protection rapprochée), la batterie de tir comprend deux sections ainsi que des équipes de reconnaissance et de topographie. Les batteries sont elles-mêmes, mais en nombre variable (deux à l’échelon division, quatre à l’échelon du corps d’armée), groupées en régiments de « Pluton », qui étaient au nombre de cinq en 1976.

Les armes nucléaires tactiques de l’aviation militaire

Comme il l’avait été en 1945 pour la bombe atomique stratégique, l’avion a été aussi le premier à pouvoir servir de vecteur aux armes nucléaires tactiques. Pour lui, l’exigence de miniaturisation était beaucoup moins impérieuse, puisque le poids des premières bombes tactiques (environ 1 t) ne dépassait pas celui des grosses bombes classiques de la Seconde Guerre mondiale. De plus, les dimensions autorisées permettaient l’emploi de techniques connues ainsi que de matières fissiles moins nobles, donc bien moins coûteuses et plus facilement disponibles.

En tant que vecteur, l’avion n’avait que peu de modifications à subir (quelques câblages électriques supplémentaires) pour utiliser les nouvelles armes. Mais, pour le mettre à l’abri des effets de sa propre bombe, il fallait assurer une distance suffisante (quelques kilomètres) entre l’avion et la bombe au moment de son explosion. On inventa alors des procédures de bombardement très nouvelles comme le LABS (Low Altitude Bombing System), impliquant des manœuvres de voltige déjà bien connues des pilotes (v. bombardement aérien). Ainsi, l’avion tactique se présentait comme un vecteur remarquable avec une fiabilité, une précision et une portée que les premiers missiles n’avaient pas encore atteintes. Son seul défaut était, autour de 1955, de ne pouvoir tirer qu’à vue sur l’objectif, ce qui exigeait un minimum de visibilité ; en outre, sa vulnérabilité sur sa base de départ et en route était déjà plus grande que celle des missiles. Toute l’histoire des armes nucléaires tactiques de l’aviation se ramène à l’amélioration de ces divers points, tandis que l’évolution de la technique, et notamment les immenses progrès réalisés par les missiles, conduisait à préciser les concepts d’emploi.

L’évolution du vecteur avion

Le premier avion prévu dès 1955 pour l’emploi d’armes nucléaires tactiques fut le « Super-Sabre F 100 », d’un rayon d’action de l’ordre de 500 km, spécialisé dans l’attaque à vue au sol (en anglais « Strike »). Sa sûreté au sol était améliorée par la tenue en alerte dite « QRA » (Quick Reaction Alert), bombe accrochée, pilote équipé, l’avion pouvant décoller en moins de cinq minutes. Cette mesure, très coûteuse et pesante pour le personnel, donnait l’assurance que malgré une attaque surprise un pourcentage donné de la flotte aérienne serait capable d’accomplir un nombre minimal de missions.

1961 vit la mise en service du « F 105 », conçu pour l’attaque nucléaire et classique. Avec des capacités d’emport et un rayon d’action supérieurs à ceux du « F 100 », il a surtout la possibilité de naviguer et de bombarder en aveugle, c’est-à-dire sans voir le sol : c’est ce qu’on appelle la capacité tout temps (la nuit et dans les nuages). Grâce à des systèmes de bombardement perfectionnés, sa précision reste très supérieure à celle des missiles. Nombre d’avions de cette époque sont capables d’employer des armes nucléaires américaines, tels le « F 104 G » de la Bundeswehr, les « F 100 » achetés par la France, les « Mirage III E » tout temps, les « Jaguar » ou les avions américains « Phantom F 4 », « F 111 », « F 14 », etc.

Parallèlement aux avions, des missiles atmosphériques mis en œuvre par l’US Air Force ont été employés, tels le « Matador » et surtout le « Mace », avions sans pilote subsoniques, propulsés par turboréacteurs et porteurs d’une arme nucléaire de forte puissance, intégrée dans leur fuselage. Ces missiles, d’un dessin semblable à celui d’un avion, n’avaient sur ce dernier que l’avantage du vol aveugle, mais ne servaient évidemment que pour une seule mission. Ils ont été délaissés dès l’apparition des avions tout temps et des missiles tactiques à propergol solide.

Les armes nucléaires

Les Américains ont mis au point un grand nombre de bombes nucléaires tactiques d’une puissance allant de 20 à 150 kt pour permettre l’adaptation du projectile à l’objectif. Une telle variété posant des problèmes logistiques difficiles, on s’orienta vers des bombes tactiques à puissance modulable dont l’archétype est la « Mark 28 » : sa puissance peut être réglée juste avant le décollage entre 50 kt et une mégatonne. C’est à ce type de bombe que furent adaptés tous les avions des années 1965-1970. Après son départ en 1966 de l’organisation militaire de l’Atlantique, la France décida de réaliser elle-même une bombe pour son aviation militaire : c’est l’« An 52 », qui a été mise en service sur le « Mirage III E » à la fin de 1972 et dont la charge nucléaire est la même que celle du missile « Pluton ». (Les avions français restent toutefois capables d’employer la bombe « Mark 28 ».)

En dehors de ces bombes nucléaires larguées en chute libre, il existe aux États-Unis des missiles à charge nucléaire pouvant être lancés d’avions tels que le « Bull-Pup AGM 12 D » (800 kg, portée 15 km) et le « SRAM » (1 t, portée 100 km), qui équipent aussi bien le « F 111 » que le « B 52 » et le « B 1 ».