Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

nucléaire (arme) (suite)

• Les missiles tactiques. Pour les portées moyennes et les grandes portées, les Américains réalisèrent entre 1950 et 1955 deux modèles initiaux de missiles tactiques destinés à remplacer l’artillerie lourde :
— le « Corporal » à propergol liquide et à guidage mixte (inertie et téléguidage), d’une portée comprise entre 45 et 140 km ; sa longueur était de 13,7 m, son diamètre de 762 mm, son poids total de 5,1 t ; sa tête nucléaire était dotée d’une gamme de puissance allant de 2,5 à 45 kt ;
— le « Redstone », mis au point par l’ingénieur Werner von Braun, à propergol liquide et à guidage par inertie, fut dans les années 1955-1960 l’arme tactique la plus puissante des forces américaines. D’un poids de 30 t, d’une longueur de 20 m, d’un diamètre de 1,80 m, il avait une portée de 80 à 320 km.

• À côté de ces armes lourdes et des armes antiaériennes, tel le missile « Nike Hercules » à ogive nucléaire (v. aérienne [défense]), apparaît vers 1959 le « Davy Crockett », arme légère susceptible de tirer un projectile d’une puissance nettement inférieure à 1 kt (de l’ordre d’un dixième de kilotonne). C’est un canon sans recul monté sur trépied, mais pouvant aussi être tiré sur jeep. Le « Davy Crockett », qui équipe à partir de 1962 les divisions américaines, existe en deux versions (légère, portée de 5 km, lourde, portée de 8 km).

En 1974, les armes nucléaires tactiques américaines s’ordonnaient dans les quatre catégories suivantes.

• Les autopropulsés sol-sol. Leurs portées s’échelonnent désormais sensiblement de 7 à 700 km.

Ils comprennent :
— la roquette « Honest John » et sa version réduite le « Little John », en voie de remplacement ;
— le « Sergeant », qui a remplacé vers 1962 le « Corporal » ; c’est un missile à un étage, à poudre, guidé par inertie, d’une portée de 45 à 135 km ;
— les missiles tactiques à grande portée (de 150 à 720 km), tel le « Pershing », mis au point en 1958 et qui, entre 1960 et 1964, a remplacé le « Redstone ».

Ce sont des missiles à poudre à deux étages, guidés par inertie et utilisant un mode de lancement vertical. Le « Pershing I A », dont la mise en œuvre est plus rapide, a été mis en fabrication en 1969.

Depuis 1965, les Américains étudient un nouveau modèle de missile, le « Lance », destiné à remplacer à la fois le « Honest John » et le « Sergeant » ; sa portée initiale de 60 km est augmentée à 110 km (les premiers « Lance » ont été livrés à l’armée américaine en 1971).

• Les canons et obusiers atomiques. À côté du « 203 », ils comprennent le canon de 175 « M 107 » sur châssis chenillé (28 t, portée de 28 km), qui date de 1956, et les obusiers nouveaux de 155 « M 114 A1 » et « M 109 », qui arment respectivement l’artillerie des divisions d’infanterie et des divisions blindées (portée voisine de 15 km).

• Les missiles mer-air et notamment le « Talos », expérimenté en 1959. Ils équipaient en 1974 six croiseurs américains (dont le croiseur à propulsion nucléaire Long Beach). D’un poids de 2,7 t, d’une vitesse de mach 3, sa portée va de 95 à 140 km. Sorti en grande série jusqu’en 1968, le « Talos » capable de porter une charge nucléaire doit être remplacé par l’« Aegis », mis à l’étude depuis 1970. Dans la classe des sol-air, un nouveau missile téléguidé, expérimenté en 1970, le « SAMD », est destiné à remplacer à la fois le « Hawk » et le « Nike Hercules » dans la défense contre avions volant bas ou contre les missiles tactiques.

• Les missiles air-air et air-sol ainsi que les bombes transportées par avion, qu’il s’agisse des chasseurs d’assaut ou de bombardiers légers.

• Les matériels soviétiques

S’il apparaît que les études sur l’armement tactique nucléaire suivent très rapidement les premières explosions atomiques soviétiques (1949), les réalisations ont pris un net retard sur celles des Américains. Jusqu’en 1955 environ, les forces terrestres de l’U. R. S. S. ont été peu affectées par l’arme nucléaire. Il semble que les premiers missiles soviétiques apparaissent en 1957, mais c’est en 1960 que leur importance est consacrée par la création de l’arme des fusées, dont le commandement est confié à des chefs de valeur, tels les maréchaux Mitrofan Ivanovitch Nedeline (1902-1960) et Kirill Semienovitch Moskalenko (né en 1902) en 1960 et le maréchal Sergueï Semienovitch Biriouzov (1904-1964) en 1962.

L’U. R. S. S. disposera rapidement de missiles à tête nucléaire, parmi lesquels on peut citer, avec le nom de code qui leur a été donné par les services américains :
— les roquettes « Frog », modèles « 1 » et « 2 » (1957, portée de 25 à 30 km) et modèles 3 et 4 (1960, portée de 36 à 50 km) ; ce sont des roquettes d’une longueur d’environ 10 m de la classe des « Honest John » américains, mais dont les rampes de lancement sont montées sur châssis de char (« Joseph Staline III » pour le « Frog 1 », char « P. T. 76 » amphibie pour les « Frog 2 », « 3 » et « 4 ») ; la série des « Frog » s’est prolongée dans les années 1960-1970 jusqu’au « Frog 7 », qui est un missile guidé ; certains « Frog » sont montés sur véhicules à roues, ce qui augmente considérablement leur mobilité tactique ;
— la série des « Scud », comparables aux « Sergeant », missiles sol-sol à un étage dont le modèle A, monté sur roues, a une portée estimée à 165 km, et le modèle B (1965), sur châssis de char, a une portée supérieure à 200 km (poids 4,5 t) ;
— le « Scaleboard » de la catégorie des « Pershing » est un missile probablement guidé par inertie, monté sur véhicule à roues, dont la portée serait de l’ordre de 700 à 800 km ;
— les canons atomiques, parmi lesquels un obusier de 203 mm lançant un projectile à charge nucléaire dont la portée (env. 30 km) serait supérieure à celle de son homologue américain.

• Les réalisations françaises

Si, comme celles de nombreux autres pays de l’O. T. A. N., les forces françaises ont été dotées de roquettes américaines « Honest John », des études furent menées dès 1965 pour équiper l’armée de terre d’un matériel tactique nucléaire de fabrication nationale. Ainsi fut construit le « Pluton », système d’armes qui est entré en service en 1974 et remplace progressivement l’« Honest John ».