Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Norvège (suite)

Toute une série de mesures contribuent dans les dernières années du xviiie s. à assurer la prospérité commerciale : abolition du monopole des grains danois en Norvège (1788), libéralisation de l’exploitation forestière (1795), allégement du tarif douanier (1797). L’importance du trafic commercial explique l’accroissement de la marine et la prospérité des chantiers navals. La neutralité du pays durant les guerres du xviiie s. (guerre de Sept Ans, guerre de l’Indépendance américaine) profite aussi à sa marine, et, au début du xixe s., avec plus de 10 000 marins, celle-ci surpasse celle du Danemark.

Les « lumières » pénètrent en Norvège avec l’établissement de la Société scientifique de Trondheim (1760), la création à Christiana d’une université par souscription publique (1811) et le renouveau de la littérature nationale.

Le sentiment national va se trouver considérablement renforcé du fait de la situation internationale. Le Danemark, attaqué par une escadre britannique, a abandonné sa neutralité pour se rallier à Napoléon. Le Blocus* continental est durement ressenti en Norvège, qui, coupée du Danemark et en proie à la misère, voit toutes ses classes sociales, paysans, marchands et fonctionnaires, exalter les idées nationales et se détacher de la monarchie danoise.

Le chef de ce mouvement, le comte Herman Wedel Jarlsberg, offre même la couronne à un prince suédois, mais la mort de ce dernier en 1810 ne permet pas au projet d’aboutir. En 1812, le nouvel héritier du trône de Suède, le maréchal Bernadotte (futur Charles XIV*), obtient du tsar la promesse de la Norvège en échange de son alliance contre Napoléon.


L’union avec la Suède (1814-1905)


Vers la démocratie et l’indépendance

Le 14 janvier 1814, au traité de Kiel, Frédéric VI, roi de Danemark, cède la Norvège à la Suède tout en conservant ses possessions d’outre-mer (Islande, Groenland, Féroé). Les Norvégiens, que l’on a oublié de consulter, dénoncent aussitôt l’accord et réclament le droit de déterminer eux-mêmes leur sort. Le chef de la résistance est le prince héritier du trône de Danemark, Christian-Frédéric, cousin de Frédéric VI. L’Assemblée nationale réunie à Eidsvoll (Eidsvold) élit le prince Christian-Frédéric roi de Norvège et adopte une constitution (17 mai 1814).

Mais Bernadotte franchit la frontière avec des troupes supérieures en nombre, et le 14 août, à la convention de Moss, Christian-Frédéric renonce au trône et cesse les hostilités. Toutefois, la résistance de la Norvège n’a pas été inutile, car la Constitution d’Eidsvoll est reconnue par la Suède. L’Union est enfin acceptée : les deux États constituent chacun « un royaume libre et indépendant sous un même roi ». Le 4 novembre 1814, le souverain suédois devient roi de Norvège. Selon la Constitution, le pouvoir législatif et la levée des impôts appartiennent à l’Assemblée, ou Storting, le roi possédant l’exécutif.

L’Union ne sera pas heureuse, et les Norvégiens, dans leur immense majorité, ne l’accepteront jamais. Le Storting mène une lutte sourde contre les souverains suédois : suppression de tous les titres nobiliaires héréditaires en 1821, célébration de l’anniversaire du 17 mai qui entraîne une émeute en 1829, demande en 1836 de l’égalité avec la Suède en matière de politique étrangère, etc.

À plusieurs reprises, en 1844, en 1871 et en 1895, on essaie de modifier les termes de l’acte d’Union, mais en vain, car les deux parties ne peuvent se mettre d’accord. Des élections donnent, à partir de 1860-1870, la prépondérance politique à la gauche, qui prend pour cible la prérogative royale et ne songe qu’à renforcer le plus possible les pouvoirs du Storting.

Le chef de la gauche, Johan Sverdrup (1816-1892), oblige le roi Oscar II (1872-1905) à reconnaître le régime parlementaire en Norvège et à le nommer lui-même Premier ministre (1884). Le Parlement devient ainsi tout-puissant et instaure des réformes libérales : organisation du parti social-démocrate en 1887, institution du jury, suffrage universel (1898), etc.

La Norvège, après toutes ces innovations, n’a plus guère de commun avec la Suède que sa politique étrangère. Aussi les Norvégiens vont-ils demander l’instauration d’un ministre des Affaires étrangères propre, sans pression de la diplomatie suédoise ; puis les chefs de la gauche réclameront pour la Norvège la représentativité diplomatique, c’est-à-dire la nomination de consuls norvégiens.

Cette affaire entraîne la rupture avec la Suède. En mars 1905, le Storting vote la création d’une diplomatie séparée. Le roi Oscar II refusant d’entériner la loi, le gouvernement norvégien démissionne. Le roi n’admet ni la démission ni la formation d’un autre gouvernement ; alors le Storting déclare le 7 juin 1905 que la royauté a cessé de fonctionner en Norvège et fait part de sa volonté d’obtenir la complète indépendance pour sa patrie.

L’épreuve de force est évitée : un plébiscite ratifie en Norvège la dissolution de l’Union (13 août), et, après les entretiens de Karlstad (31 août 1905) entre les deux pays, la Suède reconnaît l’indépendance de la Norvège (27 oct.). Le prince Charles, petit-fils du roi Christian IX de Danemark et gendre d’Édouard VII d’Angleterre, devient alors roi de Norvège sous le nom de Haakon VII le 18 novembre 1905.


Transformations économiques

Le développement économique atteint en Norvège des proportions remarquables. Plus que les chemins de fer, dont le tracé est entravé par les accidents du relief (première ligne Oslo-Eidsvoll en 1854, liaison Oslo-Trondheim en 1880, Oslo-Bergen en 1909), c’est l’augmentation du tonnage de sa flotte qui est spectaculaire ; dès la fin du xixe s., la marine norvégienne est la troisième du monde, et le pourcentage des bateaux à vapeur représente, en 1900, 64 p. 100 de son tonnage.

Le bois reste une des ressources essentielles ; la vapeur et l’amélioration du flottage amplifient cette industrie, qui est relancée au xxe s. par la fabrication de la pâte à papier. L’exploitation des gisements de fer en Laponie et la modernisation de la pêche, de la chasse de la baleine, qui prennent un essor considérable à partir de 1890 (Spitzberg, Antarctique), sont les deux autres aspects de cette révolution industrielle, caractérisée aussi par l’accroissement des entreprises (64 p. 100 entre 1897 et 1915).

Le tableau est moins favorable en ce qui concerne l’agriculture, probablement en raison des facilités nouvelles offertes à l’importation des produits alimentaires ; la superficie des terres cultivées diminue, et les cultures des céréales reculent, alors que doublent les importations de grains.

Sur le plan démographique, on enregistre une forte émigration des campagnes vers les villes et vers l’étranger : ainsi, plus de 700 000 Norvégiens s’expatrient avant 1910, surtout en Amérique du Nord.