Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Norvège (suite)

Il est probable aussi que la disparition des seigneurs paysans du haut Moyen Âge, armature politique et sociale de la Norvège, au profit d’une noblesse à l’occidentale, a eu des conséquences graves pour l’évolution du pays. Ces divers facteurs expliquent que, dans l’Union des pays scandinaves, la Norvège sera finalement surclassée par les deux autres royaumes : le Danemark et la Suède.


Le Moyen Âge : le temps de l’union (1387-1523)

Le roi Haakon V Magnusson (1299-1319), qui n’a pas de fils, a marié sa fille Ingeborg à un prince suédois ; leur fils Magnus VII Eriksson devient successivement roi de Norvège (1319-1343) et de Suède (1319-1363) ; son fils Haakon VI Magnusson obtient à son tour la couronne de Norvège (1343-1380), mais il est évincé en Suède par Albert de Mecklembourg ; il épouse la fille du roi de Danemark, Marguerite, et leur héritier Olav V règne sur le Danemark (1375) et la Norvège (1380). À sa mort, en 1387, Marguerite de Danemark, sa mère, se fait reconnaître reine et rétablit les droits de son mari en Suède (1389). En 1396, elle fait proclamer son petit-neveu Erik de Poméranie souverain des trois royaumes, dont l’union est consacrée à Kalmar en 1397.

Mais l’initiative politique revient vite au Danemark, qui attribue aux Danois les terres, les offices et les évêchés norvégiens. Un courant xénophobe se développe, et des révoltes paysannes éclatent en Norvège dans la région d’Oslo sous la direction d’Amund Sigurdsson en 1436 ; deux ans plus tard, Hallvard Graatopp conduit un nouveau soulèvement.

Toutefois, après que la Suède a retrouvé son indépendance avec Gustave Vasa (1523) et jusqu’en 1814, la Norvège va être gouvernée par les rois de Danemark. L’armée et la flotte norvégiennes dépérissent, la langue nationale elle-même est remplacée par le danois, des Allemands exploitent ses côtes et s’emparent de son commerce, tandis que des Danois sont nommés aux hautes charges du pays.


Dans le sillage du Danemark


La Réforme et l’établissement d’une économie moderne (1523-1660)

Le Danemark supprime en 1536 le Conseil d’État norvégien, et la noblesse locale, d’ailleurs peu nombreuse, est dépossédée au profit des seigneurs danois qui s’établissent dans le pays. Lorsque le roi Christian III (1534-1559) impose le luthéranisme (1536), ce sont eux qui profitent également du partage des biens de l’Église norvégienne, laquelle possède une richesse énorme représentant le tiers des terres du royaume.

L’archevêque de Trondheim, Olav Engelbriktsson, se met à la tête de la résistance politique et religieuse contre les décrets du roi de Danemark, mais, en 1537, cette opposition s’effondre et l’évêque de Bergen lui-même passe à la Réforme. L’Église luthérienne n’en demeurera pas moins, durant longtemps, une Église étrangère imposée par la force ; cette situation explique qu’elle ne suscitera pas en Norvège, à l’exemple de ce qui se passera au Danemark et en Suède, un renouveau culturel ; au contraire, on enregistrera dans ce domaine une décadence qui ne fera que s’accentuer.

Dans le commerce, les Hollandais remplacent les Hanséates. Grâce à leurs techniques et à leurs capitaux, ils développent l’économie, surtout l’exploitation des forêts. L’industrie du bois (usage de la scie hydraulique) prospère, les forêts côtières et celles de l’intérieur dont les bois descendent vers le littoral par flottage sur les rivières fournissent de grandes quantités de bois qui sont exportées en Europe.

L’industrie de la pêche (harengs, morues, baleines) grandit également sous l’influence des techniques nouvelles importées par les Anglais et les Hollandais, et Bergen devient le centre principal du marché du poisson. Les rois de Danemark, à la fin du xviie s. surtout, s’emploient à promouvoir l’industrie minière : mines de fer à Kristiansand, d’argent à Kongsberg, de cuivre à Røros.

Au xviie s., la Norvège est entraînée dans des conflits européens ; sous le règne de Christian IV (1588-1648), elle perd le Jämtland et le Härjedalen (paix de Brömsebro, 1645) au profit de la Suède ; puis sous Frédéric III (1648-1670) elle doit abandonner Trondheim et le Bohuslän (paix de Roskilde [1658]) ; sa population est alors tombée à moins d’un demi-million d’habitants.


Le retour de la prospérité (1660-1814)

L’établissement au Danemark et en Norvège de l’absolutisme monarchique par le roi Frédéric III (1648-1670) est favorable à la Norvège ; la noblesse danoise y perd ses privilèges, et la bourgeoisie profite des progrès de l’urbanisation, qui accélère la concentration de l’artisanat et du commerce. En outre, une réglementation commerciale édictée en 1662 accorde privilèges et monopoles à une douzaine de villes. Néanmoins, le Danemark impose à la Norvège l’exclusivité de l’importation de ses céréales.

Une des décisions les plus importantes pour l’histoire future de la Norvège est celle de vendre, à partir de 1660, une partie des terres de la Couronne pour faire face aux dépenses militaires. Les paysans achètent ces terres et voient leur condition s’améliorer ; ainsi, au milieu du xviiie s., on compte dans le pays deux fois plus de paysans propriétaires que de fermiers.

Cette évolution continue dans la seconde moitié du siècle, les paysans poursuivent la conquête de la terre et, au début du xixe s., les trois quarts de celle-ci seront entre leurs mains ; mais à côté d’eux, cependant, tout un prolétariat rural aux conditions de vie précaires s’est également développé, exploité très durement par les paysans propriétaires. Cette situation provoque des révoltes paysannes au xviiie s., en 1764 et en 1786 notamment.

L’économie norvégienne prend un réel essor au xviiie s. Les bois de construction sont de plus en plus réclamés par les chantiers navals, les villes d’Angleterre, des Provinces-Unies et de France ; Christiania (Oslo) est le centre de leur exportation. Les métaux et les poissons, dont le commerce se fait toujours à Bergen, s’exportent aussi en grande quantité.