Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
N

Newton (sir Isaac) (suite)

Après son retour à Cambridge, Newton acquiert les autres grades universitaires et obtient en 1669 la chaire de mathématiques, dont Barrow s’est dessaisi pour se consacrer à la théologie ; pendant vingt-six ans, il remplira avec zèle ses fonctions de professeur. En 1669, également, il rédige un compte rendu de ses découvertes mathématiques, le théorème du binôme généralisé et les fondements du calcul infinitésimal, pour le confier à Barrow ; ce compte rendu ne sera publié qu’en 1711.


L’optique de Newton

À ce moment, Newton s’occupe de perfectionner le télescope, et il en construit les lentilles de ses propres mains. Puis, en 1671, il pense à utiliser comme objectif un miroir sphérique, dénué d’aberrations chromatiques. Ce télescope est connu de la Royal Society, qui ouvre ses portes à son auteur en 1672.

Encouragé par l’intérêt que lui manifeste cette glorieuse institution, Newton lui présente la première communication qui sera rendue publique ; il y expose ses expériences faites au moyen du prisme et prouvant que la lumière blanche est composée de rayons colorés dont la réfrangibilité est différente. Cette affirmation suscite de vives controverses, notamment avec Robert Hooke et avec Christiaan Huygens*, et Newton, qui déteste les discussions et ne supporte guère la contradiction, « blâme sa propre imprudence, qui l’a poussé à abandonner un bien aussi solide et substantiel que sa tranquillité, pour courir après une ombre ».

Cependant, en 1675, il publie un nouveau travail sur la lumière, où figure sa théorie corpusculaire, ou théorie de l’émission. Toutefois, pour expliquer les irisations des lames minces et l’expérience d’interférences dite « des anneaux de Newton », il attribue aux particules lumineuses certaines propriétés ondulatoires, faisant déjà une synthèse de ces deux aspects « complémentaires » de la lumière. En même temps, il donne une théorie de la couleur des corps et complète l’explication de l’arc-en-ciel fournie par Descartes*. Tous ces travaux d’optique ainsi que ses observations sur la diffraction de la lumière, qu’avait découverte Grimaldi, figureront dans son grand ouvrage Opticks, dont il ajourne la publication jusqu’en 1704, après la mort de Hooke.

Une pensée de Newton

« Si mes recherches ont produit quelques résultats utiles ils ne sont dus qu’au travail, à une pensée patiente [...]. Je tiens le sujet de ma recherche constamment devant moi, et j’attends que les premières lueurs commencent à s’ouvrir, lentement et peu à peu, jusqu’à ce qu’elles se changent en une clarté pleine et entière. »


Les « Principes »

Ayant achevé l’essentiel de son œuvre en optique, Newton semble se désintéresser de la science. Mais l’astronome Edmund Halley (1656-1742), à la suite de discussions avec Hooke et Christopher Wren (1632-1723), va le consulter à Cambridge au sujet des fameuses lois de Kepler* et des orbites elliptiques des planètes. Les réponses de Newton sont à ce point convaincantes que Halley le presse, en 1685, de publier ses découvertes sur la gravitation et se charge de payer les frais d’impression. Et c’est en 1687 que paraît l’œuvre immortelle de Newton : Philosophiae naturalis principia mathematica. Dans la préface de ces trois volumes, Newton expose qu’il veut appliquer les mathématiques à l’étude des phénomènes naturels, parmi lesquels le mouvement occupe le premier rang. La force, dont l’origine et la nature nous restent inconnues, y est définie uniquement par ses manifestations. On trouve dans cet ouvrage le principe d’inertie, la proportionnalité des forces et des accélérations, l’égalité de l’action et de la réaction. Newton y développe sa théorie de l’attraction universelle et la loi de l’inverse carré, d’où se déduisent les trois lois de Kepler sur le mouvement des planètes. Cet ouvrage expose aussi les lois du choc, étudie le mouvement des fluides, calcule la précession des équinoxes et l’aplatissement terrestre, donne la théorie des marées, établit l’orbite des comètes, explique les perturbations planétaires, etc. On est en droit d’affirmer que ces Principes ont posé les fondements et fixé les méthodes de la science moderne. Comme l’a écrit Laplace* : « L’importance et la généralité des découvertes, un grand nombre de vues originales et profondes qui ont été le germe des plus brillantes théories de ce siècle, tout cela, présenté avec beaucoup d’élégance, assure à l’ouvrage la prééminence sur les autres productions de l’esprit humain. »


Newton mathématicien

La tradition historique veut qu’Isaac Newton doive l’essentiel de sa formation mathématique à Isaac Barrow. La publication récente de ses manuscrits mathématiques de jeunesse montre qu’il n’en est rien. Dans le domaine des mathématiques supérieures, Newton est un parfait autodidacte, qui s’est formé par la lecture solitaire des principaux ouvrages contemporains. Sa connaissance des grands mathématiciens de l’Antiquité est très superficielle. Il ne connaîtra guère Archimède* et Apollonios de Perga qu’après avoir approfondi les travaux des mathématiciens modernes. Il lira alors simplement les éditions modernisées d’Archimède et d’Apollonios dues à Barrow (1675).

Ses véritables maîtres sont François Viète (1540-1603), lu dans l’édition procurée en 1646 par Frans Van Schooten (1615-1660), l’algébriste anglais William Oughtred (v. 1574-1660), John Wallis (1616-1703), professeur à Oxford, et surtout Descartes, dont il a étudié minutieusement la Géométrie dans l’édition latine en deux volumes donnée en 1659-60 par Van Schooten et ses disciples. De tous ses contemporains, Newton est celui qui assimile le mieux les méthodes analytiques de Descartes. Il éclaire les points laissés obscurs par son devancier et dote la géométrie analytique de son efficacité maximale. Dès 1667-68, il s’attaque à la classification des cubiques, dont il donne des tracés corrects, avec asymptotes, inflexions, points doubles, points de rebroussement.