Nervi (Pier Luigi) (suite)
Pour d’autres types de construction n’exigeant pas de grands espaces couverts sans supports intermédiaires, Nervi s’engagera dans des recherches qui font beaucoup penser à Robert Maillart (1872-1940), où l’élément préfabriqué est non plus une poutre, mais un panneau, nervé et cintré, dont les possibilités d’assemblage dessinent un nouveau réseau de structures : c’est le cas de l’usine de filature Gatti à Rome (1953), dont les planchers-champignons sont très célèbres, et de la manufacture des tabacs à Bologne (1952).
Les dernières œuvres de Nervi marquent d’autres préoccupations, dans des directions très diverses. Le palais de l’Unesco à Paris, édifié entre 1952 et 1958 en collaboration avec Marcel Breuer* et Bernard Zehrfuss (né en 1911), est une recherche sur les structures en voiles minces, formées par la combinaison de poutres creuses et de voiles sinusoïdaux. Le gratte-ciel Pirelli à Milan* (1958, avec l’architecte Gio Pond [né en 1891]) exploite le domaine de la précontrainte, associant des voiles raidisseurs en tête et, au milieu, des couples de poteaux qui vont s’effilant et s’espaçant vers le haut. Quant au Palais du travail de Turin (1961), c’est une gigantesque salle hypostyle, hors d’échelle, dont les seize piliers palmés sont composés d’un poteau en béton et d’une enrayure en métal : ce système combiné est l’extension du principe des planchers-champignons de l’usine Gatti, mais on peut déplorer le caractère un peu théâtral de cet espace surdimensionné, qui n’a ni l’ampleur ni la légèreté des grandes coupoles et des voûtes du palais des Sports de Rome ou du hall des Expositions de Turin. De même pour la papeterie Burgo de Mantoue (1964), gigantesque pont de 285 m de long et de 31 m de large suspendu à un double portique incliné qui retient 495 t de couverture : même justifiée par les nécessités d’une chaîne en continu sur une si grande longueur, cette énorme construction apparaît quelque peu démesurée par rapport aux besoins réels de l’usine.
Le pathétisme marque ainsi les dernières œuvres de Nervi et justifie partiellement l’accusation de formalisme portée contre lui — encore qu’il ne faille pas négliger l’importance que les œuvres de sa maturité ont pu avoir dans l’histoire de l’architecture au milieu du xxe s.
F. L.
➙ Bétonnage [l’architecture en béton].
ÉCRITS DE NERVI : Scienza o arte del costruire ? (Rome, 1945) ; Costruire correttamente (Milan, 1954 ; 2e éd., 1965).
G. C. Argan, Pier-Luigi Nervi (Milan, 1954). / P. L. Nervi, Nuove strutture (Milan, 1957 ; trad. fr. Structures nouvelles, Vincent et Fréal, 1963). / P. L. Nervi, E. R. Rogers et J. Joedicke, Pier Luigi Nervi (Milan, 1957 ; trad. fr. Pier-Luigi Nervi, ingénieur, architecte. Constructions et projets, Vincent et Fréal, 1958). / A. L. Huxtable, Pier-Luigi Nervi (New York, 1960).