Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Nantes et Saint-Nazaire (suite)

Les deux villes


Nantes

Autour de Nantes et Saint-Nazaire s’organise la vie urbaine de la basse Loire. Nantes est la grande ville. Son animation, ses monuments, les perspectives de ses « cours » (boulevards, promenades) lui donnent des airs de capitale. De part et d’autre de l’ancien lit de l’Erdre (cours des Cinquante-Otages), deux quartiers historiques rassemblent le centre-ville. À l’est, le vieux Nantes antique et médiéval serre dans quelques vestiges de remparts, au pied de la cathédrale, du château ducal et de la porte Saint-Pierre, un dédale de rues étroites et de petites places pittoresques (places du Change, du Pilori) bordées de maisons de bois, d’ardoises, de pierre, des xve et xvie s., aux façades sculptées et à tourelles (quartier Sainte-Croix). Entamé au xviiie s. par le classicisme (ancienne Chambre des comptes aujourd’hui préfecture, place du Bouffay, cours Saint-Pierre et Saint-André), aéré au xixe s. par quelques percées modernes (rues de Strasbourg et du Maréchal-Leclerc), mais tout empreint encore du souvenir des grandes heures nantaises, il est resté un quartier administratif et marchand, densément peuplé.

À l’ouest, attenante à deux faubourgs de rive de l’Erdre (Bourg-Main et le Marchix) est la ville classique. C’est le Nantes du xviiie s., le Nantes prestigieux des fortunes coloniales, des armateurs, des lotisseurs (Graslin, Delorme, de Gigant) ; le Nantes de Mellier, de Gabriel, de Ceineray, de Crucy aussi, administrateurs ou architectes. Terriblement meurtri pendant la Seconde Guerre mondiale, mais reconstruit dans un goût sûr, il a gardé sa marque originelle. Des hôtels particuliers, bourgeois et aristocratiques, d’architecture sobre à pilastres et balustres, colonnes et frontons, ornent de leurs façades ordonnancées, rehaussées de motifs allégoriques, des rues et des places bien tracées (places Royale et Graslin, cours Cambronne). Commerces de luxe, banques, cafés, brasseries, spectacles (théâtre Graslin) font de ces quartiers le centre animé et élégant de Nantes (rue Crébillon, passage Pommeraye, place du Commerce). Au sud, sur le port et l’ancien bras de la Bourse (cours Franklin-Roosevelt), les immeubles cossus aux balcons de fer forgé des xviie et xviiie s. du quai de la Fosse, des allées Brancas et Flesselles, de l’« île » Feydeau (la « Petite Hollande », rue Kervégan) font à la ville du trafic négrier un front orgueilleux. Au nord, le vieux Marchix, conduisant au champ de foire de la place Viarme, a été rénové, tandis que, des vides laissés par la dernière guerre, naissaient autour de la rue du Calvaire et de la place de Bretagne des quartiers résidentiels, commerçants et administratifs.

La ville moderne (1850-1939) est beaucoup plus banale. S’appuyant, dense encore et tirée au cordeau, sur une étoile de faubourgs rayonnants (Chantenay, Talensac, route de Paris, Richebourg) et sur un long boulevard de ceinture ouvert en 1873, elle a gagné ensuite, en ordre plus lâche, la périphérie. Elle correspond à la grande vague du peuplement contemporain. Deux communes proches, Chantenay et Doulon, étaient annexées (1908). Associant à l’immeuble de rapport la petite construction individuelle, essentiellement ouvrière, la ville moderne abrite aussi à l’ouest des entrepôts, au nord des écoles, à l’est des casernes, le lycée, la gare, le triage (le Grand Blottereau). Là sont aussi les deux grands cimetières de Nantes. Seuls rompent avec la monotonie et l’austérité de l’ensemble, à l’ouest, la coulée de verdure de la Chézine (parc de Procé), à l’est le Jardin des plantes.

Le port flanque la ville au sud. Allongé sur la Loire sur 15 km, il concentre usines, docks, entrepôts. Fonderies, constructions navales, industries chimiques et alimentaires, parcs à charbons et à phosphates, hangars à bananes et à primeurs, entrepôts frigorifiques, silo à mélasses se succèdent dans l’« île » Gloriette et la partie aval de l’île Beaulieu (Prairie-au-Duc, Prairie d’aval), sur les deux grands bras du fleuve, la Madeleine au nord, Pirmil au sud. Un modernisme utilitaire séant, voire audacieux, commence à pénétrer leurs rues laides aux longs murs aveugles. Dans l’« île » Gloriette, le centre hospitalier régional et universitaire (1957) domine de sa masse impressionnante un vieux quartier en cours de rénovation, tandis que sur l’esplanade du Champ-de-Mars voisinent industries anciennes (biscuiteries) et halle marchande moderne. Dans la Prairie-au-Duc, le marché-gare aux primeurs a pris place aux côtés des installations ferroviaires du vieux « Nantes-État » de 1875. Vers l’aval, anciens ou récents également, établissements industriels et entrepôts se suivent, sur la rive droite jusqu’à Couëron (chais, hangars à tourteaux et à céréales, brasserie, constructions navales, sucrerie, fonderies, dépôts de carburant, métallurgie des non-ferreux), sur la rive gauche jusqu’au Pellerin (papeterie, centrale thermique de Cheviré [845 MW], arsenal d’Indret). Le port a bloqué l’extension de la ville vers le sud (faubourgs Saint-Jacques et Pont-Rousseau sur la rive gauche de la Loire).

Mais tout autour de Nantes, depuis vingt ans, une ville nouvelle a surgi. Le collectif de masse modèle des quartiers nouveaux. Il a pris, avec l’ampleur des destructions de guerre et des besoins, une dimension considérable : 21 000 logements. À l’ouest, la cité des Dervallières en compte 2 500, le Breil-Malville, 1 600 ; au nord, la Boissière-Fantaisie, 1 500 ; sur la rive gauche de l’Erdre, la Z. U. P. (zone à urbaniser en priorité) de l’Eraudière-Beaujoire, doublée d’une Z. A. D. (zone à aménagement différé) de 264 ha, en escompte 7 800. Dans l’île Beaulieu, l’ouverture de deux rocades transversales et d’importants travaux de remblaiement ont permis l’implantation, sur 116 hectares, d’une Z. U. P. de 5 000 logements, en cours d’édification ; en face, sur la rive droite de la Loire, s’en est élevée une autre de 1 500 logements dans la Prairie-de-Mauves (Malakoff). L’université a trouvé, au nord de la ville, sur les pentes boisées du Tertre entre l’Erdre et l’hippodrome, un cadre agréable de 120 ha.