Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mousson (suite)

Nous considérons ce critère comme essentiel : il est reconnu comme tel par les météorologues et les climatologues tropicalistes. A. Austin Miller le souligne lorsqu’il écrit que l’air de mousson souffle des hautes pressions d’un hémisphère vers les basses pressions de l’autre, en alternance avec les saisons. Le passage des vents austraux à travers l’équateur, au-dessus de l’océan Indien, se fait en deux temps : d’avril à mai, ces vents ont pour destination les basses pressions équatoriales, et c’est à partir de juin que l’air traverse l’équateur, attiré par les basses pressions asiatiques. Ainsi, si pendant un certain temps il y a prolongement statistique plutôt que prolongement réel des flux d’un hémisphère à l’autre, le passage de l’alizé de l’hémisphère d’hiver à l’équateur et sa transformation en un flux de mousson dans l’hémisphère d’été n’en sont pas moins un fait fondamental. Ce passage s’opère par un changement de direction. De l’hémisphère austral, où il est un flux de sud-est, l’alizé passe l’équateur au-dessus de l’océan Indien, en poursuivant en mousson dans l’hémisphère boréal (flux de sud-ouest). Cela est dû à l’effet dynamique de la rotation terrestre autour de son axe. Mais il faut ajouter aussi l’existence et la position de la dépression continentale, aspiratrice du flux, située dans l’hémisphère d’été. À la latitude des Guyanes et des Petites Antilles méridionales, le flux austral se déplace sans avoir subi de déviation vers la droite. Il n’est pas possible de parler vraiment là de mousson, parce que le débordement est d’ampleur limitée et aussi parce que l’un des facteurs essentiels de la mousson chaude n’est pas réalisé : présence d’une dépression thermique (sur un continent étalé aux latitudes subtropicales et tempérées) placée de telle sorte qu’elle aspirerait le flux profondément vers le pôle et imposerait la déviation vers la droite (référence faite à l’hémisphère Nord). Aux Antilles, en lieu et place du continent et de sa dépression thermique aspiratrice, il y a l’océan Atlantique Nord subtropical.

On peut alors se demander s’il n’est pas souhaitable de ne retenir, pour désigner la mousson, que la seule manifestation d’un flux passant l’équateur et se dirigeant vers un continent surchauffé, d’autant que le flux antagoniste d’hiver exprime des dispositions hétérogènes (alizé, coulée polaire) et que seule la mousson d’été impose les effets pluviométriques spécifiques d’un grand type de perturbation azonale. Une telle position, cependant, ne saurait dispenser de l’exigence de l’alternance saisonnière des flux et, par conséquent, éviter l’analyse des flux d’hiver issus des continents.

• La mousson combine processus thermiques et dynamiques.

Les uns et les autres apparaissent en hiver comme en été. Les processus thermiques tout d’abord. En été, un effet majeur revient, dans l’aspiration des flux océaniques, aux dépressions thermiques. Les basses pressions pelliculaires de l’ensemble saharo-arabique, celles du nord-ouest du sous-continent indien et celles de l’Asie centrale expliquent l’arrivée de la mousson chaude et humide sur l’Afrique occidentale, l’Inde, le monde malais, la Chine, etc. En hiver, le caractère thermique se manifeste par la présence de masses d’air frais. Si la mousson d’hiver indienne est d’origine subtropicale (alizé), elle peut être fraîche dans la mesure où l’anticyclone émissif est renforcé par des advections polaires à l’ouest de l’Himālaya. La mousson malaise (la « mousson de l’Asie du Sud-Est » pour J. Delvert) a une origine plus directement polaire : elle émane d’anticyclones mobiles situés à l’arrière de fronts froids, glissant progressivement sur le Pacifique occidental (ce qui rappelle la naissance des noyaux bermudiens). Les manifestations de ces anticyclones ne doivent pas être confondues avec l’intervention des hautes pressions sibériennes, dont les flux agissent normalement plus au nord (Mandchourie et Chine du Nord, Japon, pays du Yangzijiang [Yang-tseu-kiang]). Là encore, la mousson d’hiver n’est autre qu’un alizé dans sa phase de naissance à partir d’un noyau anticyclonique en voie de « tropicalisation ».

Les processus dynamiques découlent, d’une part, des vicissitudes du jet-stream (subtropical) et, de l’autre, de la présence de grandes perturbations dynamiques internes (talweg de mousson de l’Inde, perturbations cinématiques parmi lesquelles, bien qu’avec quelques réserves, nous placerons les cyclones tropicaux). Lorsque le jet-stream remonte en été vers le pôle, l’effet dynamique, subsident, diminue aux latitudes subtropicales (Sahara et surtout Inde), ce qui permet aux dépressions thermiques, profitant, là, du maximum d’apport radiatif, de se creuser et d’imposer dans une certaine mesure du moins, leur effet aspirateur. On doit noter, à part, le cas de la dépression du canal de Mozambique. Résultant de la haute température de la mer et d’un effet hydrodynamique d’obstacle (déviation de l’alizé indien par la masse malgache), elle participe à l’aspiration de la mousson de N.-O. intervenant en été sur Madagascar. Cependant, l’installation des basses pressions sur l’Asie centrale (au nord de l’Himālaya) relève de circonstances différentes.


La structure et les caractères de la mousson

• Les flux. Les flux d’hiver comme les flux d’été revêtent dans l’ensemble une certaine homogénéité de caractères et d’effets. Les flux d’hiver semblent être finalement (sauf en ce qui concerne l’Asie orientale au nord de la Chine du Sud) des alizés. Ils imposent une grande phase de sécheresse ou, du moins, une nette récession pluviométrique en saison froide. Les flux d’été (avec passage réel ou statistique à l’équateur) sont chauds et humides sur une certaine épaisseur (de plus en plus faible en direction du front de mousson, qui est le report, loin vers l’intérieur des terres de l’hémisphère d’été, de la C. I. T. [convergence intertropicale]). Ils sont donc instables et imposent les pluies, non seulement du fait de cette instabilité (potentielle), mais aussi à cause des perturbations qui les affectent et utilisent cette instabilité : thermoconvection, qui apporte des précipitations substantielles à partir du moment où, assez loin en arrière du front, la mousson est suffisamment épaisse (fig. 2) ; perturbations cinématiques d’échelles diverses ; cyclones tropicaux, dont la structure dépasse la seule intervention du jeu des vitesses et des directions de vents ; perturbations orographiques.