Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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mousson (suite)

• Les rythmes pluviométriques saisonniers. La mousson impose normalement l’alternance d’une saison humide d’été et d’une saison sèche d’hiver (rythme tropical). Cependant, une alternance identique peut résulter du jeu des masses d’air océaniques et continentales d’un même hémisphère, là où nous rejetons l’idée de mousson (est des États-Unis, Grandes Antilles occidentales), alors que l’alternance saisonnière des flux de mousson ne répond pas nécessairement à une alternance pluviométrique (îles équatoriales de l’archipel malais). Certains pays de mousson, enfin, voient leur maximum pluviométrique placé hors de l’été (sept.-oct. et même nov. : Bangkok, Phnom Penh, côte de Coromandel).

Tous les pays de mousson ne sont pas de climat tropical ou équatorial : le régime et le mécanisme de mousson peuvent transgresser bien au-delà du domaine thermométrique où la tropicalité est admise. Il en est ainsi en Asie orientale, où seul le sud de la Chine (pays du Xijiang [Si-Kiang] et aussi Taiwan [T’ai-wan]) appartient au « monde des tropiques ». Plus au nord, où il gèle en hiver, les processus de mousson sont encore observables, ce qui traduit la puissance du caractère azonal du mécanisme de mousson. Cependant, la mousson n’impose pas obligatoirement une configuration azonale des climats où elle règne : la mousson ouest-africaine intervient dans une des régions du globe où la zonation climatique est la mieux respectée.


Les moussons

Le phénomène de mousson est particulièrement bien représenté (mais non exclusivement) en Afrique occidentale, dans le sous-continent indien et à Ceylan ainsi que dans le Sud-Est asiatique (Indochine, archipel malais, sud de la Chine) ; il demeure perceptible, avec moins de valeur démonstrative, en Asie orientale (Chine du Centre, Chine du Nord et Japon), incluse parfois dans l’Asie* de la mousson.

• En Afrique occidentale, la masse d’air humide progresse en direction de la dépression thermique saharienne de surface (coiffée par l’anticyclone dynamique demeuré en altitude) depuis l’anticyclone de Sainte-Hélène et, à tout le moins, depuis les parages équatoriaux du golfe de Guinée. Il semble que la puissance expulsive des hautes pressions australes l’emporte sur la puissance aspiratrice de la dépression saharienne, maintenue, il est vrai, fort peu épaisse (fig. 3). Le coin de mousson passe sous le système de circulation du Sahara reporté en altitude. Le front de mousson exprime l’endroit où la mousson est si peu épaisse que les pluies qui accompagnent sa progression ne deviennent substantielles qu’à une distance respectable de sa trace au sol (fig. 2). Le renversement saisonnier se marque par l’emprise de la circulation saharienne et par l’intervention de l’alizé survenu du continent (harmattan). Sauf en bordure du golfe de Guinée, l’alternance d’une saison sèche et d’une saison humide est bien respectée jusqu’à la latitude de Dakar ou de Saint-Louis-Tombouctou. Avec une période sèche qui occupe désormais les trois quarts de l’année, nous arrivons là aux limites du concept des tropiques humides. La poussée de mousson peut (rarement) remonter en été jusqu’au cœur du désert (Tamanrasset [fig. 3]).

• En Inde (fig. 4), la répartition des pluies diffère selon la latitude, ce qui traduit d’abord la combinaison de la répartition des terres, des mers et des reliefs avec les processus pluvieux de mousson. La bordure indienne de l’Himālaya a de fortes précipitations (3 000 mm à Darjeeling). Mais ce sont, avec les 11 m de Cherrapunji, les reliefs de l’Assam qui connaissent les hauteurs d’eau les plus impressionnantes (pôle mondial de la pluviométrie). La plaine Indo-Gangétique, très sèche, voire aride à l’ouest (Pendjab), est fort arrosée à l’est (Bengale). Le Deccan inverse le sens de cette dissymétrie, avec des précipitations énormes sur les Ghāts occidentaux, et Bombay, plus au nord, illustre encore ces dispositions.
Les grands mécanismes de la mousson indienne sont indépendants de ceux qui régnent à l’est, sur le monde malais, et au nord-est, sur la Chine. En hiver, c’est le passage du jet-stream au sud de l’Himālaya qui assure la formation de l’anticyclone indigène, générateur d’un alizé que l’on convient d’appeler la mousson d’hiver. En été, le brusque effacement de la circulation d’altitude, qui remonte vers le nord, aboutit à la libération de toute contrainte dans l’élaboration de la dépression thermique du Pendjab (coiffée par l’anticyclone dynamique d’altitude) et à la réalisation du talweg de mousson, qui prolonge cette dépression vers l’est - sud-est. Pour l’essentiel, la mousson qui dessine ce talweg attaque le Deccan par l’ouest (d’où pluies orographiques de la côte de Malabar), puis, après la traversée de la péninsule, opère un changement de direction sur le golfe du Bengale. On comprend, dans ces conditions, que, combinée au détail des perturbations, l’application pluviométrique maximale se fasse sur l’ouest du Deccan et l’est de la plaine Indo-Gangétique. L’est du Deccan (côte du Coromandel) doit attendre le début du renversement du flux de mousson (avec intervention du bord oriental d’un anticyclone centré vers l’ouest de la péninsule) et aussi l’application de perturbations spécifiques du golfe du Bengale pour qu’interviennent les pluies dessinant le maximum d’automne.

• Dans le sud-est de l’Asie (fig. 5), la mousson d’hiver semble bien être essentiellement le fait de ces anticyclones mobiles qui glissent sur le Pacifique et irriguent de leur flux alizéen les îles et le continent dans sa partie indochinoise, tandis que la mousson d’été est un flux austral. Cela est évidemment un schéma très simplifié d’une réalité rendue complexe par la configuration du continent à cet endroit et aussi par l’allure des reliefs combinés à des expositions fort diverses aux vents marins. Le fait qui domine, cependant, est l’importance des abats apportés par la mousson d’été, dont le centre dépressionnaire attractionnel est constitué par les basses pressions de l’Asie centrale.

• L’Asie orientale (Chine du Centre, Chine du Nord et Japon) représente la limite du concept de mousson : il est probable que l’essentiel du flux pluvieux d’été arrive de l’hémisphère boréal en prenant naissance sur le Pacifique Nord ; quant à la mousson d’hiver, elle paraît être la seule que l’on ne puisse pas assimiler à un système alizéen.

Au fond, c’est revenir à un concept tropical que faire ces réserves, c’est-à-dire admettre que la mousson se joue fondamentalement entre systèmes d’alizés directs (hiver) et systèmes d’alizés déviés par-delà l’équateur (été). [Sauf indication contraire, les figures sont réalisées selon les maquettes de l’auteur.]

P. P.

➙ Asie de la mousson / Circulation atmosphérique / Vent.