Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moravia (Alberto) (suite)

Il connut la célébrité à vingt-deux ans dès son premier roman, Gli Indifferenti (publié à compte d’auteur), parfois défini comme le premier roman existentialiste européen (1929). De facture classique et théâtrale, proche du feuilleton, il s’agit, à travers la peinture d’une famille romaine, d’un radical réquisitoire contre la vanité, le cynisme et la corruption des valeurs bourgeoises, auxquelles Moravia oppose la résistance passive, l’« indifférence » de son héros-adolescent et sa découverte de la sexualité. Ces deux derniers thèmes inspireront encore à Moravia quelques-uns de ses plus beaux récits, en particulier Agostino et La Disubbidienza, après des essais moins heureux dans la satire politique (La Mascherata), la prose d’art (I Sogni del pigro) ou le fantastique (L’Epidemia).

Avec La Romana (1947), Moravia inaugure un nouveau cycle, culminant dans La Ciociara (1957), où il met en scène la petite bourgeoisie et le peuple romains ; il y réussit, à côté de savoureuses caricatures populistes, non sans quelque complaisance, d’admirables portraits de femmes (Adriana dans La Romana et l’héroïne homonyme de La Ciociara).

À partir de 1960 (La Noia), il évoque par héros (ou anti-héros) interposés sa propre crise d’intellectuel vieillissant et toujours à la page, en adaptant avec une incontestable virtuosité, fût-ce avec quelques années de retard sur les modes et les courants, thèmes et techniques empruntés çà et là (en particulier du côté du nouveau roman, de G. Bataille et des épigones de J. Lacan).

J.-M. G.

 E. De Michelis, Introduzione a Moravia (Florence, 1954). / O. Del Buono, Moravia (Milan, 1962). / A. Limentani, Alberto Moravia tra esistenza e realtà (Venise, 1962). / E. Sanguineti, Alberto Moravia (Milan, 1962). / J. Duflot, Entretiens avec Moravia (Belfond, 1971).

Moravie

En tchèque Morava, région de Tchécoslovaquie.



La géographie

La Moravie est l’une des trois grandes régions géographiques du pays, entre la Bohême* et la Slovaquie*. Drainée par le réseau de la Morava, tributaire du Danube au sud, par l’éventail des affluents du cours supérieur de l’Odra au nord, elle se présente comme une suite de dépressions, une vaste poche de la plaine pannonienne, faite d’une série de bassins (graben) tertiaires bourrés de dépôts néogènes et de horsts formant des collines et traversés en petites gorges par les cours d’eau, resserrés entre les hauteurs appelées tchéco-moraves à l’ouest (qui ferment le quadrilatère bohémien) et la courbe des Carpates Blanches (Bílé Karpaty) à l’est (qui annoncent la Slovaquie). C’est une région de transition, de passage entre l’Europe du Midi et l’Europe du Nord, entre les pays du Danube et ceux de la Vistule. Le réseau des villes-marchés qui en jalonnent les bords atteste l’intensité d’une ancienne activité commerciale. Les communications furent établies par l’Autriche pour unir la Galicie aux pays viennois.

D’autre part, la Moravie est une des riches régions agricoles de l’Europe centrale. Le lœss, donnant de beaux placages de terres noires, couvre les terrasses fluviales. Le fond des larges vallées est garni de belles prairies. Les versants des collines bien orientées portent des vergers. Les plantes méridionales (maïs et vigne) remontent jusqu’à la latitude de Brno*. Partout ailleurs, les rendements et la qualité des céréales, en particulier du blé et de l’orge de brasserie, des oléagineux et de la betterave à sucre, ne le cèdent en rien à ceux de la première région agricole de la Tchécoslovaquie, le Polabí. De gros villages entourés de riches terroirs de défrichement attestent l’ancienneté de l’occupation humaine. Les coopératives agricoles et d’élevage les plus riches de Tchécoslovaquie s’y sont installées.

On divise généralement la Moravie en trois groupes de régions. La Moravie du Nord et du Nord-Est se compose en particulier des bassins industriels proches de la frontière polonaise, formant la Silésie tchécoslovaque (v. Ostrava).

La Moravie du Centre est essentiellement agricole. Elle fournit des fruits et des légumes aux agglomérations industrielles, de l’orge aux brasseries des villes de Bohême et produit des porcs et des œufs en excédent. De gros bourgs jalonnent le cours de la Morava supérieure ou le rebord des collines : Přerov (40 000 hab.), Prostějov (43 000 hab.). La ville nouvelle de Gottwaldov (ancienn. Zlín) est le centre de réputation mondiale des usines Bat’a (nationalisées), et l’agglomération, de plus de 100 000 habitants, ne vit que pour le cuir, le caoutchouc et la chaussure, les emplois ayant été occupés par la main-d’œuvre agricole en excédent dans les campagnes environnantes. La capitale de cette partie centrale au contact avec la Bohême est la ville d’Olomouc, qui compte plus de 90 000 habitants et qui est le siège d’industries de large consommation, un foyer de vie universitaire, une ville historique.

La Moravie du Sud-Ouest, la plus étendue et la plus variée, se rassemble autour de la capitale morave, Brno, ville d’industries textiles et alimentaires, siège d’une foire internationale célèbre et qui compte 350 000 habitants (près d’un demi-million dans l’agglomération). Les hauteurs de Moravie sont constituées de plateaux étages, découpés par des vallées. Les uns, granitiques, rappellent la Bohême et sont couverts d’une forêt dense ; les autres, calcaires, offrent un des plus beaux types de karst souterrain : le Moravský Kras est visité par plus de 500 000 touristes annuellement. Au pied des plateaux sont des collines fertiles, les Chřiby, et des vallées agricoles. Parmi les nombreuses bourgades de la région, Jihlava, avec 40 000 habitants, ville de minerais argentifères au Moyen Âge, s’est convertie à l’industrie de la laine, au tricotage et à la fabrication de pièces d’automobiles.