Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Moravie (suite)

Enfin, l’extrême sud de la région fait intégralement partie du domaine pannonien. Les gros villages allongés présentent leurs maisons colorées à la chaux alignées de chaque côté d’une large rue centrale. Le maïs nourrit d’énormes troupeaux d’oies et de porcs. De beaux vignobles couvrent les pentes des collines exposées au sud. Comme dans le Bassin pannonien, on exploite depuis une dizaine d’années un petit gisement d’hydrocarbures (pétrole et gaz naturel), prolongement du bassin autrichien de Zistersdorf, autour de la petite ville de Hodonín.

A. B.


L’histoire


Les origines

Riche plaine agricole, large couloir de communication ouvert du nord au sud par la vallée de la Morava, la Moravie a été très anciennement peuplée par des vagues d’invasions successives. À l’âge du bronze, la civilisation de Lusace couvre tout le nord du pays de 1300 à 600 av. J.-C. Puis la Moravie est l’un des grands centres de la civilisation celte avec les tribus des Volques et des Tectosages. Au ier s. av. J.-C., l’arrivée progressive des Germains refoule les Celtes vers l’ouest. Les Quades vont occuper pendant plusieurs siècles cette région, où la proximité du limes danubien permet la pénétration de l’influence romaine.

Au ve s., profitant du vaste mouvement des migrations en Europe centrale, les Slaves apparaissent en Moravie. Dans la seconde moitié du vie s., ils sont soumis aux attaques des nomades Avars, qui tentent de leur imposer leur domination. Le royaume de Sámo, au viie s., regroupe pendant quelque temps la résistance des Slaves, mais il ne peut tenir les Avars en échec. La défaite de ces derniers devant les Francs permet à la Grande-Moravie* de devenir au ixe s. le centre d’un empire indépendant. Mais, au début du xe s., cet empire s’effondre devant les invasions hongroises.


La formation du royaume de Bohême

La Moravie reste environ cinquante ans sous la domination hongroise, puis elle est l’enjeu de luttes indécises entre les princes de Bohême et les princes de Pologne, qui en ont le contrôle de 1003 à 1025. C’est le prince Břetislav Ier qui, en 1029, s’en empare et la rattache à la Bohême. En 1055, il décide que la Bohême sera donnée en fief aux fils aînés de la dynastie et que la Moravie sera divisée entre les fils cadets. En 1063, Vratislav II, duc de Bohême, fonde l’évêché d’Olomouc (Olmütz), centre de la vie religieuse de la Moravie ; les évêques, très puissants, soutiennent presque toujours la couronne dans sa lutte contre la noblesse.

Après 1173, pendant une période d’affaiblissement du pouvoir royal qui dure près de vingt-cinq ans, la Moravie devient plus indépendante. En 1182, l’empereur Frédéric Ier* Barberousse érige le pays en margraviat d’empire au profit du prince morave Konrád Ota. Mais, en 1197, la Moravie reprend son statut de fief du roi de Bohême, donné au fils cadet de la famille royale. En 1254, Otákar II Prěmysl (1253-1278) s’empare de la Styrie, protégeant ainsi le pays contre les invasions venues du sud. Il fonde des nouvelles villes, des monastères et accueille largement les colons allemands, qui s’établiront de façon durable dans le nord du pays et dans les villes.

Jean de Luxembourg, fondateur de la nouvelle dynastie, nomme en 1333 son fils Charles, âgé de dix-sept ans, margrave de Moravie. Lorsque celui-ci devient roi (1346), puis empereur (1355) sous le nom de Charles IV*, il laisse à son frère, Jan Jindřich, la Moravie. C’est sous son règne que se précise la notion de royaume de Bohême. En 1348, puis par la Bulle d’or de 1356, il confirme que la Moravie n’est pas soumise à l’empereur, mais relève directement du roi de Bohême. Depuis le xiiie s., la diète de Moravie rassemble la haute noblesse (barones), la petite noblesse (milites) et le haut clergé. Dès 1169, il est fait mention d’une chancellerie de Moravie qui s’organise et se renforce au xiiie s. Lorsque le fils de Jan Jindřich, Jošt, dernier margrave, meurt en 1411, la Moravie est désormais gérée directement par les rois de Bohême.


L’époque hussite

Le mouvement hussite est moins fort en Moravie qu’en Bohême. Au début, les réformateurs y trouvent une audience favorable. Stanislav ze Znojma, un Morave, est un des compagnons de Jan Hus*, mais il s’en sépare lors de son conflit avec la papauté. La noblesse morave proteste contre la décision du concile de Constance, mais la mort de son chef désorganise la résistance. L’évêque d’Olomouc et les villes allemandes de Brno (Brünn) et de Jihlava (Iglau) soutiennent après 1419 Sigismond et la cause catholique contre les Hussites. En 1423, les armées hussites font deux expéditions pour prendre la Moravie. Mais le gendre de Sigismond, Albert V de Habsbourg, duc d’Autriche, garde le contrôle du pays jusqu’en 1427.

En 1458, la Moravie reconnaît l’élection de Georges* de Poděbrady. En 1464, celui-ci déclare la Moravie partie inaliénable du royaume de Bohême. Mais le roi de Hongrie Mathias Ier* Corvin se fait couronner roi de Bohême à Olomouc en 1469 ; en 1479. à la signature de la paix d’Olomouc, qui marque la fin des hostilités avec Ladislas Jagellon (roi de Bohême depuis 1471 sous le nom de Ladislas II), il obtient la possession viagère de la Moravie. Mais, à sa mort, en 1490, Ladislas II étant élu roi de Hongrie sous le nom de Vladislas II, la Moravie est de nouveau réunie à la couronne.


L’Empire des Habsbourg*

En 1526, à la mort de Louis II (1516-1526), fils de Ladislas II, la Moravie reconnaît sa sœur Anne Jagellon (qui a épousé Ferdinand de Habsbourg), comme souveraine, et accepte ainsi, comme la Bohême, la domination des Habsbourg. Le xvie s. est marqué par l’extension du protestantisme. La doctrine des Frères moraves trouve un écho dans la noblesse tchèque et dans les petites villes tchèques (Šternberk, Přerov), tandis que les villes allemandes (Brno, Olomouc) s’ouvrent au luthéranisme. À Brno, le réformateur Bruno Waldhauser est brûlé lors de la répression qui suit l’année 1527. Lors de la révolte de 1546-47, la noblesse morave reste à l’écart du soulèvement. En 1566, les Jésuites s’installent à Olomouc, où ils ouvrent un collège et une université. En 1608, Rodolphe II abandonne la Moravie à l’archiduc Mathias d’Autriche.