Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Montréal (suite)

Le développement urbain

Montréal fut fondé en 1642 par Paul de Chomedey de Maisonneuve (1612-1676) sous le nom de Ville-Marie. Le site primitif se plaçait entre l’actuelle rue Craig et le Saint-Laurent, au terminus amont de la navigation. La violence du courant dans le bassin de Laprairie, les rapides de Lachine, de la rivière des Prairies et de la rivière des Mille-Îles interdisaient l’accès direct par voie d’eau du lac Saint-Louis et du lac des Deux-Montagnes. Montréal fut d’abord le centre du commerce des fourrures et le point de départ des missionnaires et des aventuriers vers la région des Grands Lacs ; mais l’hostilité des Iroquois entrava longtemps l’exploitation du site naturel de rupture de charge et de transbordement.

Montréal ne prit quelque importance qu’après la « Conquête », à la fin du xviiie s., grâce à l’arrivée des marchands anglais et écossais, grâce à la colonisation du Haut-Canada et des cantons de l’Est, c’est-à-dire d’un arrière-pays demandant des produits manufacturés importés en échange des céréales et du bois, grâce aussi au creusement du canal de Lachine en 1825, ce qui permettait à la navigation fluviale d’assurer le relais de la navigation maritime en évitant les rapides.

Dès 1820, Montréal dépassait Québec (19 000 hab. contre 15 000). L’extension de la ville se fit parallèlement au fleuve d’abord, puis commença en profondeur jusqu’au pied de la terrasse marine postglaciaire qui porte le boulevard Dorchester et la rue Sainte-Catherine. Le mont Royal, qui domine la ville d’environ 200 m et qui lui a donné son nom, était alors éloigné de la zone urbanisée.

La croissance remarquable de Montréal au xixe s. résulta de la volonté des hommes et de circonstances favorables. Tout d’abord, c’est grâce à l’esprit d’initiative de ses hommes d’affaires anglo-saxons que la ville devint le principal nœud ferroviaire de l’est du Canada. Les premières voies ferrées partaient de la rive droite : lignes de Laprairie à Saint-Jean (1836), de Longueuil à Portland, dans le Maine (1853). En 1847, on construisit une ligne de Montréal à Lachine, d’où un service de ferries assurait la correspondance avec la ligne du lac Champlain. En 1859 fut achevé le Grand Trunk entre Montréal et Toronto ; le pont Victoria (1860) permit de raccorder dans Montréal même les réseaux des deux rives. Vers 1870, Montréal commandait les relations par rail entre le Haut- et le Bas-Canada, et entre celui-ci et les États-Unis.

Pour assurer l’accès du port aux plus gros navires de mer, on entreprit des travaux sur le fleuve : le tirant d’eau du chenal fut porté, au prix de dragages incessants, de 4 m en 1851 à 9 en 1907 (10,5 aujourd’hui). Vers 1870, Montréal avait déjà des relations maritimes étendues non seulement avec les îles Britanniques et les États-Unis, mais aussi avec l’Europe continentale et les pays du Pacifique. Il exportait céréales et farine, beurre et fromage. Il importait des denrées alimentaires exotiques, les matières premières et les produits semi-finis demandés par une industrie en pleine expansion ainsi que des articles manufacturés.

Favorisée par le développement des transports ferroviaires et maritimes, la révolution industrielle donna naissance à des minoteries, des brasseries, des sucreries, des filatures et tissages, des entreprises de confection, des fabriques de chaussures, à l’industrie du tabac, du bois de construction et de l’ameublement, à des chantiers navals, à la fabrication de matériel ferroviaire. Grâce encore à sa position dominante dans les transports, Montréal tira grand profit de la colonisation des Prairies : port d’entrée des immigrants, il fournit équipement et biens de consommation aux nouvelles provinces, et devint le courtier de leurs exportations agricoles. Enfin, l’industrie montréalaise bénéficia de la croissance économique des États-Unis, avec lesquels se nouèrent des liens financiers, techniques et commerciaux.

Ce développement industriel et commercial entraîna une vigoureuse expansion urbaine. La population passa de 58 000 habitants en 1851 à 107 000 en 1871, à 267 000 en 1901 et à 500 000 en 1911. Les quartiers industriels s’étendirent en bordure des voies ferrées, du canal de Lachine et des installations portuaires, tandis que les habitations garnirent la terrasse Sainte-Catherine à partir de 1850 et la terrasse de la rue Sherbrooke dans les années 1880-1890. À la veille de la Première Guerre mondiale, le domaine bâti poussait des tentacules le long de deux axes majeurs de croissance, le boulevard Saint-Laurent et la rue Sherbrooke, et commençait à battre le pied du mont Royal au nord-ouest (Outremont) et au sud (Westmount).

À part l’interruption de la crise mondiale, qui frappa durement l’économie montréalaise, celle-ci a connu après la Première Guerre mondiale une expansion qui s’est accélérée depuis la Seconde Guerre mondiale en donnant naissance à de nouvelles branches industrielles, surtout dans les domaines métallurgique, mécanique et chimique.


La ville actuelle

Le Montréal d’aujourd’hui est un organisme frappé de gigantisme. Débordant très largement les limites de la cité de Montréal, l’aire urbanisée occupe presque toute l’île de Montréal, s’étend dans l’île Jésus et au nord-ouest de celle-ci (Saint-Eustache, Sainte-Thérèse-de-Blainville). Sur la rive droite du fleuve, elle comprend une zone dense (Longueuil, Saint-Lambert, Greenfield Park) et quelques noyaux urbains isolés (Laprairie, Brossard, Saint-Hubert, Boucherville, Varennes) ; elle pousse des avant-gardes vers le Richelieu (Saint-Bruno). Des espaces non urbanisés de plus en plus réduits subsistent encore dans le nord-est et le sud-ouest de l’île de Montréal et surtout dans l’île Jésus.

La carte administrative s’est plus ou moins adaptée à l’expansion de l’aire urbanisée. La cité de Montréal s’est d’abord agrandie jusqu’à rejoindre la rivière des Prairies sous la poussée urbaine guidée par le boulevard Saint-Laurent et les voies parallèles voisines. Elle a annexé ensuite Rivière-des-Prairies (le long du bras fluvial du même nom, dans l’Est de Montréal, c’est-à-dire le nord de l’île), Mercier et Longue-Pointe, qui forment ainsi des enclaves municipales. Il y a aussi des municipalités indépendantes enclavées dans la cité de Montréal, comme Outremont et Westmount. Dans l’île Jésus, tout l’espace occupé a été regroupé en une ville de Laval. À l’échelon supérieur, l’aire métropolitaine englobe la cité de Montréal, les municipalités des deux îles et des parties de comtés sur la rive droite du fleuve et au-delà de la rivière des Mille-Îles.