Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Montréal (suite)

La croissance de l’agglomération a suivi dans le sens nord-sud des voies parallèles au fleuve, les rues Saint-Jacques et Notre-Dame dans la basse ville (héritières de vieux chemins, elles en ont gardé le tracé sinueux), et la rue de Sherbrooke sur la plus haute terrasse ; dans le sens est-ouest, elle a suivi le boulevard Saint-Laurent, perpendiculaire à ces rues. Le plan général s’articule sur ce système de voies : c’est un damier presque parfait au nord du boulevard, plus irrégulier dans la partie comprise entre le mont Royal et le port. Toutefois, quelques damiers indépendants se présentent ici et là (Verdun, Montréal-Nord). Par suite des contraintes topographiques (voies coupant ou contournant le mont Royal) ou de la préférence donnée à un dessin original, certains secteurs échappent au plan géométrique.

Les divers quartiers de Montréal ont leur physionomie propre. Le centre des affaires correspond à peu près à la ville du milieu du xixe s. Il se subdivise en plusieurs secteurs. L’un d’eux est situé dans le vieux Montréal : la place d’Armes et la partie voisine des rues Saint-Jacques et Notre-Dame, jadis principal district financier de la cité, sont encore le siège de sociétés d’assurance et de crédit. Ce secteur confine au quartier historique (château de Ramezay, restes de fortifications) et au quartier administratif (hôtel de ville). Mais la partie la plus importante du centre des affaires se trouve aujourd’hui sur le boulevard Dorchester. L’aspect de ce quartier a été bouleversé ces dernières années : les édifices qui bordent le Dominion Square (cathédrale Saint-Jacques ; bâtiment de la Sun Life Insurance Company, longtemps le plus haut de Montréal) sont noyés par les constructions les plus récentes de la rue Dorchester et des secteurs rénovés entre celle-ci et la vieille ville : gratte-ciel, dont certains sont des chefs-d’œuvre d’architecture (le Cruciforme, l’édifice de l’Hydro-Québec), galeries marchandes souterraines (place Ville-Marie, place Bonaventure), espaces récréatifs et culturels (place des Arts). Non loin de là, la rue Sainte-Catherine a relativement peu changé : sa section centrale est toujours le domaine des grands magasins, des cinémas, des restaurants. Plus près du mont Royal, la rue Sherbrooke, quartier résidentiel de la bourgeoisie anglo-canadienne au début du siècle, s’incorpore progressivement au centre des affaires en se hérissant de gratte-ciel.

Les quartiers résidentiels se distinguent par un clivage socio-professionnel qui se confond souvent avec la pratique linguistique et l’appartenance religieuse. Les riches hommes d’affaires anglophones et protestants habitent de vastes demeures entourées de jardins à Westmount. Les Israélites fortunés résident de préférence à Outremont ; les artisans juifs demeurent boulevards Saint-Laurent et Saint-Denis. Le fief des employés et des ouvriers canadiens-français, c’est Rosemont et l’Est de Montréal (Saint-Léonard, Anjou). Mont-Royal et la banlieue de l’extrême ouest sont habités par des cadres supérieurs et des membres des professions libérales, principalement anglo-canadiens. Les immigrants d’origine méditerranéenne s’infiltrent parmi les Canadiens français dans le nord de l’agglomération. Sainte-Anne et Saint-Henri, parcourus de canaux, de voies ferrées et piquetés d’usines, sont des quartiers pauvres : ici Canadiens français, là Irlandais. Sur la rive droite, les anglophones dominent à Greenfield Park, les francophones à Longueuil, à Brossard, à Saint-Bruno. L’île Jésus et la rive gauche de la rivière des Mille-Îles sont peuplées principalement de Canadiens français de diverses classes sociales.

L’étroitesse des rues du centre de la ville, connues pour leurs bouchons fréquents, et le petit nombre de ponts sur le fleuve et les autres bras gênaient considérablement la circulation automobile jusqu’à la construction récente de nouveaux ponts et d’autoroutes urbaines de dégagement. L’ouverture de lignes de métro a considérablement amélioré les transports publics dans l’île de Montréal et entre les deux rives du fleuve.

L’urbanisme

C’est à Montréal que le dynamisme architectural du Canada s’est manifesté de la façon la plus nette dans le cadre de l’Exposition universelle de 1967, mais aussi lors de la restructuration de son centre et du remodelage de son infrastructure.

L’ensemble de Ville-Marie a été réalisé sur un terrain de 3 ha, en plein cœur du quartier des affaires. Un important groupe d’immeubles est dominé par un gratte-ciel de plan cruciforme (204 m de hauteur). Au pied de cet immeuble de bureaux, dû à l’architecte J. M. Pei (né en 1917), s’étale une « plazza » réservée aux piétons, donnant accès à la galerie marchande et aux différents niveaux du sous-sol, où sont aménagés des boutiques, des cinémas, des restaurants : toute une « urbanisation couverte », domaine du piéton à l’abri des hivers rigoureux, s’est ainsi développée. La place Ville-Marie, commencée en 1962, a servi de référence à de nombreuses réalisations : la place Bonaventure, impressionnant volume de béton martelé, image du courant « brutaliste » ; la place Victoria, édifiée par les architectes italiens Luigi Moretti (1907-1973) et Pier Luigi Nervi* (né en 1891). L’architecture fonctionnaliste est partout présente, notamment à Westmount, où s’élèvent les trois tours d’habitation de Ludwig Mies van der Rohe*, remarquables par l’harmonie de leurs proportions.

L’Exposition universelle de 1967 a contribué à accélérer la modernisation de Montréal par des créations d’infrastructures modernes : un pont de 690 m enjambe lé Saint-Laurent et relie le port aux deux îles Sainte-Hélène et Notre-Dame (cette dernière artificielle), qui ont servi de cadre à l’Exposition ; le métro, aménagé non seulement par des ingénieurs, mais aussi par des équipes d’architectes, est conçu pour dépasser sa simple fonction de passage ; des autoroutes urbaines, enfin, bouleversent le centre de Montréal.