Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Montgomery of Alamein (Bernard Law Montgomery, Ier vicomte) (suite)

En 1958, âgé de soixante et onze ans, il prendra enfin sa retraite dans sa propriété du Hampshire, mais continuera à faire preuve d’une étonnante activité et à s’intéresser à tous les problèmes de la politique mondiale : en 1959, il est reçu à Moscou par Khrouchtchev et par le maréchal Malinovski ; en 1960, il effectue un voyage en Chine et rencontre le président Mao Zedong (Mao Tsö-tong) et Chou En-lai. Montgomery reste avec l’amiral Mountbatten la figure la plus typique du commandement britannique de l’époque contemporaine. En 1948, il avait été élu membre associé de l’Académie française des beaux-arts. En 1958, il a publié ses Mémoires ainsi qu’une étude sur l’art de la guerre, History of Warfare (1968), traduite en français en 1970 sous le titre d’Histoire de la guerre.

P. A. V.

➙ Guerre mondiale (Seconde) / Libye.

 A. Moorehead, Montgomery (Londres, 1947 ; trad. fr., Plon, 1949).

Montherlant (Henry Millon de)

Écrivain français (Paris 1896 - id. 1972).


Observateur sans complaisance et juge désabusé, c’est ainsi que Montherlant apparaît dès ses débuts, lorsqu’il entreprend, héritier du culte barrésien de l’énergie, le bilan de ses premières expériences : l’adolescence à l’école Sainte-Croix de Neuilly (la Relève du matin, 1920), la guerre, dont il reviendra blessé (le Songe, 1922 ; Chant funèbre pour les morts de Verdun, 1924), le sport (les Olympiques, 1924), les courses de taureau (les Bestiaires, 1926). Au sortir d’une période d’inquiétude qu’il nomme la « crise des voyageurs traqués » et qui lui inspire Aux fontaines du désir (1927), la Petite Infante de Castille (1929), série complétée beaucoup plus tard par Un voyageur solitaire est un diable (1946), il se veut moraliste et contempteur du sentiment dans ses essais (Service inutile, 1935) ou dans le cycle des Jeunes Filles (1936-1939). Peintre rarement soucieux d’objectivité (les Célibataires, 1934), il exalte les valeurs qui lui semblent faire défaut à l’Europe moderne (l’Équinoxe de septembre, 1938 ; le Solstice de juin, 1941).

Mais c’est la scène qui, brusquement, lui donne sa véritable audience.

Lorsque la Reine morte est jouée pour la première fois à la Comédie-Française en 1942, il semble que commence un âge nouveau de la scène française. Le premier essai dramatique de Montherlant, l’Exil, écrit à dix-huit ans, date de 1914 et n’a jamais été joué. En 1929, Montherlant ébauche un drame, Don Fabrique, qui se veut comme le premier d’une trilogie d’autos sacramentales, dont les deux pièces maîtresses sont le Maître de Santiago (1948) et Port-Royal (1954). Dans cette longue période de maturation, il reste au stade des tentatives, comme en témoigne Pasiphaé, simple extrait d’une pièce inachevée, les Crétois. Cependant, Pasiphaé, créée en 1938 par la compagnie Sylvain Itkine, apparaît d’emblée comme l’œuvre la plus lyrique d’Henri de Montherlant et la plus proche en esprit de ce théâtre de la cruauté dont Antonin Artaud* élabore la théorie vers la même époque dans le Théâtre et son double. Par la suite, Montherlant se tient résolument à l’écart des courants modernes du théâtre par son dédain de toute recherche scénique. Tout le pouvoir du théâtre repose sur le texte, capable « de crier les hauts secrets qu’on ne peut dire qu’à voix basse ». Par les grands caractères qu’il présente, Montherlant se rapproche de Corneille, mais l’intériorisation absolue du drame l’apparente à Racine. Enfin, par la manière dont il se met lui-même en question à travers ses personnages, on reconnaît un héritier des romantiques. Montherlant se situe en tout cas dans la ligne des grands classiques français, pour lesquels il était loin, pourtant, de professer une admiration inconditionnelle. Nul n’a mieux défini que lui-même son projet d’être « à la fois un moraliste, c’est-à-dire celui qui étudie les passions, et un moralisateur, c’est-à-dire celui qui propose une certaine morale ». Son théâtre est un théâtre du texte, un théâtre psychologique, un choc de passions et un débat d’idées ; ce qui fait sa grandeur aux yeux de certains marque ses limites pour d’autres. Le théâtre de Montherlant fait peu de place à l’action dramatique, au réalisme social, à la poésie du verbe, à l’écriture scénique et gestuelle.

Montherlant n’a guère cherché à réactualiser, comme d’autres (Giraudoux. Anouilh, Sartre), les grands thèmes culturels de l’Occident. Son unique essai dans ce genre, Don Juan (1959), a été peu concluant. En revanche, l’auteur a cherché le principe d’un renouvellement de la tragédie historique, s’inspirant exceptionnellement de l’Antiquité romaine (la Guerre civile, 1965). Mais c’est surtout l’Espagne et le Portugal du Siècle d’or qui lui ont inspiré ses œuvres maîtresses : la Reine morte, le Maître de Santiago, le Cardinal d’Espagne (1960). L’Espagne de Montherlant contribue à enrichir cette méditation espagnole si caractéristique du théâtre français au long de son histoire (Corneille, Molière, Hugo, Claudel). Montherlant y campe de grands solitaires en proie aux jeux de la politique et de la mystique, qui, au plus profond d’un orgueil cruel et démesuré, prennent la mesure de leur inanité et du néant du monde. À travers ces êtres d’exception, ambigus et au bord de la dérision, il tentait de définir le rapport de l’homme à la foi catholique. Une volonté de plus en plus nette de dépouiller cet effort de tout romantisme le ramena peu à peu d’abord vers l’histoire spirituelle de son pays (Port-Royal), puis vers le tragique de la vie quotidienne moderne (la Ville dont le prince est un enfant, 1951).

À son théâtre historique, Montherlant a voulu donner un contrepoids moderne (Fils de personne, 1943 ; Demain il fera jour, 1949 ; Celles qu’on prend dans ses bras, 1949), mais cette partie de son théâtre rappelle fâcheusement celui de la Belle Époque. Au contraire, la Ville dont le prince est un enfant, dont les scrupules de l’auteur ont retardé la représentation jusqu’en 1967, est bien cette tragédie des âmes qui échappe totalement à l’emphase du théâtre noble et au pittoresque du bazar historique.