Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

monnaie (suite)

• Les théories psychosociologiques présupposent que la fonction de la monnaie est d’être l’intermédiaire des échanges. La notion de valeur, ici, est essentiellement subjective, relève du psychisme et pose des problèmes extrêmement complexes. Si, en quelque sorte, les mesures de longueur ou de poids sont objectives, l’étalon des valeurs, par contre, sert à exprimer des rapports qui n’existent que dans notre esprit. L’unité monétaire vit d’une vie immatérielle, idéologique, conceptuelle ; elle a une réalité indépendante de la réalité du métal lui-même. On débouche sur les conceptions marginalistes quand on considère que la valeur de la monnaie dépend des satisfactions que l’individu attend de la dernière unité monétaire de son revenu (A. Aftalion).

J. L.

L’évolution en France de la masse monétaire

La masse monétaire a augmenté de 17,6 p. 100 (60,7 milliards de francs) en 1971, alors qu’elle n’avait augmenté que de 15,1 p. 100 en 1970. Ce taux est le taux le plus élevé enregistré depuis 1962. La hausse rapide des revenus et celle des prix — et l’excédent de la balance des paiements contribuent pour une grande part à cette croissance.

En 1971, la structure de la masse monétaire s’est modifiée, selon une tendance qui, en fait, se remarque depuis plusieurs années. Les disponibilités monétaires ont progressé moins vite que les disponibilités quasi monétaires : les moyens de paiement proprement dits, dans le total de la masse monétaire, ont en effet fléchi, représentant 64 p. 100 à la fin de 1971 au lieu de 67,7 p. 100 à la fin de 1970, et 88,4 à la fin de 1961. En bref, le développement de la masse monétaire a reposé dans une large mesure sur les progrès de l’épargne liquide ou à court terme, prise en charge par les établissements de crédit, et notamment sous la forme des comptes d’épargne-logement, qui représentent les dépôts les plus stables : la quasi-monnaie se développe plus que la monnaie proprement dite.

Cette accumulation de liquidités comporte un danger inflationniste dans la mesure où les détenteurs de ces épargnes sont susceptibles de transformer ces dépôts en moyens de paiement et d’augmenter la demande* de biens et de services dans des délais extrêmement brefs. (À la fin de 1972, cette situation, qui se prolongeait, créait un des plus grands dangers que puisse courir la monnaie, ces épargnes étant susceptibles d’accroître massivement la demande si une crainte à l’encontre de la monnaie se donnait libre cours.)

J. L.


Les monnaies

Si, à l’origine, la monnaie était simplement représentative du rapport entre les valeurs des différents produits apparaissant sur le marché, et était représentée par des signes précis (pièces, billets, sachets de poivre, etc.), rapidement on en vint à utiliser de simples écritures qui n’étaient que monnaie abstraite. On n’évoquera que pour mémoire par conséquent la monnaie métallique.


Les quasi-monnaies

Les quasi-monnaies sont des monnaies qui possèdent tous les caractères de la monnaie existant sous forme de billets et de pièces, mais dont certains peuvent connaître des restrictions : les comptes d’épargne sont de la monnaie, mais ils possèdent un caractère particulier qui est celui de porter intérêt, et leur disponibilité n’est pas toujours immédiate (le dimanche, les banques et les postes sont fermées). Il faut classer parmi les quasi-monnaies les dépôts à terme bancaires, les dépôts d’épargne dans les caisses d’épargne, les dépôts ou parts dans les organismes d’épargne et de prêt, les contrats d’assurances, les bons du Trésor.


Le billet de banque, ou monnaie fiduciaire

Le billet de banque est la monnaie la plus connue. Le billet de banque français repose, pour une partie seulement, sur l’encaisse or détenue par la Banque de France. (V. franc.) En réalité, il y a longtemps que le billet de banque représente à lui seul une monnaie gagée davantage sur le potentiel économique de la nation et sur la confiance que sur toute autre réalité.


La monnaie scripturale, ou monnaie de dépôts

Elle est constituée par les différents dépôts bancaires et par leur circulation d’un agent économique à l’autre. Ces dépôts jouent le rôle de multiplicateur de monnaie.

Prenons l’exemple d’un agent économique qui effectue un dépôt dans une banque, par exemple de 100 unités : la banque lui en donne reçu. D’autre part, la banque a reçu un nombre important de dépôts du même genre et a assisté à un certain nombre de retraits. Supposons qu’à une certaine période de l’année le montant des retraits ne dépasse pas 10 p. 100 du montant des dépôts : la banque sait donc qu’avec une encaisse liquide de 10 F, elle peut, en fait, faire face aux retraits des clients qui ont déposé 100 F chez elle.

Comme son métier est de faire du crédit, elle va accorder un crédit de 90 F à l’un de ses clients qui en a besoin pour un investissement quelconque. Ce client va recevoir dans son compte 90 unités, la banque sait que, dans la période donnée, ce client ne va, en fait, en retirer que 9 (10 p. 100 du dépôt), et, sur les 81 restantes, elle va pouvoir accorder d’autres crédits, etc. Le schéma devient encore plus clair si chaque client qui bénéficie d’un crédit va dans une autre banque en faisant les opérations de transfert manuellement et non pas comptablement.

Loans make deposits (« les prêts créent les dépôts »). Ainsi, un dépôt initial de 100 va permettre de créer un nombre de crédits (en supposant que 10 est le retrait moyen) de :

(somme d’une progression géométrique de raison inférieure à 1).

Ce rapport est appelé le multiplicateur de crédit ; il montre que les banques peuvent procéder à une véritable création de monnaie à partir des dépôts qui leur sont versés. La monnaie ainsi créée est appelée monnaie scripturale, car elle est créée, comme on le voit, à partir des mouvements d’écriture des comptes. Elle ne correspond pas, évidemment, à une création de numéraire (métallique ou fiduciaire), mais, à une véritable création de monnaie de crédit.

Il ne faudrait pas croire que cette émission de monnaie échappe à tout contrôle de la part des autorités monétaires ; en France, notamment, la politique connue sous le nom de politique du crédit et d’encadrement du crédit contient essentiellement une réglementation de la création de monnaie scripturale.