Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

monnaie (suite)

Le problème consiste à savoir quelles sont les mesures qui peuvent déterminer le niveau de l’activité économique. Faut-il considérer la méthode consistant à augmenter les dépenses publiques (préconisée par J. M. Keynes) comme la meilleure solution pour augmenter le niveau de l’activité économique ou faut-il plutôt choisir la méthode de l’injection modérée de monnaie dans l’économie telle que la préconisent les monétaristes modernes de l’école de Chicago et en particulier Milton Friedman* ?

Si l’on revient au schéma d’équilibre (fig. 3), et si l’on suppose que l’intersection des deux courbes se fait dans la portion de courbe d’offre monétaire désignée sur la figure 3 par la zone no 1, dans ce cas (point α), toute injection de monnaie supplémentaire dans le système économique va se traduire par une baisse des taux d’intérêt et par une hausse faible (ou nulle) du revenu national (point d’équilibre α1). Cela peut être observé par le déplacement de la courbe d’offre de monnaie vers le bas.

Par contre, si l’on procède à une augmentation des dépenses publiques, on va déplacer la courbe de l’épargne vers le haut, ce qui se traduira par un déplacement vers la droite de la courbe de demande de monnaie, qui entraîne une hausse du revenu national, et, pratiquement, pas de hausse du taux de l’intérêt (point d’équilibre α2).

Dans la portion de courbe no 2, les deux mesures, l’augmentation des dépenses publiques ou l’offre de monnaie, se traduisent à la fois par une augmentation du taux de l’intérêt et du revenu national. C’est pratiquement la situation dans laquelle se trouvent dans les périodes relativement calmes les économies occidentales (points β1 et β2).

Dans la portion de la figure 3 représentée par la zone no 3, une augmentation des dépenses budgétaires n’a pour effet qu’une augmentation du taux de l’intérêt (point γ2), tandis qu’une augmentation de la masse monétaire en circulation va vers une augmentation du revenu national (point γ1).


Prix et monnaie

Les relations entre la quantité de monnaie en circulation et le niveau des prix sont au rang des premières préoccupations des responsables de l’économie : l’inflation doit être jugulée ou réduite à des taux raisonnables. La question est de savoir si les prix sont fonction de la quantité de monnaie en circulation. Si cela était, il serait évident qu’une façon rapide de juguler l’inflation consisterait à laisser la masse monétaire stable ou à la réduire.

Dans certains cas précis, une injection de monnaie a pour effet d’augmenter le revenu national. Si l’on remplace le revenu national réel par le revenu en valeur nominale, il faut examiner dans quelles conditions une injection de monnaie dans l’économie va déclencher une hausse de prix.

Il est nécessaire de s’attarder, dans un premier temps, sur le processus de création de la monnaie. Celle-ci peut être due à l’État, aux banques, qui accordent des crédits (monnaie scripturale), mais aussi à une balance commerciale excédentaire, qui apporte des devises aux agents économiques du pays : ces derniers demandent en échange de la monnaie interne. Quand le montant de la monnaie nationale demandée en échange de devises est supérieur au stock disponible à la banque centrale, celle-ci doit créer de la monnaie. Tout excédent de la balance des comptes trop marqué porte donc en lui-même des germes inflationnistes.

La monnaie créée va permettre aux agents économiques de se procurer des biens et services sur le marché national. Si les capacités de production sont en période de plein emploi, il en résultera une hausse des prix, la demande* des biens (ou des services) étant supérieure aux possibilités de l’offre*. C’est l’inflation par la demande.

L’inflation peut être occasionnée par la hausse des prix des différents composants de la production nationale : salaires, coûts des matières premières, coût de l’argent. C’est l’inflation par les coûts. Un coût doit particulièrement être pris en considération : si l’argent est rare et le taux d’intérêt élevé, les prix des biens et des services risquent de se ressentir de cette cherté de l’argent. De ce fait, une injection de monnaie dans l’économie devrait avoir un effet positif sur la lutte contre l’inflation. Mais si l’on se trouve en période de suremploi des capacités de production, cette assertion risque d’être infirmée.

Il est effectivement difficile de choisir une solution unique, la voie étant à chercher dans un dosage subtil des différentes mesures et dans un contrôle étroit des conséquences de ces mesures.

Les théories relatives à la valeur de la monnaie

La valeur de la monnaie a fait l’objet de théories extrêmement variées bien qu’il puisse paraître paradoxal d’évoquer la valeur d’un bien, la monnaie, dont la fonction est, précisément, de servir à étalonner la valeur.

• Pour les théories métallistes (les économistes de l’école classique notamment), la valeur de la monnaie n’est qu’un reflet de la valeur du métal qui sert de support à la monnaie, le métal précieux (or ou argent) lui-même. Turgot puis J. Stuart Mill se rallient à cette thèse : la monnaie est, au fond, une marchandise comme les autres. Mais le métallisme a été abandonné, car il est apparu aux observateurs qu’une marchandise devenant monnaie n’était plus une marchandise comme les autres.

• Pour les théories nominalistes, qui ont des antécédents historiques remontant au Moyen Âge, la fonction monétaire (et donc la valeur du bien choisi pour monnaie) est conférée par le souverain : c’est une décision politique qui fait la monnaie et la valeur de la monnaie. Les conceptions étatistes ou régaliennes de la monnaie ont été notamment défendues par G.-F. Knapp. Celui-ci a érigé une curieuse théorie de la valeur de la monnaie tirée de l’histoire du droit (Die staatliche Theorie des Geldes, 1905). Selon lui, les interventions multiples des États montrent bien que l’unité de valeur est considérée comme nominale. Le grand reproche que l’on puisse adresser à cette théorie, très rigide, est qu’elle ne perçoit ni le rôle des agents privés dans la création de monnaie (la monnaie de banque) ni le fait que la monnaie régalienne peut en réalité s’effondrer.

Par ailleurs, une telle conception trouve un obstacle dans l’absolue nécessité pour les nations modernes de voir leurs monnaies nationales échangeables avec d’autres pour satisfaire aux contraintes du commerce international : une monnaie « réelle » et non pas seulement « nominale » est, sur ce plan, absolument nécessaire.