Millerand (Alexandre) (suite)
Le Bloc national, la présidence de la République
Pendant les années de guerre, les préoccupations de Millerand se sont faites de plus en plus nationalistes, si bien qu’arrivant au terme de son évolution politique il se retrouve à la tête du Bloc national en 1919. Dans un discours-programme prononcé à Ba-ta-Clan le 7 novembre 1919, et que l’on peut résumer en trois mots : union, travail, solidarité, il encourage l’union de la droite en un Bloc national.
Après l’élection de la Chambre « bleu horizon » le 16 novembre 1919, dans laquelle le Bloc national a 437 sièges, Deschanel ne peut logiquement que faire appel à Millerand comme président du Conseil et ministre des Affaires étrangères. Celui-ci forme un gouvernement largement ouvert (20 janv. 1920) qui reflète son désir d’union « de Barrès à Allemane ». Son premier souci est de faire exécuter le traité de Versailles sans hésiter à trancher les questions politiques. Il sévit contre le mouvement de grève générale de 1920, et envoie Weygand soutenir la Pologne contre la Russie. Il ne parvient pas à faire voter les réformes constitutionnelles qu’il souhaitait concernant l’élargissement du collège électoral pour l’élection du président de la République.
Le 23 septembre 1920, Millerand succède à Deschanel, démissionnaire, comme président de la République (695 voix sur 892 votants). Sa nature combative s’accommode mal de la passivité inhérente à ce poste représentatif ; de fait, il continue de lutter pour la défense des intérêts nationaux en politique extérieure, intervenant directement dans l’accord militaire conclu avec la Pologne. Lors de la conférence de Cannes (1922), destinée à examiner les moyens de rétablir l’économie mondiale, il désapprouve les concessions faites à l’Angleterre par Briand ; il triomphe des hésitations de Poincaré à faire occuper la Ruhr (janv. 1923), mais ne parvient pas à le convaincre de négocier directement avec l’Allemagne ; il ouvre des pourparlers pour que soit rétablie une ambassade au Vatican.
En octobre 1923, Millerand intervient directement comme chef du Bloc national dans la campagne électorale ; dans un discours prononcé à Évreux, il insiste sur la nécessité de réformer la constitution afin de renforcer le pouvoir exécutif. Or, aux élections de mai 1924, le Cartel des gauches l’emporte largement. Le désaccord entre le président et la Chambre provoque une crise politique. Pour la gauche, « M. Millerand doit s’en aller, l’homme du Bloc national n’a plus qualité pour représenter la France ». Le 5 juin, Herriot, président de la gauche, décline l’offre de constituer un ministère. D’autres tentatives dans le même sens échouent. En offrant ainsi le gouvernement à la gauche, Millerand se soumet à la majorité. Mais celle-ci, en rejetant son offre, le contraint à se démettre. Tout en dénonçant ce qu’il tient pour une atteinte « au seul élément de stabilité et de continuité de la constitution », Millerand charge François-Marsal, chef d’un « cabinet éclair », de présenter sa démission à la Chambre (11 juin 1924). Cet acte brise net la carrière d’A. Millerand, qui, sénateur de la Seine, puis de l’Orne, ne jouera plus qu’un rôle effacé.
M. T.
➙ République (IIIe) / Socialisme.
R. Persil, Alexandre Millerand (S. E. F. I., 1949). / J. Basdevant, Notice sur la vie et les travaux d’Alexandre Millerand (Firmin-Didot, 1956).