Miller (Arthur) (suite)
Il reprend ce thème, en 1953, dans The Crucible (les Sorcières de Salem), pièce inspirée par le procès de 1692. Le héros, John Proctor, est malgré lui impliqué dans un procès en sorcellerie, causé par quelques femmes hystériques. Il préfère finalement le sacrifice au compromis. La pièce est une allusion directe au maccartisme et aux procès politiques intentés aux communistes américains. En 1955, Miller écrit deux pièces en un acte : A Memory of Two Mondays, sa pièce préférée, qu’il appelle « une comédie pathétique », met en scène un Américain las de vingt ans de servitude et qui soudain explose et meurt de son extravagance. A View from the Bridge (Vue du pont), plus tard développée en deux actes, appartient à la tradition du théâtre prolétarien. Dans les docks de Brooklyn, Eddie, pour garder sa nièce, dénonce un émigrant italien, qui le tue. Dans la pièce apparaît un double système de valeurs : la légalité et la légitimité. Eddie a raison légalement de dénoncer Rodolphe Mais, aux yeux de Brooklyn, il a tort.
De 1954 à 1957, Miller a des problèmes politiques. On lui refuse son passeport en 1954. En 1956, il est condamné par la Commission des activités antiaméricaines comme « personne soupçonnée d’aider le mouvement communiste ». La même année, il divorce pour épouser l’actrice Marilyn Monroe, qui incarne pour cet intellectuel juif l’innocence blonde de l’Amérique. Ce mariage, rompu en 1960, lui inspire le scénario du film The Misfits (les Désaxés), histoire de trois cow-boys qui tuent des chevaux sauvages pour en faire de la viande pour chiens. Ce film sur la fin de l’innocence est son attaque la plus dure contre le « rêve américain ».
En 1964, After the Fall (Après la chute), pièce très autobiographique, marque un tournant dans la manière de Miller. Presque psychanalytique, cette œuvre à la Strindberg est comme un monologue intérieur à plusieurs voix. Ce procès d’un homme par lui-même sonne le glas des illusions sociales. Incident at Vichy (Incident à Vichy, 1964), pièce située dans la France occupée, met en scène un aristocrate allemand qui sauve un Juif au prix de sa vie. Ce qui ne l’empêche pas d’être coupable. Ce paradoxe sur le thème de la culpabilité collective n’offre pas de solution au problème de la complicité de l’homme avec le mal. En 1968, The Price (le Prix) met en scène deux frères dont l’un a réussi et l’autre échoué, et qui s’affrontent dans le huis clos symbolique d’un grenier familial.
Catalogué « dramaturge social », Miller est plutôt un écrivain à thèse, dont l’œuvre vieillit mal. Opposé au « théâtre de l’absurde », il s’en rapproche malgré lui peu à peu. Mais il veut, comme il le dit, « explorer les possibilités de l’homme engagé qui cherche à vivre activement en connaissant sa propre absurdité ». Il continue à voir dans le théâtre un lieu privilégié de communication. Conformiste dans sa forme, datée dans son inspiration sociale, l’œuvre d’Arthur Miller connaît depuis 1970 une éclipse sensible.
J. C.
R. G. Hogan, A. Miller (Minneapolis, 1964). / L. Moss, A. Miller (New York, 1968). / R. W. Corrigan (sous la dir. de), A. Miller, a Collection of Critical Essays (Englewood Cliffs, N. J., 1969). / R. I. Evans, Psychologv and A. Miller (New York, 1969). / T. Hayashi, Arthur Miller Criticism, 1930-1967 (Metuchen, N. J., 1969). / B. Nelson, A. Miller : Portrait of a Playwright (New York, 1970).