Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

militaires (musiques) (suite)

Car, en raison de leur perfectionnement et de leur agrandissement, les orchestres d’harmonie militaires ont fini par se prêter à l’exécution d’ouvrages de caractère symphonique et qui n’avaient plus de « militaires » que le nom comme l’Ouverture militaire de Charles Bochsa père (v. 1810) ou la Symphonie militaire en « si » bémol (1951) de Paul Hindemith. Un certain discrédit a longtemps pesé — il pèse encore — sur la musique militaire, et le philosophe Léon Brunschvicg pouvait dire spirituellement qu’il y a trois substantifs auxquels « l’épithète de militaire enlève toute signification : la médecine, la justice et la musique ». Cela tient au fait que les formations régimentaires assuraient une vie musicale à des localités qui en étaient dépourvues, en un temps qui ignorait la radio, le disque, la télévision. Mieux valait entendre une symphonie de Beethoven transcrite, bien ou mal, que ne pas l’entendre du tout. Ces transcriptions n’ont plus de raisons d’être. Réciproquement, le répertoire original des harmonies ne saurait se limiter, comme autrefois, à des fantaisies, pots-pourris et autres pièces « de genre » qui constituaient une sorte de rameau adventice de la musique légère. L’apport de Sax, au milieu du xixe s., avait été un enrichissement considérable pour les harmonies dont il augmentait les familles et accroissait le volume. Il s’était révélé par la suite être un handicap dans la mesure où les nouvelles familles — saxophones et saxhorns — ne s’imposaient pas, en dehors des harmonies mêmes, dans l’enseignement comme dans la pratique. De ce fait, le renouvellement du répertoire des harmonies, avec la technique moderne d’orchestration qu’il impliquait, devenait l’apanage des chefs de musique. L’orchestre d’harmonie apparaissait aux compositeurs comme un domaine particulier et d’un accès difficile. Sans doute, ces réticences se sont-elles atténuées avec les années, et depuis Wagner on a vu de plus en plus de symphonistes — Saint-Saëns, Pierné, Florent Schmitt, Kœchlin, Roussel, Milhaud, Jolivet, Hindemith, Villa-Lobos... — aborder avec succès cette formation dont les ressources sont loin d’être aussi exploitées que celles de l’orchestre symphonique. Il y a donc toujours place pour un répertoire symphonique destiné aux formations militaires (les premiers spécimens étaient apparus à l’époque révolutionnaire avec les symphonies et ouvertures destinées aux fêtes civiques) et qui ne doit pas ignorer les œuvres polyphoniques concertantes ou les concertos dont l’usage s’est répandu depuis l’apparition du Concerto de piano de Stravinski (1924). Il est vrai que, dans la plupart des ouvrages similaires, les effectifs sont, là aussi, limités aux vents et à la percussion de l’orchestre symphonique.

Il y a place enfin pour une continuation du répertoire léger du second Empire et de la Belle Époque, comme le prouvent des compositeurs aussi heureusement spécialisés dans l’orchestration pour harmonie que Serge Lancen.

F. R.

➙ Fanfare / Percussion / Révolution française (musique de la) / Sax (les instruments de).

 G. Kastner, Manuel général de musique militaire à l’usage des armées françaises (Viel, 1848). / G. Parès, Cours d’ensemble instrumental à l’usage des musiques militaires, d’harmonie et de fanfare (Lemoine, 1898). / E. Neukomm, Histoire de la musique militaire (Baudoin, 1899). / P. R. Girault, les Campagnes d’un musicien d’état-major pendant la République et l’Empire 1791-1810 (Ollendorf, 1901). /M. Brenet, la Musique militaire (Laurens, 1917). / D. Dondeyne et F. Robert, Nouveau Traité d’orchestration à l’usage des harmonies, fanfares et musiques militaires (Lemoine, 1969).

Mill (John Stuart)

Philosophe et économiste britannique (Londres 1806 - Avignon 1873).


J. Stuart Mill n’a d’autre précepteur que son père, James Mill (1773-1836), qui s’efforce de lui inculquer la discipline rigoureuse du philosophe Bentham*.

Cette rigidité même est la source d’une crise intellectuelle que Mill relate dans son Autobiography : plongé dans une sorte d’« atonie émotionnelle », il se dit devenir indifférent à l’endroit de tout ce qui l’intéressait naguère. Attribuant cette réaction à un excès d’analyse, il découvre l’importance du sentiment immédiat, de son originalité qualitative. Lecteur attentif du poète Wordsworth, il sait profiter des leçons de S. T. Coleridge pour mettre à nu des vérités insoupçonnées par les utilitaristes.

La pensée de Stuart Mill a son origine dans l’empirisme de Hume : elle tient l’association des idées pour le phénomène psychique fondamental. Une association d’idées devenue constante par habitude, tels sont les principes premiers, qui perdent ainsi toute valeur métaphysique. C’est sur ce fond d’associationnisme qu’il faut juger la logique de Stuart Mill.


La logique

L’idée qui oriente toute la logique de Stuart Mill est qu’il faut ramener cette science aux faits et à l’expérience et pour cela éliminer ce que les anciens logiciens désignaient comme élément essentiel des opérations logiques : le concept ou l’idée générale. Partir de concepts doués d’extension et de compréhension est tout à fait illégitime aux yeux d’un empiriste conséquent qui ne reconnaît d’autres données qu’un ensemble d’impressions sensibles, isolées les unes des autres. Lorsque Stuart Mill prêche un retour aux faits, il ne vise pas des réalités extérieures à l’esprit, les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, mais les sensations ou les images produites en nous par une action directe des choses. Les impressions sensibles constituent les « approximations les plus exactes » que nous possédions des objets.

Obsédée par les idées générales, l’ancienne logique s’est fourvoyée en s’attachant à des intermédiaires mensongers et superflus et en les traitant comme des entités distinctes. Le concept constitue une médiation supplémentaire qui nous éloigne d’autant de la réalité. Il reste que les anciens logiciens ont su développer la structure correcte de la logique, et, à ce titre, leurs travaux doivent être conservés, mais repris et interprétés dans le sens d’un empirisme sans concessions.