Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mexique (suite)

La frontière entre le Mexique et les États-Unis, zone de rencontre d’un pays sous-développé et de la plus grande puissance mondiale, est un fait exceptionnel, qui engendre une multitude de phénomènes créant un monde à part, fondé sur des échanges de diverses natures. La frontière a une activité concentrée en quelques points, des villes dont la vie est étroitement liée aux échanges avec les États-Unis. Ces villes mexicaines forment souvent un couple avec leurs homologues nord-américaines : Tijuana-San Diego, Ciudad Juárez-El Paso, Matamoros-Brownsville. En plus des échanges proprement commerciaux avec les États-Unis, premier client et premier fournisseur du Mexique, elles sont le théâtre de nombreux mouvements de population, définitifs, temporaires ou quotidiens. Le plus connu de ces mouvements, le bracerismo, a joué un rôle important jusqu’en 1965 : le passage de quelques centaines de milliers de travailleurs temporaires mexicains animait continuellement ces villes, où s’obtenaient bon nombre de contrats. L’arrêt des contrats de travail en 1965 n’empêche pas l’attraction de nombreux migrants, qui, espérant pouvoir passer un jour la frontière, viennent grossir le nombre des chômeurs.

Le tourisme frontalier nord-américain est un des aspects les plus importants du tourisme vers le Mexique. Il développe un commerce important : les Américains viennent dans les villes frontalières, surtout pour acheter des produits artisanaux.

Attirés par les salaires bien supérieurs offerts dans les villes jumelles aux États-Unis, 10 p. 100 de la population active des villes frontalières mexicaines passent la frontière quotidiennement. La plupart d’entre eux vont travailler dans l’agriculture en Californie et en Arizona ; une moindre part est employée dans le commerce et les services. Ils gagnent le tiers des salaires versés dans les villes frontalières mexicaines.

Ces dernières, essentiellement tournées vers les activités tertiaires, ont vu le nombre de leurs chômeurs augmenter avec le ralentissement du bracerismo. Le gouvernement a alors décidé d’encourager certaines industries américaines à s’installer au Mexique. Attirées par une zone de faibles salaires, les maquiladoras (industries de montage ne nécessitant pas une main-d’œuvre qualifiée) bénéficient de tarifs douaniers spéciaux pour l’introduction de leurs produits finis aux États-Unis par suite d’un accord entre gouvernements. Surtout installées dans la zone californienne depuis 1867, ce sont des industries électriques, électroniques et textiles ; leurs employés sont, en 1971, aussi nombreux que les travailleurs passant quotidiennement la frontière.

L’économie de la frontière est donc grandement tributaire de l’économie nord-américaine. Le déséquilibre local est accusé en outre par la masse des achats effectués aux États-Unis par les consommateurs mexicains. Ces villes frontalières, qui connaissent un développement spectaculaire, participent en fait beaucoup plus à la vie nord-américaine qu’à la vie nationale mexicaine.


Conclusion

Malgré son extrême diversité, qui a encouragé au xixe s. les tendances centrifuges du Nord ou des régions transisthmiques, le Mexique a su se constituer comme nation. Les contrastes des milieux naturels demeurent, assurant au pays une variété de ressources. Si la mosaïque ethnique subsiste dans une partie du Sud mexicain, ce sont surtout les inégalités sociales qui frappent, tout autant que les fortes disparités régionales : les niveaux de vie des campagnes restent toujours beaucoup plus bas que ceux des villes, et surtout les régions déprimées des montagnes méridionales où des anciens secteurs miniers en décadence s’opposent fortement à l’expansion des taches d’agriculture moderne souvent irriguée et principalement des grandes villes, celles du pétrole, mais plus encore les métropoles régionales (Guadalajara, Monterrey), les villes frontalières et l’agglomération de Mexico et ses annexes.

La nation mexicaine a été marquée par la frontière. Source de dynamisme économique, lieu d’afflux des capitaux et de la technologie, c’est aussi la menace d’une culture qui s’attaque à l’amalgame hispanique et indien. La nation s’est forgée essentiellement dans le vieux Centre, domaine de la paysannerie indigène hispanisée et des mines fabuleusement riches de la période coloniale, mais aussi de la ville de Mexico. Au cœur du pays, l’énorme capitale a joué un rôle centralisateur et s’est assuré un poids décisif dans la vie économique, politique et culturelle mexicaine. Si cette métropole reflète les contrastes de misère et de richesse du pays et si elle est trop lourde de nos jours, c’est par elle que le Mexique n’a pas cessé d’exister face aux États-Unis.

R. P.

➙ Amérique latine / Guadalajara / Indiens / Mexico / Monterrey.

 J. A. Vivo Escoto, Geografía de México (Mexico, 1948 ; 3e éd., 1953). / J. L. Tamayo, Geografía general de México (Mexico, 1949 ; 2e éd. en 4 vol., 1962). / C. Bataillon, les Régions géographiques du Mexique (Institut des hautes études d’Amérique latine, 1968). / G. Lasserre, les Amériques du Centre (P. U. F., coll. « Magellan », 1974).


La littérature

V. hispano-américaines (littératures).


La musique

V. Amérique latine.


Le cinéma

V. Amérique latine.


L’art mexicain

L’art « colonial » représente non seulement le passage des formes plastiques d’un continent à l’autre, mais aussi et surtout le passage d’un temps historique à un autre — les « porteurs » de cette culture étant plus les religieux que les conquistadores.


Le xvie siècle

Il est marqué par la fondation des villes et par celle des couvents. Quatre ordres vont dominer au début : les Franciscains (arrivés en 1523-24), les Dominicains (1526), les Augustins (1533) et les Jésuites (1572). Ces couvents en pleine campagne sont en même temps des avancées religieuses et des exploitations agricoles. Le noyau est constitué par une grande église à nef unique recouverte de voûtes sur croisée d’ogives, qui présente à l’extérieur un aspect fortifié (créneaux). Devant l’église, un énorme parvis entouré d’un mur porte à ses angles des édicules nommés posas, où s’arrêtent les processions. Un trait original est aussi la présence des chapelles ouvertes, « chapelles d’Indiens », sortes de loggias pour dire la messe en plein air.