aplanissement (suite)
Bien des auteurs, cependant, mettent en doute l’efficacité du système morphogénétique des régions tempérées humides, et nient la réalité de la pénéplanation. Ces critiques sont fondées en particulier sur le fait que les grandes surfaces d’aplanissement qu’on y observe ont été façonnées sous des climats tropicaux et plus ou moins dégradées ultérieurement par des climats frais. On ne saurait admettre, d’autre part, les théories de L. C. King suivant lesquelles la pédiplanation serait le processus universel de l’évolution actuelle du relief.
Il paraît raisonnable de penser que la pédiplanation est la forme la plus efficace de l’aplanissement du relief, et qu’on lui doit la plupart des grandes surfaces d’érosion, sinon toutes. Mais, le plus souvent, les aplanissements se révèlent éminemment complexes : leur élaboration nécessite une très longue évolution, qui ne se fait jamais sans que des déformations du sol, des modifications climatiques ou des variations eustatiques du niveau marin ne viennent en troubler le déroulement. Aussi la surface d’aplanissement juxtapose-t-elle de multiples retouches d’âge varié, qui peuvent être liées à des déformations tectoniques de faible amplitude, répétées et irrégulières, aussi bien qu’à des changements climatiques qui ont remodelé une même surface, les deux causes pouvant interférer. Suivant les auteurs, ces surfaces sont désignées avec des acceptions plus ou moins étroites par les expressions d’aplanissement polygénique, ou polycyclique, voire polychronique.
Au reste, tous les aplanissements n’impliquent pas une ablation équivalente. C. Klein propose à juste titre de distinguer les surfaces d’aplanissement authentiques, « qui sont devenues planes au terme d’une évolution au cours de laquelle un volume considérable de matériaux a été enlevé à la région », et les surfaces de régradation, « qui dérivent d’une topographie originellement plane et qui ont persisté dans leur état à travers et malgré les vicissitudes de leur histoire tectonique, le travail de l’érosion se soldant au total par une perte de substance relativement modeste ».
Les surfaces d’aplanissement sont l’un des thèmes majeurs du relief des régions de plate-forme : les socles, indurés depuis des temps très lointains et relativement stables ainsi que les couvertures qu’ils supportent et auxquelles ils impriment leur style de déformation, réunissent en effet les meilleures conditions pour permettre le façonnement d’aplanissements étendus. Dans les chaînes de montagne, en revanche, les aplanissements ne jouent qu’un rôle secondaire dans le relief, sauf dans certaines chaînes intracontinentales, qui portent le témoignage d’aplanissements anciens en position culminante (T’ien-chan, monts Ibériques). Certains auteurs ont voulu reconnaître dans des chaînes jeunes comme les Alpes la trace de surfaces anciennes dans la concordance d’altitude des crêtes (Gipfelflur des auteurs allemands). Rien ne paraît plus hasardeux : on a pu montrer que la masse des débris accumulés depuis le début du Pliocène dans les plaines du Pô dépasse de beaucoup le volume du relief en creux par rapport à cette surface supposée.
R. L.
➙ Érosion.