Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Mexique (suite)

Les tropiques humides

La façade du golfe du Mexique, de Tampico à l’isthme de Tehuantepec, les Chiapas et la péninsule du Yucatán constituent le troisième grand milieu naturel : même structure sédimentaire, souvent calcaire, et, à quelques exceptions près, même climat tropical chaud et humide.

La Sierra Madre orientale, qui longe la façade huaxtèque et véracruzaine, est parfois très escarpée ; entaillée par de nombreux cours d’eau, elle n’est pas un obstacle entre la plaine et le plateau central. Les précipitations abondantes favorisent au-dessus de 1 500 m une forêt de chênes et de liquidámbares.

Le bas pays et, plus à l’est, le Tabasco sont des zones de remblaiement parsemées de collines. Le climat favorise la culture des produits tropicaux. La péninsule du Yucatán est un ensemble de plaines calcaires dont le sud reste le domaine de la forêt (Campeche, Quintana Roo).

R. P.


L’histoire du Mexique


Le Mexique précolombien

Au nord, dans les immensités désertiques erraient les nomades chichimèques, ainsi appelés par les habitants du plateau central, l’Anáhuac. Les frontières entre le monde sédentaire du Sud et les Barbares du Nord étaient instables, et les invasions chichimèques avaient déferlé au cours des siècles pour se fondre avec les populations civilisées et urbanisées ; les derniers Chichimèques (Apaches) ravageaient encore en 1880 le nord-ouest du Mexique.

La côte de l’Atlantique, sur le golfe du Mexique, voit la première grande civilisation, celle des mystérieux Olmèques*, qui, au ier s. av. J.-C., ont une écriture hiéroglyphique et pictographique. Les civilisations classiques du Ier millénaire de notre ère, qui connaissent leur apogée entre 600 et 800, sont liées aux cités mayas*, dans les forêts du Petén (au nord du Guatemala et dans le Honduras britannique actuel) ; elles s’étendent à la péninsule du Yucatán, à la région du Honduras et sur le plateau mexicain jusqu’à l’Oaxaca des Zapotèques-Mixtèques*.

Plus au nord, la civilisation d’El Tajín (v. Amérique précolombienne), sur le golfe du Mexique, se développe dans le même temps ; sur le plateau de Mexico, la civilisation de Teotihuacán* est suivie aux ixe et xe s. par celle des Toltèques* parlant le dialecte nahuatl, que les Aztèques utiliseront plus tard. Une invasion toltèque provoque la renaissance maya (ligue de Mayapán, 987-1194) et un essai d’unification de l’espace mexicain, qui s’achève au xie s., quand Tula tombe vers 1160.

Après la tentative des Toltèques, la tâche unificatrice revient aux Aztèques*, barbares civilisés au contact des vieilles cultures, véritables Seldjoukides de la Méso-Amérique, qui se lancent dans une extraordinaire entreprise, la fondation d’un empire universel construit sur les ruines des anciennes communautés. Tenochtitlán, appelée aussi Mexico, leur capitale lacustre, est fondée en 1325, moins de deux siècles avant l’arrivée des Espagnols.

Leur souverain Itzcoatl (1428-1440) assure à la Confédération des cités-États aztèques la domination de l’Anáhuac, d’un océan à l’autre (à l’exception de la cité de Tlaxcala et du Michoacán tarasque), et des steppes du Nord à l’isthme de Tehuantepec, au sud.

L’arrivée des Espagnols pourra être vécue comme une libération par les populations récemment soumises à la conquête aztèque ; la plupart des cités s’allieront aux conquistadores, et les résistances mal brisées, la volonté de revanche des vaincus expliqueront pour une bonne part les succès de Cortés*. L’alliance que celui-ci passe avec l’indomptable Tlaxcala, voisine et rivale de Tenochtitlán, scelle le destin mexicain.


La conquête espagnole

L’offensive qui, lancée de Cuba, aboutit à la ruine de la Confédération aztèque en 1519 est la date la plus importante de l’histoire américaine, car la chute de Mexico précipite celle de tout le monde indien. Le témoignage des vaincus exprime la fascination mortelle qui paralyse d’horreur les nations indiennes. Voici le témoignage maya, transmis par le Chilam Balam de Chumayel : « Arrivèrent les étrangers à barbe blonde, les fils du soleil, les hommes de couleur claire. Hélas ! Attristons-nous parce qu’ils sont venus [...] ce sera le commencement des pendaisons, l’explosion de la foudre au bout des bras des Blancs. Quand tombera sur les Frères la rigueur du combat, quand l’impôt leur tombera dessus avec l’eau de baptême, quand sera fondé le principe des sept sacrements, quand les peuples devront mourir au travail et quand la misère régnera sur la terre [...]. »

Pourquoi Moctezuma II (1502-1520) reçoit-il Cortés avec des présents au lieu d’anéantir la petite expédition de seize cavaliers et de quatre cents soldats ? Pourquoi la résistance finale des Aztèques n’est-elle qu’un suicide ? On a assez dit que les Aztèques ont vu dans l’arrivée de Cortés le retour d’un Quetzalcoátl vengeur, le serpent à plumes, sage comme le serpent, bon comme la colombe, le dieu de l’ancienne Teotihuacán. Aucun peuple ne s’est senti trahi par les dieux comme les Aztèques, glacés par les présages qui annonçaient leur chute. Leur conception cyclique du temps prépare le suicide des guerriers aztèques ; un cycle s’achève, un autre revient, à midi tout s’arrête, le soleil suspend sa course, le serpent à plumes se mord la queue dans la poussière et les signes sont contraires au peuple aztèque, dont les dieux s’en vont parce que leur temps est fini et que d’autres viennent les remplacer. Moctezuma II se rend sans combattre, Cuauhtémoc (1520-1525) lutte désespérément sans douter du caractère inéluctable de la défaite. En août 1521, Tenochtitlán est occupée.

Le choc de la conquête a été terrible. L’estimation traditionnelle fixe à 11 millions la population mexicaine de 1519 (une nouvelle estimation propose 20 millions) ; ce chiffre tombe à 7 millions pour 1521, à 5 millions pour 1565 et à 2,5 millions pour 1600. La guerre ne suffit pas à expliquer le cataclysme dont les hommes ne sont pas volontairement responsables. Le choc microbien et le choc économique ont provoqué l’hécatombe. Les Américains sont décimés par la grippe, la rougeole, la coqueluche apportées par les Européens ; l’introduction du bétail dans un monde qui ne le connaît pas est fatale pour l’équilibre agricole et alimentaire de la société mexicaine. La rupture est difficilement imaginable : des êtres venus d’ailleurs introduisent des plantes, des animaux inconnus qui envahissent les terres du maïs, aliment de base des Américains ; des maladies inconnues emportent le tiers des adultes et les deux tiers des enfants au cours des deux premières années ; toute l’organisation socio-économique craque, et les mécanismes de défense contre la nature ne jouent plus. C’est la fin d’un monde.