Metternich (Klemens) (suite)
D’autre part, Metternich se montra respectueux des constitutions traditionnelles, car elles laissaient le pouvoir à la noblesse provinciale, en qui il avait confiance. Il était d’ailleurs convaincu de la nécessité des corps intermédiaires, car son système politique reposait sur les forces sociales traditionnelles, prépondérantes en Europe centrale : l’aristocratie terrienne, les corporations urbaines, l’Église catholique. C’est pourquoi les diètes provinciales étaient régulièrement convoquées, quitte à ce que le pouvoir central y pratiquât l’obstruction systématique lorsque celles-ci (telle la diète hongroise de 1832-1836) réclamaient des réformes profondes. Metternich voyait, en outre, dans le système fédéral et le respect du droit d’État des anciens royaumes la meilleure garantie contre les revendications de certaines nationalités, dans la mesure où l’on pouvait jouer les Tchèques contre les Hongrois, les Allemands contre les Italiens, en vertu du principe divide et impera, qui inspirait la politique des nationalités des Habsbourg depuis 1650.
Metternich ne chercha donc pas à unifier ou à germaniser l’Autriche. Il laissa le pouvoir aux nobles, qui l’exerçaient depuis toujours, et accessoirement à la bureaucratie, qui les contrôlait et qu’avait développée Joseph II. En réalité, Metternich, qui était un grand travailleur et un homme d’esprit, manquait de cœur ; il méprisait les différentes nationalités qui composaient l’Autriche, non par racisme, mais par orgueil aristocratique. Cet aveuglement ne lui permit pas de sentir la montée de forces nouvelles, dont l’explosion allait précisément ébranler l’Autriche en 1848 : le libéralisme bourgeois et les revendications des nationalités.
C’est la chute de Louis-Philippe à Paris qui provoqua celle du chancelier d’Autriche le 13 mars 1848, alors que la révolution éclatait à Vienne et à Budapest, et que les émeutiers viennois réclamaient le départ du vieux chancelier. Metternich s’enfuit dans une voiture de blanchisseuse et se réfugia à Londres. En 1851, il rentra en Autriche, où il devait mourir sans avoir repris d’activité officielle.
À force d’avoir eu raison dans sa jeunesse, Metternich s’était obstiné au point de précipiter la crise qu’il voulait éviter, ainsi que sa propre chute.
J. B.
➙ Allemagne / Autriche / Empire (premier) / Habsbourg / Napoléon Ier.
H. von Srbik, Metternich, der Staatsmann und der Mensch (Munich, 1925-1954 ; 3 vol.). / K. Griewank, Der Wiener Kongress und die Neuordnung Europas (Leipzig, 1942). / H. Rieben, Prinzipiengrundlage und Diplomatie in Metternichs Europapolitik, 1815-1848 (Berne, 1942). / A. J. P. Taylor, The Habsburg Monarchy, 1815-1918 (Londres, 1942). / G. de Bertier de Sauvigny, Metternich et son temps (Hachette, 1959) ; Metternich et la France après le Congrès de Vienne (Hachette, 1968-1972 ; 3 vol.) ; la Sainte-Alliance (A. Colin, coll. « U 2 », 1972). / J. R. Derré, Metternich et Lamennais (P. U. F., 1963). / H. Vallotton, Metternich (Fayard, 1965).
