Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Metz (suite)

L’annexion à la France s’accompagne à Metz d’une révolution qui écarte le patriciat du gouvernement au profit des marchands et des légistes. Les Messins obtiennent du roi des lettres de naturalité ; ce régime prend fin en 1633 avec la création d’un parlement français à Metz. Sous Louis XIV, l’expansion française à partir des Trois-Évêchés est assurée par une Chambre de réunion, mais l’ascension sociale de ses marchands a déjà assuré l’intégration de Metz dans le royaume.

En 1790, Metz devient le chef-lieu du département de la Moselle. Investie par les Allemands en août 1870, prise par eux en octobre, Metz est annexée au Reich en vertu des dispositions du traité de Francfort (10 mai 1871). La ville fera retour à la France en 1918.

P. P.


Le développement urbain

Le site primitif de la ville se trouve dans l’angle formé par la confluence de la Seille et de la Moselle sur la colline Sainte-Croix. La ville romaine groupait déjà une vingtaine de milliers d’habitants. Metz était facile à défendre, sauf vers le sud, où le terrain plat amena la construction de puissantes fortifications. À l’ouest, la ville est protégée par des îles de la Moselle (Saulcy, Saint-Symphorien, Chambière). Ailleurs. Moselle et Seille encaissées protégeaient le site primitif. Après une période brillante du xiie au xve s., où le commerce contribua à la prospérité de la ville, la fonction militaire éclipsa, à partir du xvie s., toutes les autres activités. Henri II y fit construire, au sud, la citadelle qui marque encore aujourd’hui un hiatus dans le paysage urbain. Rattachée juridiquement au royaume en 1648, Metz, grâce à Vauban* et à ses successeurs, devint une des principales places fortes de France. Si l’urbanisation a gagné, dès le Moyen Âge, le quartier d’outre-Seille ainsi que l’île du Théâtre, les fortifications sans cesse étendues jusqu’au xixe s. enfermèrent la ville dans un véritable corset dont elle ne se défit totalement qu’après 1945. Trois systèmes défensifs marquèrent l’urbanisme : un système linéaire (enceintes romaines et médiévales) ; un système de bastions avancés (système de Vauban, couronne de Bellecroix, fort Moselle) ; enfin, un système de forts suburbains, isolés en rase campagne, à proximité des principales routes d’accès, mais formant une ceinture très vaste (forts de Queuleu, des Bordes, Lauvallière, Gambetta, Saint-Privat, etc.). Ces lignes de fortifications successives ont engendré l’extension des zones non aedificandi, bloquant totalement l’extension de la ville, qui, à chaque époque, a dû s’adapter de l’intérieur. Aussi n’est-il pas étonnant qu’une ville présentant des facteurs géographiques théoriquement très favorables n’ait connu qu’un essor assez lent. Et le développement au xixe s. à quelques kilomètres de la ville du plus grand bassin sidérurgique français n’a pas suffi pour provoquer l’industrialisation de celle-ci.

La ville comptait 22 000 habitants en 1822 et 58 000 en 1866. Elle semblait alors promise à un avenir brillant (premières usines importantes, promesses de développement de l’enseignement supérieur, première Exposition internationale, etc.). Le traité de Francfort de 1871 entraîna l’annexion de la ville et l’abandon de cette dernière par environ un cinquième de sa population. Cette hémorragie marque encore la ville actuelle. L’exode toucha surtout les classes aisées (par exemple la famille Alcan, qui créa à Paris les Presses universitaires de France), ce qui affaiblit considérablement l’économie messine. Les autorités allemandes favorisèrent l’immigration de citoyens du Reich, majoritaires vers 1914. La défaite allemande de 1918 eut pour conséquence le départ de la population d’origine allemande, quoique souvent née à Metz. Ainsi, en l’espace d’un demi-siècle, Metz connut un double exode, qu’aucune autre ville française n’a subi à un tel degré. Les conséquences furent d’autant plus importantes qu’à la même époque la plupart des villes européennes connurent un intense développement où l’industrie joua un rôle déterminant. Redevenue française en 1918, la ville garda ses fonctions militaires et continua à stagner. Pourtant, la fin du xixe et le début du xxe s. avaient connu une industrialisation volontaire dans le but de germaniser la ville (usines métallurgiques, brasseries, fabriques de vins mousseux, etc.). C’est l’époque où le village maraîcher de Montigny-lès-Metz enregistre l’implantation d’un atelier de constructions ferroviaires qui emploiera jusqu’à 4 000 ouvriers.

Au début du xxe s. l’administration allemande entreprit la construction d’une nouvelle gare, la plus vaste de l’actuel Est de la France. Une poste centrale, des banques et des bureaux furent construits à proximité. De là naquit la « Neustadt », qui, par son style hétérogène (roman rhénan, néogothique, néo-Renaissance), marque les hésitations architecturales qui régnèrent alors en Allemagne. La vieille ville, italienne et française, fut entourée d’un Ring (ceinture ou boulevards des Maréchaux) qui fit en même temps la liaison avec la ville nouvelle. La gare de marchandises, malencontreusement construite sur l’emplacement des arènes romaines, devait compléter l’ensemble nouveau. Les deux gares aux aménagements gigantesques ont été édifiées à des fins militaires. En même temps, les autorités allemandes procèdent à l’annexion de quelques communes suburbaines afin de procéder à une urbanisation plus systématique. Plantières et Queuleu sont rattachés en 1906, Devant-les-Ponts en 1907 et Sablon en 1910.


La ville contemporaine

L’entre-deux-guerres ne vit qu’une extension minime. Avec la fin de l’antagonisme franco-allemand, la sidérurgie lorraine connut, jusqu’en 1962, un essor constant. Metz en profita quelque peu. De 70 000 habitants en 1946, la population est passée à 125 000 en 1972. Le rattachement des communes de Magny, Vallières et Borny a permis une urbanisation plus logique qu’auparavant. La Z. U. P. de Borny, devenue le quartier des Hauts de Blémont, débute en 1963 et compte à présent une vingtaine de milliers d’habitants. Toutefois, son architecture n’est pas des plus heureuses. Longtemps, le quartier a manqué de commerces, d’équipements culturels et d’espaces verts. Avant le rattachement de ces communes, qui ont permis à la ville de doubler sa superficie, l’urbanisation récente avait un aspect surtout ponctuel, rendant difficile la desserte par les transports en commun. Avec les Hauts de Blémont, l’urbanisation quitte la vallée pour le plateau oriental. Si les difficultés de la sidérurgie ont ralenti à partir de 1962 l’expansion de la ville, une série de facteurs récents donne à celle-ci des atouts nouveaux : choix de la ville comme siège de la préfecture régionale ; canalisation de la Moselle permettant la navigation des péniches de gabarit européen et création du port de Metz ; construction de l’autoroute Thionville-Metz prolongée jusqu’à Nancy ; création de l’École nationale d’ingénieurs de Metz (E. N. I. M.) et de l’université (au total 5 100 étudiants en 1972) ; achèvement de l’autoroute Metz-Sarrebruck (prolongée sur Paris et Strasbourg d’ici 1976). Grâce à cette dernière, Metz est la seule ville française à être reliée aussi directement au puissant réseau autoroutier de la R. F. A. Metz devient le plus grand carrefour autoroutier de la France de l’Est. Cela ne fait que renforcer la fonction de plaque tournante, puisque, sur une centaine de trains au départ de la gare centrale, quarante sont à destination de l’étranger. Metz est le siège de nombreux organismes à vocation régionale : préfecture de région, mission régionale, état-major de la VIe région militaire et de la F. A. T. A. C. (Force aérienne tactique), agence financière du bassin Rhin-Meuse, service régional des Mines, service régional de l’Équipement, direction régionale de la gendarmerie, conservatoire régional de Musique, direction régionale des Affaires culturelles. Metz est donc surtout une ville tertiaire ; 65 p. 100 des actifs sont employés dans le commerce et les services. Le commerce de gros dessert toute la Lorraine du Nord ainsi que le Luxembourg. Le théâtre recrute sa clientèle dans trois départements. Le quotidien le Républicain lorrain, édité à Metz, a un tirage de 260 000 exemplaires ; il est même lu au Luxembourg. Par là apparaît le caractère frontalier de la ville, qui subit sur le plan commercial et culturel la concurrence de Sarrebruck.