Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mésomorphes (états) ou mésomorphisme (suite)

Action d’un champ extérieur

Dès 1911, C. Mauguin a montré l’action orientatrice d’un champ magnétique en plaçant la substance nématique entre les pièces polaires d’un électro-aimant. Le liquide trouble se clarifie quasi instantanément sous l’action d’un champ de l’ordre de 10 000 gauss et se comporte optiquement comme un cristal uniaxe dont l’axe optique a la direction du champ ; l’homogénéité imposée au liquide est instable et cesse avec la disparition du champ. Les composés organiques sont diamagnétiques, et les molécules des nématiques comprennent souvent deux noyaux benzéniques, dont l’intersection des plans marque leur direction d’allongement. Sous l’action du champ magnétique, elles tendent à s’orienter pour que les plans des noyaux soient parallèles au champ ; sur une molécule isolée, l’énergie de couplage est très inférieure à l’énergie thermique, et, dans le liquide isotrope, l’effet d’orientation est inobservable ; mais, à l’état nématique, un domaine comprend un nombre considérable de molécules quasi parallèles qui s’orientent en même temps.

L’action du champ électrique est plus compliquée. Elle est associée à l’anisotropie de la constante diélectrique statique ; suivant la direction d’allongement de la molécule, cette constante est, en général, notablement plus petite que celle qui est mesurée dans la direction qui lui est perpendiculaire. La substance, dont l’épaisseur est de quelques dizaines de microns, est placée entre deux lames de verre semi-transparentes qui servent d’électrodes. En appliquant une différence de potentiel inférieure à un certain seuil Vc, de l’ordre de 5 volts, la préparation devient homogène et transparente : toutes les molécules s’orientent parallèlement à la lame, en sorte que la direction de la plus grande constante diélectrique est parallèle au champ. Avec une différence de potentiel légèrement supérieure à Vc, le liquide se déplace lentement suivant des trajectoires fermées, et la préparation présente une texture cellulaire périodique ; si l’on augmente la tension de quelques volts, le mouvement prend une allure turbulente ; il en résulte une diffusion dynamique de la lumière dans toutes les directions, de sorte que la préparation perd sa transparence et devient opaque.


L’état cholestérique

Si cet état de la matière se manifeste surtout pour des dérivés du cholestérol, on peut aussi l’observer avec d’autres composés, comme le cinnamate d’amyle p.(4-cyanobenzilidène-amino)

Tous ces composés comportent un ou plusieurs atomes de carbone asymétriques, et leur liquide ou leur solution isotropes sont doués de pouvoir rotatoire. Les phénomènes qu’ils présentent à l’état cristal-liquide sont complexes, et on les a rapprochés soit des nématiques, soit des smectiques. Cet état apparaît par élévation de la température soit du cristal, soit du smectique, jamais à partir d’un nématique. La faible viscosité et la diffusion de la lumière sont comparables à celles des nématiques, et l’on peut retrouver les phénomènes des cholestériques en mélangeant à un nématique de faibles quantités d’un composé organique doué de pouvoir rotatoire. Les cholestériques présentent une texture apparemment lamellaire avec les plans de Grandjean ; découverte en 1921, cette texture provoque en lumière blanche des couleurs irisées magnifiques, dépendant de l’angle d’éclairement et que l’on a interprétées comme des réflexions de Bragg sur des plans régulièrement espacés de 2 000 à 80 000 Å. Elle est associée à un pouvoir rotatoire extraordinairement élevé de plusieurs milliers de degrés par millimètre, qui ne peut s’expliquer par la seule présence d’un atome de carbone asymétrique dans la molécule. Ces propriétés de réflexions colorées de la lumière et du pouvoir rotatoire élevé proviennent de la structure hélicoïdale spontanée, caractéristique des cholestériques. En effet, on obtient assez facilement entre deux lames de verre des préparations d’un monocristal cholestérique dont l’épaisseur peut atteindre un dixième de millimètre, préparations sur lesquelles Châtelain et Cano (1959) ont fait des mesures précises des propriétés optiques. Ils ont apporté des arguments quantitatifs en faveur de la théorie de Vries (1951), qui a complété celle de Mauguin (1911), de la propagation de la lumière dans un milieu nématique à structure hélicoïdale. Celle-ci peut être décrite comme suit. Les molécules sont, à la partie inférieure de la préparation, parallèles entre elles, à l’agitation thermique près, comme dans l’état nématique et disposées dans le plan de la lame. Si OZ est la normale à la lame, les molécules se disposent en hélice autour de OZ tout en restant parallèles à la lame, de sorte que, dans le plan de cote Z, elles font avec les molécules de la surface (Z = 0) un angle Le pas de l’hélice p varie, suivant les substances, du dixième à quelques dizaines de microns (fig. 4).

On prévoit aisément que de telles préparations se comportent optiquement comme des cristaux uniaxes négatifs, alors que les phases smectiques et nématiques, dans lesquelles l’axe optique est la direction d’allongement des molécules, sont des uniaxes positifs. D’autre part, de telles préparations réfléchissent totalement une lumière dont la longueur d’onde λ0 a pour valeur, pour une incidence normale, λ0 = p.n, n étant l’indice moyen de réfraction. Si le pas p est suffisamment petit, λ0 est dans le domaine visible. La lumière réfléchie, vivement colorée, est polarisée circulairement. Le sens du pouvoir rotatoire s’inverse quand la longueur d’onde de la lumière passe d’une valeur inférieure à λ0 à une valeur supérieure. En modifiant le pas de l’hélice par un changement de température, les propriétés optiques, en particulier la couleur, varient. L’action d’un champ magnétique tend à orienter les molécules dans la direction du champ et modifie donc le pas de l’hélice. Et si le champ est suffisamment intense, on aboutit à un parallélisme de toutes les molécules, c’est-à-dire à un arrangement nématique.