Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

mésomorphes (états) ou mésomorphisme (suite)

Applications industrielles des états mésomorphes

Les recherches qui se poursuivent sur le polymorphisme des phases smectiques trouvent des applications dans l’action des savons et des détergents. Les nématiques et les cholestériques peuvent donner lieu à des applications technologiques les plus diverses. Par exemple, certaines substances fortement dichroïques donnent en solution un état nématique qui peut s’orienter sur un support frotté dans une même direction ; par évaporation, elles laissent un film utilisé en optique comme polariseur. Les utilisations les plus immédiates des nématiques sont liées à la diffusion dynamique de la lumière, qui rend opaques de minces lames transparentes quand elles sont soumises à un champ électrique suffisamment élevé. On réalise ainsi des écrans de transparence variable et, avec des électrodes de géométrie convenable, des éléments d’affichage dans lesquels les symboles apparaissent dans les régions soumises à la tension électrique. Ces cellules à cristal-liquide n’absorbent que quelques microwatts par centimètre carré avec des tensions de quelques volts. Ces dispositifs, puisqu’ils fonctionnent en diffusant la lumière, utilisent l’éclairage ambiant. On pense réaliser ainsi des écrans de télévision. On les a utilisés dans la fabrication des montres à quartz piézo-électriques qui ne possèdent aucune aiguille et dont les heures, les minutes et les secondes apparaissent en chiffres sur des cases à cristal-liquide.

Les cholestériques pourront, sans doute, fournir de nombreuses applications industrielles ; cependant, les études sur l’action du champ électrique n’en sont qu’à leur début. Actuellement, les industriels semblent s’intéresser surtout aux changements de couleur provenant de la réflexion sélective de la lumière. On trouve dans le commerce des solutions qui déposent un film d’un cholestérique dont la couleur varie du violet au rouge quand la température varie de 3 °C autour d’une température moyenne, 37 °C par exemple. En médecine, elles servent à localiser des tumeurs qui produisent un échauffement local de la peau. En micro-électronique, elles servent à vérifier simultanément un grand nombre de circuits ; on dépose au pinceau la solution, et les mauvais contacts, qui sont des points chauds, sont détectés par leur couleur. Les mêmes cholestériques sont aussi utilisés pour transformer une image infrarouge, produite par exemple par un laser dont les points sont plus ou moins chauds, dans une image visible.

Sans doute verrons-nous aussi des applications dans le domaine de la biologie, puisque des substances essentielles à la vie, comme la myéline, l’A. D. N., donnent des solutions à caractère cholestérique.

Otto Lehmann

Physicien et minéralogiste allemand (Constance 1855 - Karlsruhe 1922). Spécialiste de l’analyse microchimique, il a découvert en 1899 les cristaux liquides.

J. W.

Mésopotamie

(du gr. mesos et potamos, « entre les fleuves »).
Vaste région de 375 000 km2, qui comprend toutes les terres basses des bassins de l’Euphrate et du Tigre, et correspond en gros aux pays actuels de l’Iraq et du nord-est de la république de Syrie.


Histoire de la civilisation de la Mésopotamie

C’est le plus ancien et, du VIe au Ier millénaire av. J.-C., le plus important des foyers de la civilisation.


Colonisation au Mésolithique et au Néolithique (XIe-VIe millénaire)

Cet ensemble de plaines et de collines, limité à l’est et au nord par les montagnes de l’Iran occidental et de l’Anatolie orientale, au sud-ouest par le désert syro-arabe, au sud-est par le golfe Persique, connaît jusqu’à la fin de la dernière période glaciaire des climats et une végétation naturelle très différents de ceux de l’époque historique. Les hommes du Paléolithique y ont sans doute vécu, mais, dans ce pays où les fleuves arrachent, puis déposent d’énormes masses de sédiments, il n’y a guère de chances que l’on retrouve un de leurs habitats minuscules.

Vers le XIe millénaire, le climat commence à se rapprocher des conditions actuelles, et les groupes du Mésolithique (stade intermédiaire entre le Paléolithique des chasseurs et le Néolithique des agriculteurs) abordent la Mésopotamie à partir des hautes vallées du pourtour montagneux, qui sont fréquentées par les humains depuis 60 000 ans au moins et qui possèdent à l’état sauvage des animaux précieux (ovins, caprins, bovins, porcins) et des céréales (blé, orge). Au VIIIe millénaire, le genre de vie agricole apparaît dans les vallées proches du pays des Deux Fleuves et sur le piémont, avant de s’étendre en haute Mésopotamie ; cette région, qui comprend le nord du pays des Deux Fleuves jusqu’au point où l’Euphrate et le Tigre se rapprochent pour la première fois en plaine, peut porter des cultures sèches dans la bande proche de la montagne ; au-delà, les pluies sont insuffisantes pour ce type de culture et les fleuves trop encaissés pour permettre l’irrigation en grand, et l’on doit s’y contenter de la vie pastorale. Au pied des montagnes, au contraire, des communautés ont bientôt l’idée d’utiliser les eaux de ruissellement, puis de creuser des canaux.

Cette technique nouvelle trouve son plein emploi quand l’homme colonise la Susiane — pays plat aux nombreuses rivières, qui fait partie de l’Élam* et, à ce titre, mérite une étude particulière — et la basse Mésopotamie. Celle-ci est d’abord une plaine basse, puis, plus au sud-est, un delta intérieur, où les sédiments s’enfoncent lentement ; là, avant d’atteindre la mer, les fleuves abandonnent la majeure partie de leurs alluvions et de leurs eaux — ces dernières s’évaporant ou s’accumulant dans des lacs ou des marais. Les vents de sable ou de poussière, l’aridité et les inondations brutales font un enfer de ce pays, qui attira peut-être ses premiers habitants par la richesse de ses eaux en poissons et de sa forêt-galerie en fruits. On ne risque guère, là non plus, de retrouver les tout premiers habitats, et les archéologues n’y ont rencontré que de gros établissements agricoles. En effet, l’irrigation pose ici des problèmes plus complexes qu’en Égypte : la crue des fleuves intervient au printemps ; il faut retenir alors les eaux et les redistribuer ensuite sur le reste de l’année pour que les cultures ne soient pas noyées au printemps, quand elles sortent de terre, ni brûlées par l’aridité de l’été et de l’automne.