Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Melun (suite)

La ville occupe un site qui présente quelque analogie avec celui de la capitale, l’île Notre-Dame, berceau gallo-romain de la ville séparant la Seine en deux bras. Elle s’est d’abord étendue sur les pentes de la rive droite, au débouché et dans le vallon de la rivière d’Almont. C’est seulement au xixe s. qu’elle s’est étalée sur les terrains plats boisés et marécageux de la rive gauche, selon un plan plus géométrique, ordonné de part et d’autre de l’avenue Thiers, qui conduit à la gare, et, au-delà, elle a fini par englober Dammarie-les-Lys.

Les monuments les plus anciens sont l’église Notre-Dame, qui remonte au début du xie s., et l’église Saint-Aspais, élevée aux xve et xvie s. La ville a beaucoup souffert des bombardements d’août 1944. À 6 km au nord-est se dresse le château de Vaux-le-Vicomte*, construit pour Nicolas Fouquet*, et, à 3 km au sud-ouest, se trouvent les ruines de l’abbaye cistercienne de Dammarie-les-Lys, qui date du xiiie s. Au sud, la forêt de Fontainebleau commence dès les limites de l’agglomération.

Longtemps uniquement ville administrative et centre commercial, Melun commença à s’industrialiser à la fin du xixe s. et au début du xxe s. avec des industries alimentaires (chocolaterie, brasserie) et pharmaceutiques, puis, après la Première Guerre mondiale, avec de la métallurgie (matériel agricole, de chauffage, de raffinerie).

Aujourd’hui, l’accentuation du desserrement industriel à partir de Paris diversifie ses branches. Il s’ajoute aux plus anciennes la production de matériaux de construction pour le bâtiment et les travaux publics, mais surtout l’industrie aéronautique autour de l’aérodrome d’essai Melun-Villaroche (S. N. E. C. M. A. et Dassault). En outre, de nombreux petits et moyens établissements, dont plus d’une dizaine venus de Paris, fabriquent surtout des appareils électriques, de la quincaillerie, des produits alimentaires, des cartonnages, des meubles, de la confection, des produits pharmaceutiques. Melun assure aujourd’hui environ 12 000 emplois industriels, surtout masculins. Enfin, l’une des cinq villes nouvelles prévues dans la région parisienne est située au nord immédiat de Melun, et porte le nom de Melun-Sénart.

J. B.

Melville (Herman)

Écrivain américain (New York 1819 - id. 1891).


Melville est l’auteur de Moby Dick, le plus grand produit de l’imagination américaine, le seul qui se situe d’emblée au niveau des épopées homériques et miltoniennes, des tragédies de Shakespeare et du Faust de Goethe. Car il y a du Prométhée, de l’Œdipe et du Faust dans l’histoire du capitaine Achab et de sa baleine blanche. Mais, écrit presque d’une traite et publié simultanément à Londres et à New York en octobre 1851, Moby Dick, ou la Baleine (Moby Dick, or the Whale) n’eut aucun succès. Seul Nathaniel Hawthorne*, qui venait d’achever la Lettre écarlate, reconnut l’immensité épique et symbolique de Moby Dick. Il fallut plus d’un siècle pour que le monde reconnût Moby Dick, qui appartient en fait plus au xxe qu’au xixe s. Épuisé d’avoir écrit en dix-huit mois ce livre colossal, accablé par l’échec, Herman Melville s’enferme, à trente-deux ans, dans une solitude désespérée. Et son dernier livre, Billy Budd, ne sera publié qu’en 1924, plus de trente ans après sa mort.

En dehors d’E. Poe*, en 1838, et de Richard Henry Dana, en 1840, l’Amérique n’avait accordé que peu de place à la mer, cette autre Prairie, qui la borde doublement. Mais là n’est pas la cause de l’échec d’un livre profondément symbolique, et qui aurait dû trouver au pays des puritains un public attentif. L’échec de Moby Dick s’explique d’abord par une transformation du climat social américain, puis par un malentendu sur la personnalité même de l’auteur et sur la nature de son talent littéraire. L’Amérique de 1850 n’est plus une petite et austère colonie puritaine. C’est déjà, à la veille de la victoire du Nord sur le Sud, le pays des grandes réalisations industrielles et financières, le pays de la conquête de l’Ouest, qui vient d’annexer la Floride, la Californie, le Texas et le Nouveau-Mexique. À cette expansion correspond un climat de confiance. Or, Moby Dick est un livre inquiet, pessimiste, à contre-courant d’une époque qui voit le nouvel optimisme américain succéder à l’angoisse puritaine. Avec Emerson et le transcendantalisme, la pensée américaine s’adoucit. Au Dieu terrible des puritains, celui de Moby Dick, succède un Dieu libéral et bienveillant.

Dans Moby Dick, le roman d’aventures et la quête symbolique, le réalisme et le mysticisme gardent leur équilibre. Cette odyssée doit sa grandeur à cet équilibre. Histoire d’une tentation et d’une damnation, c’est aussi un roman d’aventures. Un écrivain en chambre n’aurait pu écrire Moby Dick. Une vision de cette ampleur n’est pas toute visionnaire. Elle se nourrit de choses vues. Melville fut d’abord, lui aussi, chasseur de baleines. L’expérience du marin alimente la vision du poète.

Ses deux grands-pères, le major Thomas Melville et le général Peter Gansevoort, avaient été des héros de la guerre d’Indépendance. Mais son père, Allan Melville, fit faillite dans une entreprise d’importation new-yorkaise. Herman est élevé par une mère rude et distante ; son père le décrit comme un « enfant très en retard ». Il quitte l’école à treize ans, faute d’argent. Il est successivement employé de banque, précepteur, garçon de ferme. Il bourlingue sur terre avant de s’embarquer. Il lit Fenimore Cooper : « Ses œuvres, écrit-il, eurent sur moi une vive influence et m’éveillèrent l’imagination. » Aveu capital, pour lui dont l’Océan sera l’autre Prairie.

En janvier 1839, il s’engage comme mousse sur le Saint Lawrence, cargo en partance pour Liverpool. Il n’a pas vingt ans. Écrit dix ans plus tard, Redburn, premier voyage d’un mousse (Redburn His First Voyage, 1849) est le récit autobiographique de ce premier embarquement. Premier voyage très dur, où le jeune Herman, instable, inquiet, déclassé, souffre à la fois du mépris des officiers et de l’équipage. Mais il s’y fait un ami, assez équivoque. Dans toutes ses œuvres, dans tous ses embarquements, il y aura toujours un « ami » efféminé qui, dans ce monde sans femme de la mer, remplace l’amour par l’amitié : pas une femme dans Moby Dick, où le seul mariage est celui qui unit Queequeg et Ishmael, le harponneur et le matelot.