mélodrame (suite)
Et de fait il a écrit plus de cent mélodrames pour une période allant de 1797 à 1835, joués dans le théâtre dont il est le directeur, le théâtre de la Gaîté, ou sur le célèbre « Boulevard du Crime ». Croire que son succès (30 000 représentations en France durant la même période) ne touche que le peuple inculte serait une erreur : c’est au « Crime » que les romantiques Hugo, Dumas, Gautier éprouveront leurs premières émotions ; et, s’ils loueront les auteurs de mélodrame en les traitant de « Shakespeares méconnus », de « Goethes du Boulevard du Temple », sans doute est-ce parce qu’ils reconnaîtront en eux des précurseurs.
Technique du mélodrame et postérité
Théâtre à grand spectacle, le mélodrame fait appel à une mise en scène somptueuse destinée à créer une atmosphère pittoresque et troublante. Ce qui n’exclut pas le réalisme, ou du moins un certain réalisme que l’on tente d’atteindre en faisant de la « couleur locale ». Parallèlement à ce besoin de faire vibrer les fibres de la sensiblerie, le mélodrame satisfait au goût simpliste de son public : le dénouement voit toujours le triomphe du bon sur le méchant, même s’il faut faire appel aux plus invraisemblables trouvailles pour assurer le renversement final.
« Plaisir des yeux, goût de l’histoire et de la légende, souci d’exactitude, action mouvementée, appel aux nerfs et aux larmes, prédication morale : autant de traits par lesquels le mélodrame prépare et préfigure le drame romantique », souligne Michel Lioure dans son analyse des origines du drame hugolien. Cela est tout à fait exact et ne doit absolument pas surprendre : nés tous deux de drame bourgeois, le mélodrame et son successeur romantique se devaient d’avoir des points de contact très étroits. Seules une plus grande maîtrise artistique et une volonté évidente d’atteindre au « sublime » devaient assurer au drame romantique une place de choix au sein des lettres de notre pays. Le jugement du public devait se révéler quelque peu différent puisque, si le mélodrame continua une brillante carrière jusqu’à la fin du xixe s., le drame romantique dut se contenter de quinze petites années de succès.
D. C.
P. Ginisty, le Mélodrame (Louis Michaud, 1910). / W. G. Hartog, Guilbert de Pixerécourt, sa vie, son mélodrame, sa technique et son influence (Champion, 1913). / F. Rahill, The World of Melodrama (Londres, 1967).
