Méhémet-Ali (suite)
Puis le pacha se tourne vers le Soudan, qui est occupé en partie par les Égyptiens commandés par le troisième fils de Méhémet-Ali, Ismā‘īl (1820-21). L’assassinat de ce dernier en 1822 est le signal d’une révolte que Méhémet-Ali réduit dans le sang. Par la suite, il laissera aux chefs soudanais une certaine autonomie. Méhémet-Ali participe aux luttes de la Porte contre les Grecs révoltés. En 1825, Ibrāhīm débarque en Morée ; mais, vaincu à Navarin (1827), il se retire en 1828. Au passage, les Égyptiens s’installent en Crète, qu’ils ne rendront aux Turcs qu’en 1840-41. Le pacha d’Égypte sera d’ailleurs l’un des premiers à reconnaître le jeune royaume grec ; il est vrai que l’importante colonie grecque en Égypte est en excellents termes avec lui.
En 1831, à la suite de difficultés avec Constantinople à propos d’Acre, Méhémet-Ali — dont l’armée et la marine, très modernes, sont encadrées par des instructeurs français — fait attaquer la Syrie par Ibrāhīm : celui-ci, balayant l’armée turque, marche sur Constantinople. Le Sultan conclut alors avec son puissant pacha la paix de Kütahya (1833), qui assure aux Égyptiens la possession de la Syrie et d’Adana. En 1839, le Sultan, par une attaque éclair, tente de reprendre le terrain perdu : ses troupes sont écrasées à Nizip. Alors entre en scène l’Angleterre, qui, avec les autres puissances — sauf la France, protectrice de l’Égypte —, obtient du Sultan une série de firmans (févr.-juin 1841) obligeant l’Égyptien à renoncer à Adana, à la Syrie et à la Crète, tout en lui assurant la vice-royauté héréditaire d’Égypte.
À partir de 1848, Ibrāhīm pacha prend en effet les rênes du pouvoir, volontairement abandonnées par le vieux Méhémet-Ali ; mais il meurt la même année et est remplacé par son neveu ‘Abbās Ḥilmī Ier (1813-1854). Méhémet-Ali succombe lui-même en août 1849, laissant une œuvre considérable, accomplie en grande partie sous l’égide et avec l’aide de la France. Cependant, si sur le plan économique (cultures irriguées, industrie, commerce) on peut le considérer comme le fondateur de l’Égypte moderne, sa personnalité fut trop complexe pour ne pas être encore controversée : considéré par les uns comme le type — rare — d’un homme d’État libéral en Orient, il passe, aux yeux d’autres observateurs, comme l’un de ces despotes orientaux qui n’ont pas substantiellement modifié les structures sociales de leur pays.
P. P.
➙ Égypte.
A. Sammarco, Il Regno di Mohammed Ali nei documenti diplomatici italiani inediti (Le Caire, 1930). / M. Sabry, l’Empire égyptien sous Mohamed-Ali et la question d’Orient, 1811-1849 (Geuthner, 1931). / M. Weygand, Histoire militaire de Mohammed Aly et ses fils (Impr. nat., 1937 ; 2 vol.). / R. et G. Cattaui, Mohammed Aly et l’Europe (Geuthner, 1950). / H. A. B. Rivlin, The Agricultural Policy of Muḥammad ‘Alī in Egypt (Cambridge, Mass., 1961). / R. Fakkar, Aspects de la vie quotidienne en Égypte à l’époque de Méhémet Ali (Maisonneuve et Larose, 1975).