Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martinů (Bohuslav) (suite)

Son œuvre, forte de 387 ouvrages de tous genres (le signataire de ces lignes en a établi le catalogue raisonné), est l’une des plus considérables de ce siècle, tant par la quantité que par la qualité. Elle se ressent de quatre influences décisives, dont la synthèse lui imprime le cachet d’une personnalité profonde : les deux premières, fondamentales (le folklore tchécomorave et Debussy), datent des débuts même de sa formation. Vinrent ensuite le madrigal anglais de la Renaissance (pour le contrepoint chantant et polymélodique, à l’écart de toute formule d’école) et surtout le concerto grosso baroque, qui détermine non seulement l’équilibre sonore et instrumental de sa musique, mais encore son essence morphologique profonde. Il est à la base de sa conception de la « musique de chambre à l’échelle symphonique », mais aussi de son abandon de la forme sonate beethovénienne au profit de la prolifération organique de brèves cellules originelles. Ses symphonies en acquièrent leur visage insolite, qui renouvelle le genre. De la saine violence rythmique, des heurts d’un polytonalisme souvent poivré de ses œuvres parisiennes, il passa graduellement au lyrisme plus ample et plus reposé de la période américaine, puis enfin à la liberté structurelle néo-impressionniste des œuvres de la fin (Incantation, Paraboles), qui, abandonnant la « géométrie » pour la « fantaisie », selon ses propres termes, régénèrent et actualisent la leçon profonde des derniers chefs-d’œuvre de Debussy, tout en demeurant fidèles à un langage tonal élargi. Sa contribution à la musique de chambre est particulièrement riche de chefs-d’œuvre de premier plan, tels que le 5e quatuor (1938), le quatuor avec piano (1942), le 2e quintette (1944), les 3 madrigaux pour violon et alto (1946) et bien d’autres encore. Incantation (1956), le Concerto da camera pour violon (1941), le concerto pour 2 pianos (1943), les concertos pour violoncelle enrichissent le répertoire concertant de pages de premier plan, cependant que Tre Ricercari ou le dramatique Double Concerto de 1938 (son œuvre la plus célèbre, sans doute) sont des modèles accomplis de concerto grosso moderne. La production dramatique est dominée par Juliette, déjà évoquée (1936-37) et par l’émouvante Passion grecque, d’après le Christ recrucifié de N. Kazandzákis (1956-1959), son véritable testament artistique et spirituel. Dans cette profusion sans faiblesse, il faudrait encore signaler des pages vocales aussi significatives que la Messe au champ d’honneur ou l’oratorio Gilgamesch. La France a encore beaucoup à découvrir chez ce grand musicien, à qui elle fut si chère et si proche !

Les œuvres principales de Martinů

• Théâtre : 16 opéras (1926-1959) dont : les Jeux de Marie (1933-34) ; Comédie sur le pont (1935) ; Juliette ou la Clé des songes (1936-37) ; Mirandolina (1953-54) ; Passion grecque (1956-1959) ; Ariane (1958) ;
15 ballets (1914-1948) dont : Ištar (1918-1921), Spalíček (1931-32).

• Orchestre : 6 symphonies (1942-1953, dont la sixième, Fantaisies symphoniques) ; 2 symphonies concertantes (1932 et 1949) ; 2 sinfoniettas (1948 et 1950) ; Half-Time (1924) ; la Bagarre (1926) ; Inventions (1934) ; Lidice (1943) ; les Fresques de Piero della Francesca (1955) ; Paraboles (1958).

• Concertos : une trentaine, dont :
pour piano (5 concertos, 1925-1958, dont le quatrième, Incantation, 1956 ; 2 concertinos, 1928 et 1938) ;
pour 2 pianos (1943) ;
pour violon (3 concertos et 1 suite concertante, 1932-1943) ;
pour 2 violons (2 concertos, 1937-1950) ;
pour violoncelle (3 concertos et 1 concertino, 1924-1945) ;
pour clavecin (1935) ;
pour hautbois (1955) ;
pour alto (1952) ;
pour quatuor à cordes (1931) ;
pour trio avec piano (1933) ;
pour flûte et violon (1936) ;
pour violon et piano (1953).

• Orchestre de chambre : Sérénade (1930) ; Partita pour cordes (1931) ; Concerto grosso (1937) ; Tre Ricercari (1938) ; Double Concerto (1938) ; Toccata e 2 canzoni (1946).

• Musique de chambre : environ 90 partitions du duo au nonette, dont :
sonates (5 pour violon et piano, 1919-1944, 3 pour violoncelle et piano, 1939-1952, 1 pour flûte et piano, 1945, 1 pour alto et piano, 1955) ;
4 duos à cordes (1927-1958) ;
15 trios pour formations diverses (1923-1951) ;
7 quatuors à cordes et 1 quatuor avec piano (1918-1947) ;
1 quintette à cordes et 2 quintettes avec piano (1927-1944) ;
1 sextuor (1932) ;
1 nonette (1959).

• Piano : environ 80 recueils et morceaux, dont : 3 Danses tchèques (1926) ; Fantaisie et toccata (1940) ; Études et polkas (1945) ; sonate (1954) ;
pour 2 pianos : Fantaisie (1929) ; 3 Danses tchèques (1949).

• Musique vocale : plus de 100 mélodies ; nombreux chœurs a cappella, dont 3 recueils de Madrigaux tchèques (1939-1959).

• Cantates et oratorios : Bouquet de fleurs (1937) ; Messe au champ d’honneur (1939) ; Gilgamesch (1955) ; 4 Cantates populaires (1955-1959) ; Prophétie d’Isaïe (1959).

H. H.

 J. Mihule, les Symphonies de Bohuslav Martinů (en tchèque, Prague, 1959) ; Bohuslav Martinů (en tchèque, Prague, 1966). / M. Šafránek, Bohuslav Martinů, Leben und Werk (Cassel, 1964). / Bohuslav Martinůs Bühnenschaffen (Prague, 1967). / H. Halbreich, Bohuslav Martinů (Zurich, 1968). / C. Martinů, Ma vie avec Bohuslav Martinů (Prague, 1972).

Marx (Karl)

Théoricien du socialisme et homme politique allemand (Trèves 1818 - Londres 1883).



La vie de Karl Marx


L’étudiant de gauche

Karl Marx naît le 5 mai 1818. Il est le second d’une famille de huit enfants. Son père, Heinrich Marx (1782-1838), est un avocat libéral et modéré ; d’origine juive (fils d’un rabbin, comme son épouse), il s’est converti au protestantisme en 1816 pour échapper aux persécutions antisémites qui ont marqué la réaction prussienne après la chute de Napoléon. En 1830, Karl Marx entre au lycée de Trèves. Sa dissertation pour l’examen de maturité (1835), Méditations d’un adolescent devant le choix d’une profession, contient déjà des formules significatives — « Nos rapports avec la société ont, dans une certaine mesure, commencé avant que nous puissions les déterminer » — et exprime des tendances humanistes. Le jeune homme entre alors à l’université de Bonn (études de droit, mais aussi de mythologie classique et d’histoire de l’art), se mêle à la vie des étudiants et écrit de la poésie.