Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martinique (suite)

L’histoire

Christophe Colomb débarqua à la Martinique le 15 juin 1502 au cours de son quatrième voyage en Amérique. À l’exception de quelques navires qui y relâchaient pour faire de l’eau, l’île fut peu visitée durant le xvie s. Au début du xviie s. des navigateurs français naufragés y séjournèrent durant quelques années, mais il fallut attendre 1635 pour voir la France y commencer son œuvre de colonisation.

Celle-ci fut entreprise à l’instigation de la Compagnie des îles d’Amérique (créée en 1626), qui chargea deux Français, Léonard de L’Olive et Jean Duplessis d’Ossonville, de la coloniser, mais ceux-ci lui préférèrent la Guadeloupe. C’est alors (1635-1636) que Pierre Belain d’Esnambuc (1585-1637), gouverneur de l’île Saint-Christophe, débarqua à la Martinique, où il construisit le fort Saint-Pierre pour résister aux attaques des Caraïbes (1635).

Mais c’est le neveu de Belain d’Esnambuc, Jacques Du Parquet, gouverneur de 1637 à 1658, qui fut le véritable organisateur de l’île ; grâce à ses grandes qualités d’administrateur, la Martinique se développa rapidement. Jacques Du Parquet s’efforça de maintenir la paix avec les indigènes, mais ceux-ci se révoltèrent à la fin de son gouvernement. Il sut attirer de nombreux Français de métropole et accueillir habilement des juifs hollandais chassés du Brésil après sa reconquête par les Portugais, qui firent bénéficier l’île de leur expérience pour extraire le sucre du jus de canne. Le gouverneur favorisa la culture de la canne à sucre, qui devint la grande richesse de l’île ; il construisit plusieurs forts et il colonisa également les petites îles voisines de Sainte-Lucie, la Grenade et les Grenadines.

Confiée par Louis XIV à la Compagnie des Indes occidentales (fondée en 1664), la Martinique bénéficia de l’excellente administration d’un autre gouverneur, le marquis de Baas. L’île fut attaquée par les Anglais en 1666 et 1667, puis par les Hollandais de l’amiral Ruyter en 1674. Cette même année, la Martinique, alors la plus riche des Antilles françaises, était rattachée directement au domaine royal. En 1693, une flotte anglaise ravageait toute la côte sud de l’île.

Au xviiie s., si le sucre restait la grande production, le cacao puis le café s’y ajoutèrent et prirent peu à peu une importance grandissante. La Martinique importait sa main-d’œuvre d’Afrique noire : jusqu’en 1740, elle demeura le plus gros client des négriers. Durant la guerre de Sept* Ans, elle fut attaquée en 1759, puis, en 1762, les Anglais y débarquèrent et l’occupèrent durant neuf mois. En 1763, elle fut rendue à la France par le traité de Paris.

On poursuivit alors les fortifications de l’île, qui acquit une importance militaire au moment de la guerre d’Indépendance américaine en ravitaillant les navires et les soldats français qui combattaient au côté de Washington. Au début de la Révolution française, républicains et royalistes s’affrontèrent dans l’île, et, à la faveur de ces troubles, les Noirs, sollicités par les deux partis, obtinrent des droits politiques (1791). Les républicains l’emportaient lorsque les aristocrates firent appel aux Anglais, qui y débarquèrent en 1794 malgré la résistance du gouverneur Rochambeau.

Le traité d’Amiens en 1802 rendit la Martinique à la France, mais, en 1809, l’Angleterre s’en empara de nouveau après la capitulation de l’amiral Villaret de Joyeuse et garda l’île jusqu’au traité de Paris (1814), qui la restitua aux Français ; cependant, l’occupation anglaise persista jusqu’en 1816. Depuis, l’île est à la France.

L’esclavage, qui avait été supprimé en 1794, puis rétabli en 1822, fut définitivement aboli par le décret Schœlcher de 1848 : de nombreuses révoltes d’esclaves noirs avaient secoué l’île depuis 1816. Au xixe s., la mévente du sucre de canne, concurrencé par celui de betterave, fut à l’origine de difficultés économiques qui ne furent qu’en partie atténuées par la création de la première ligne transatlantique en 1862, puis par l’expédition du Mexique (1862-1867) au cours de laquelle la Martinique retrouva son rôle stratégique.

L’île, qui avait connu déjà de nombreuses éruptions volcaniques, fut la victime, le 8 mai 1902, d’une épouvantable catastrophe lorsque la montagne Pelée fit éruption et ravagea tout le nord de l’île et particulièrement la ville de Saint-Pierre ; il y eut plus de 30 000 morts, 15 p. 100 de la population dont les trois quarts des créoles. D’autres éruptions en 1929 et 1930 ne causèrent heureusement que peu de dégâts.

De 1940 à 1943, la Martinique, qui, avec les autres Antilles et la Guyane, était administrée par l’amiral George Joseph Robert (1871-1965), nommé par Vichy, subit un blocus très strict avant de se rallier à la France libre le 30 juin 1943. En 1946, elle devenait un département français. Depuis lors, certains groupes politiques martiniquais se sont montrés hostiles à la départementalisation et ont préconisé l’autonomie ou même l’indépendance.

P. P. et P. R.


Littérature

V. francophones (littératures).

➙ Antilles / Empire colonial français / Guadeloupe.

 C. A. Banbuck, Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l’Ancien Régime (Rivière, 1935 ; nouv. éd. Soc. de distribution et de culture, Fort-de-France, 1972). / E. Revert, la Martinique (Nouv. éd. latines, 1949). / L. Chauleau, la Société de la Martinique au xviie siècle, 1635-1713 (Libr. orientale et américaine, 1966). / H. Leridon, E. Zucker et M. Cazenave, Fécondité et famille en Martinique (P. U. F., 1970). / B. Hermann et C. Maillard, Martinique (Éd. du Pacifique, 1975).

Martinů (Bohuslav)

Compositeur tchèque (Polička, Bohême, 1890 - Liestal, Suisse, 1959).


Quatrième « grand » de la musique tchèque, après Smetana*, Dvořák* et Janáček*, il se tourna d’instinct vers la France, contrairement à ses prédécesseurs, et ce dès sa prime jeunesse. Ce Slave latinisé devait d’ailleurs choisir la France comme seconde patrie. Il fit des études peu brillantes au conservatoire de Prague, se montrant rebelle à la discipline académique et au postromantisme germanique prédominant à Prague à cette époque. Il fut largement autodidacte et composa d’abondance dès sa vingtième année (orchestre, mélodies, piano, ballets, tous inédits) sous le choc de la découverte de Pelléas. Comme chez Bartók, Falla et tant d’autres, la baguette magique de l’art debussyste joua son rôle de libératrice. Son activité de second violon à la Philharmonie tchèque lui fit découvrir également Ravel, Dukas et surtout Roussel, dont il devint l’élève lorsque, nanti d’une modeste bourse d’État, il put se fixer à Paris en 1923. Cependant qu’il découvrait, émerveillé, Stravinski et les « Six », Roussel s’employa à mettre de l’ordre dans cette imagination bouillonnante. Mais, depuis longtemps déjà, la saine influence du folklore natal et de Smetana lui avait apporté le nécessaire antidote aux serres chaudes de l’impressionnisme. Martinů demeura à Paris jusqu’en 1940, lorsque l’invasion allemande contraignit à l’exil ce patriote tchèque aux convictions profondément libérales. Par son mariage, par ses amitiés, par l’inspiration de nombre de ses ouvrages (dont l’admirable Juliette ou la Clé des songes, d’après Georges Neveux, chef-d’œuvre de l’opéra surréaliste), il avait scellé des liens profonds avec la France, tout en écrivant par ailleurs une musique de plus en plus intensément tchèque. Durant ces années qui firent peu à peu de lui un maître de réputation internationale, il fit partie de l’« école de Paris », formée de musiciens originaires comme lui d’Europe centrale et attirés par le rayonnement de la culture française. De 1941 à 1953, il vécut aux États-Unis, où son génie connut un nouvel épanouissement, s’exprimant notamment dans la série magistrale des six symphonies. En 1952, il obtenait la nationalité américaine. Il partagea ses dernières années entre Nice, Rome et la Suisse, où il mourut chez son ami et mécène le chef d’orchestre Paul Sacher.