Martin du Gard (Roger) (suite)
Réflexion et roman
Martin du Gard a d’abord été homme de la réflexion, de l’abstraction, lisant beaucoup, analysant, apprenant chaque jour : « Je me sens attiré vers les œuvres d’idées, le livre à thèse, philosophique, sociologique. » Cette tendance trouva un aboutissant avec Jean Barois, mais les romans n’étaient pas oubliés pour autant : ceux de Tolstoï, surtout, qui fut toujours son grand modèle. De lui, du roman Guerre et Paix, il retient la volonté de donner consistance à chacun des personnages, transformant ainsi le roman en une véritable fresque : « Guerre et Paix n’est-il pas un livre tout chargé, tout baigné de pensée ? » (1918). Deux grandes idées ont conduit Martin du Gard au roman-panorama que lui reproche Gide : en premier lieu, une conception générale selon laquelle une existence ne prend de sens que dans son ensemble, dans ses mutations, ses constantes. Le second roman-somme dont l’auteur avait formé le projet était une véritable biographie : les Souvenirs du colonel Maumort, manuscrit plusieurs fois repris mais jamais achevé (entre 1941 et 1955). En second lieu, une perspective romanesque : mettre en scène « tout un monde » dans un « long roman dialogué ». La peinture des personnages y est essentielle : elle se faisait après une longue accumulation de notes, de fiches, par un premier travail de fixation des scènes. Puis ce premier était abandonné longtemps afin d’être retrouvé tel un véritable souvenir, intégré à la vie de l’auteur au même titre que son enfance. Ce passage par la mémoire est essentiel à son travail de romancier.
Martin du Gard fut romancier pour lutter contre l’emprise de la mort : « Le mobile de tous mes efforts... c’est la peur de la mort, la lutte contre l’oubli, la poussière, le temps. » Contre cela, un véritable système de pensée, de travail et de vie. Il est homme qui prévoit, qui dessine l’avenir, le temps ; opposé à son ami Gide sur de nombreux points, il partage avec lui ce même acharnement dans la lutte contre tout vieillissement, contre toute fin. « Je remercie Gide d’avoir su si bien mourir », disait-il. (Prix Nobel de littérature, 1937.)
Les œuvres principales de R. Martin du Gard
1909Devenir !
1910l’Une de nous, étude
1913Jean Barois, roman
1914le Testament du père Leleu, farce paysanne
1922les Thibault : première partie, le Cahier gris ; deuxième partie, le Pénitencier
1923les Thibault : troisième partie, la Belle Saison
1928les Thibault : quatrième partie, la Consultation ; cinquième partie, la Sorellina
la Gonfle, farce paysanne
les Thibault : sixième partie, la Mort du père
1931Confidence africaine
Un taciturne, pièce en trois actes
Vieille France, roman
1936les Thibault : septième partie, l’Été 1914
1940les Thibault : huitième et dernière partie, Épilogue
D. K.
G. Borgal, Roger Martin du Gard (Éd. universitaires, 1958). / P. Daix, Réflexions sur la méthode de Roger Martin du Gard (Éd. fr. réunis, 1958). / J. Brenner, Martin du Gard (Gallimard, 1961). / D. Boak, Roger Martin du Gard (Oxford, 1963). / R. Robidoux, Roger Martin du Gard et la religion (Aubier, 1964). / D. L. Schalk, Roger Martin du Gard, the Novelist and History (Ithaca, N. Y., 1967). / M. Gallant, le Thème de la mort chez Roger Martin du Gard (Klincksieck, 1971). / R. Garguilo, la Genèse des Thibault (Klincksieck, 1974).