Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Martin du Gard (Roger) (suite)

Réflexion et roman

Martin du Gard a d’abord été homme de la réflexion, de l’abstraction, lisant beaucoup, analysant, apprenant chaque jour : « Je me sens attiré vers les œuvres d’idées, le livre à thèse, philosophique, sociologique. » Cette tendance trouva un aboutissant avec Jean Barois, mais les romans n’étaient pas oubliés pour autant : ceux de Tolstoï, surtout, qui fut toujours son grand modèle. De lui, du roman Guerre et Paix, il retient la volonté de donner consistance à chacun des personnages, transformant ainsi le roman en une véritable fresque : « Guerre et Paix n’est-il pas un livre tout chargé, tout baigné de pensée ? » (1918). Deux grandes idées ont conduit Martin du Gard au roman-panorama que lui reproche Gide : en premier lieu, une conception générale selon laquelle une existence ne prend de sens que dans son ensemble, dans ses mutations, ses constantes. Le second roman-somme dont l’auteur avait formé le projet était une véritable biographie : les Souvenirs du colonel Maumort, manuscrit plusieurs fois repris mais jamais achevé (entre 1941 et 1955). En second lieu, une perspective romanesque : mettre en scène « tout un monde » dans un « long roman dialogué ». La peinture des personnages y est essentielle : elle se faisait après une longue accumulation de notes, de fiches, par un premier travail de fixation des scènes. Puis ce premier était abandonné longtemps afin d’être retrouvé tel un véritable souvenir, intégré à la vie de l’auteur au même titre que son enfance. Ce passage par la mémoire est essentiel à son travail de romancier.

Martin du Gard fut romancier pour lutter contre l’emprise de la mort : « Le mobile de tous mes efforts... c’est la peur de la mort, la lutte contre l’oubli, la poussière, le temps. » Contre cela, un véritable système de pensée, de travail et de vie. Il est homme qui prévoit, qui dessine l’avenir, le temps ; opposé à son ami Gide sur de nombreux points, il partage avec lui ce même acharnement dans la lutte contre tout vieillissement, contre toute fin. « Je remercie Gide d’avoir su si bien mourir », disait-il. (Prix Nobel de littérature, 1937.)

Les œuvres principales de R. Martin du Gard

1909

Devenir !

1910

l’Une de nous, étude

1913

Jean Barois, roman

1914

le Testament du père Leleu, farce paysanne

1922

les Thibault : première partie, le Cahier gris ; deuxième partie, le Pénitencier

1923

les Thibault : troisième partie, la Belle Saison

1928

les Thibault : quatrième partie, la Consultation ; cinquième partie, la Sorellina
la Gonfle, farce paysanne

1929

les Thibault : sixième partie, la Mort du père

1931

Confidence africaine
Un taciturne, pièce en trois actes

1933

Vieille France, roman

1936

les Thibault : septième partie, l’Été 1914

1940

les Thibault : huitième et dernière partie, Épilogue

D. K.

 G. Borgal, Roger Martin du Gard (Éd. universitaires, 1958). / P. Daix, Réflexions sur la méthode de Roger Martin du Gard (Éd. fr. réunis, 1958). / J. Brenner, Martin du Gard (Gallimard, 1961). / D. Boak, Roger Martin du Gard (Oxford, 1963). / R. Robidoux, Roger Martin du Gard et la religion (Aubier, 1964). / D. L. Schalk, Roger Martin du Gard, the Novelist and History (Ithaca, N. Y., 1967). / M. Gallant, le Thème de la mort chez Roger Martin du Gard (Klincksieck, 1971). / R. Garguilo, la Genèse des Thibault (Klincksieck, 1974).

Martini (Simone)

Peintre italien (Sienne v. 1284 - Avignon 1344).


En signant et datant de 1315 la grande Maestà de la salle de la Mappemonde au Palais public de Sienne, Simone Martini apparaît, pour sa première mention historique, comme un artiste en pleine possession de son talent. En une vision majestueuse, cette fresque présente la Vierge et l’Enfant sous un dais, entourés d’une foule de saints étagés en perspective sur des plans parallèles, devant le bleu intense du fond. Influencé par Duccio*, l’artiste recherche dans la composition en largeur un effet monumental plus ample, fait circuler l’air autour de ses personnages animés d’un léger mouvement. Le jeu subtil de la ligne révèle un ton courtois : la reine du ciel est le centre d’une cour d’amour ; ce goût déjà gothique ira en s’affirmant dans l’œuvre de Simone.

Un certain nombre de documents permettent de reconstituer son activité artistique. Il est appelé en 1317 à la cour de Naples par Robert d’Anjou, et nous savons que le roi lui alloue un traitement de 50 onces et le fait chevalier ; à cette date, il peint un panneau (musée de Capodimonte) représentant Saint Louis de Toulouse couronnant son frère Robert d’Anjou, et dont la prédelle relate cinq épisodes de la vie du saint, canonisé depuis peu ; œuvre d’art et d’artisanat raffiné tout à la fois, ce panneau est orné d’une bordure précieuse de fleurs de lis dorées se détachant en léger relief sur un champ bleu ; la prédelle est conçue comme un tout, vu d’un point focal unique ; les recherches spatiales sont poussées à un point d’audace qui dépasse Giotto*.

En 1319, Simone Martini travaille à Pise, où il signe, pour l’église dédiée à saint Dominique, le grand polyptyque de sainte Catherine (Pise, musée national) ; de conception classique pour le trecento, son iconographie reprend le thème des saints représentés à mi-corps sous des arcades ; de même à Orvieto, dans le retable de San Domenico, signé et daté de 1320. Ces œuvres manifestent un équilibre entre la description naturaliste des objets, l’élégance et la pureté formelle.

Le grand problème de la chronologie de l’œuvre de Simone Martini est l’absence de documents précisant les dates de son activité à Assise. On pense généralement qu’il aurait exécuté ses fresques de la vie de saint Martin, dans la chapelle San Martino de la basilique inférieure d’Assise, entre 1322 et 1326, après son retour de Naples. Il y fait preuve d’une maturité complète, abordant avec la même aisance tous les problèmes de la peinture : le rendu des volumes, en parfait accord avec la ligne, l’intégration des personnages dans l’architecture, la narration, la vision de la nature.