Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marcel (Étienne) (suite)

Contrôlant dès lors le commerce sur la Seine et les marchés, veillant à la perception des taxes de voirie, etc., Étienne Marcel dispose à cet effet d’une importante administration et d’un tribunal ayant juridiction sur les ports et les marchés : celui du Parloir aux bourgeois, siège du gouvernement municipal, dont il assure en 1357 le transfert de la maison dite de la Marchandise, près du Grand-Pont, à la maison dite aux Piliers, en place de Grève. Orateur des bonnes villes aux états de langue d’oil de décembre 1355, il apporte alors au roi le concours financier de la bourgeoisie sous réserve que la levée des taxes de guerre se fasse sous le contrôle de ses représentants. Au lendemain de la bataille de Poitiers, il s’allie à un ambitieux, l’évêque de Laon, Robert Le Coq, pour exiger du dauphin Charles d’abord le renvoi des mauvais conseillers, parmi lesquels se trouvent ceux qui l’ont spolié de l’héritage de son beau-père, Robert de Lorris, Jean Poilevilain, Nicolas Braque, ensuite la réforme du Conseil, où il fera entrer ses amis le 10 mars 1357, enfin le renoncement du gouvernement aux mutations monétaires et aux levées de taxes non consenties et non contrôlées par les états. Présentées lors de la réunion de ces derniers à Paris en octobre 1356, rendues applicables par la Grande Ordonnance de mars 1357, ces réformes — qui auraient pu être déterminantes — se heurtent à l’opposition latente du Dauphin, qui, par ailleurs, protège Robert de Lorris et Jean Des Essarts, auxquels Étienne Marcel tente vainement d’imposer la restitution de sa part d’héritage.

Il passe alors à l’action directe, boucle la capitale le 30 avril 1357 pour imposer au Dauphin une nouvelle réunion des états, introduit et fait acclamer par les Parisiens le 30 novembre 1357 le roi de Navarre Charles II le Mauvais (1349-1387), enfin fait assassiner au Palais royal, le 22 février 1358, les maréchaux de Champagne et de Normandie, aux côtés desquels le Dauphin n’échappe à la mort qu’en se coiffant de son chaperon bleu et rouge aux couleurs des révoltés.

Victoire sans lendemain. Proclamé régent le 14 mars, le Dauphin s’enfuit et assiège la capitale. Accélérant la construction de nouveaux remparts entreprise dès 1356, mobilisant la population, recherchant en vain l’aide des villes du Nord (lettre aux échevins d’Ypres du 28 juin 1358), Étienne Marcel ne peut compter que sur le soutien dangereux des Jacques, qui se révoltent le 28 mai 1358, que sur l’alliance inquiétante du roi de Navarre, qui brise l’insurrection paysanne le 10 juin, mais se fait nommer capitaine général de Paris le 15. Ayant dès lors perdu la direction réelle des événements et mécontenté la population en faisant entrer les Anglais détestés dans la capitale. Étienne Marcel est perdu. La famille Des Essarts lui porte alors le coup de grâce. Tandis que Robert de Lorris et Jean Des Essarts pressent le Dauphin d’accélérer le siège de la ville, Pépin et Martin Des Essarts associent à leur complot son beau-frère Jean de Charny et l’un de ses fidèles alliés, Jean Maillart, qui le fait assassiner devant la porte Saint-Antoine le 31 juillet 1358.

Homme de tête et d’action capable à la fois de concevoir un programme et de le réaliser en obtenant l’appui des foules que son talent oratoire domine et maîtrise, Étienne Marcel n’aurait sans doute pas pris conscience de sa vocation de réformateur sans les événements de 1346-1350, qui l’ont amené à réfléchir à la nécessité de réformer un système de gouvernement qui ne fonctionne qu’au profit d’une fraction, réduite mais bien en cour, de la grande bourgeoisie parisienne. Dépouillée de ses offices, mise dans l’impossibilité de continuer ses fructueux trafics, celle-ci sanctionne finalement par la mort la trahison de l’un de ses fils, dont la carrière prestigieuse doit beaucoup à l’accident, à l’ambition et à l’intelligence.

P. T.

➙ Charles V / États généraux / Paris / Valois.

 T. F. Perrens, Étienne Marcel, prévôt des marchands, 1354-1358 (Impr. nat., 1875). / J. d’Avout, le Meurtre d’Étienne Marcel. 31 juillet 1358 (Gallimard, 1960). / R. Pernoud, Histoire de la bourgeoisie en France, t. I : Des origines aux Temps modernes (Éd. du Seuil, 1960). / R. Cazelles, « Étienne Marcel au sein de la haute bourgeoisie des affaires », dans Journal des savants (Klincksieck, 1965). / M. Mollat et P. Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi, les révolutions populaires en Europe aux xive-xve siècles (Calmann-Lévy, 1970). / J. Castelneau, Étienne Marcel, un révolutionnaire du xive siècle (Perrin, 1973).

Marchand (Jean-Baptiste)

Général français (Thoissey 1863 - Paris 1934).


Né dans une famille très modeste, il s’engage à vingt ans au 4e régiment d’infanterie de marine de Toulon, entre à Saint-Maixent, d’où il sort sous-lieutenant au même régiment. Sa carrière débute au Soudan, où il prend part, de 1888 à 1892, à de nombreuses expéditions topographiques et militaires. En 1889, il est blessé à l’attaque de Koundian ; en 1890, il explore la région de Ségou, dresse la carte du Beledougou et, aux ordres d’Archinard, participe à la lutte contre Samory Touré. Au moment où il rentre en France (1892), ses exploits l’ont mis au premier rang de la phalange des « Soudanais », qui rivalise alors d’audace avec celle des « Tonkinois ». Nommé capitaine, Marchand repart bientôt pour la Côte-d’Ivoire (1893), où il s’empare de Tiassalé, puis explore tout l’arrière-pays pour découvrir la voie de communication la plus facile entre le Soudan et la mer, et couvre la retraite de la colonne Monteil (du nom de son chef Parfait Louis Monteil [1855-1925]) après son échec devant Kong. À son retour en France, il peut publier en 1895 une carte du Transnigérien, qui accroît encore sa notoriété, et est fait officier de la Légion d’honneur. C’est alors qu’il est chargé de la mission Congo-Nil, qui doit permettre d’établir une liaison entre la possession française de l’Oubangui et le Sud égyptien.