Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Marc Aurèle (suite)

Lui-même montra toujours une grande conscience dans l’accomplissement de ses propres tâches administratives ; dans l’exercice de la justice, il accentua la tendance, déjà apparente sous les règnes d’Hadrien et d’Antonin, à plus d’humanité, de bienveillance et de respect de l’homme en tant qu’individu. Et pourtant, cette humanitas ne fut pas un obstacle à la conduite au martyre de nombreux chrétiens, sans qu’il y ait eu cependant de persécution générale dans l’Empire. Mais les difficultés du temps avaient exacerbé les passions populaires, et l’empereur lui-même méprisait l’entêtement des chrétiens à proclamer leur foi en toutes circonstances ; il laissa les gouverneurs agir comme ils l’entendaient pour que l’ordre ne fût pas troublé. Justin à Rome, Polycarpe à Smyrne, la jeune esclave Blandine et ses quarante-sept compagnons à Lyon furent les martyrs les plus marquants de ce temps d’épreuves.

Le règne de Marc Aurèle se termina face à l’ennemi, à la veille de combats décisifs. Quoi de plus symbolique du destin d’un empereur qui aurait voulu, plus que tout autre, régner dans la paix et la concorde universelles et qui fut, toute sa vie, obligé, malgré son goût pour la vie de famille et une santé précaire, de connaître la difficile vie des camps ? Quoi de plus significatif que la colonne érigée sur le champ de Mars qui nous offre, encore aujourd’hui, de ce philosophe la seule image du guerrier ?

J. P. M.

 A. Cresson, Marc-Aurèle, sa vie, son œuvre, avec un exposé de sa philosophie (Alcan, 1938 ; 4e éd., P. U. F., 1962). / C. Parrain, Marc Aurèle (Club fr. du livre, 1958 ; nouv. éd., 1969). / P. de Proyart, Marc Aurèle, un empereur citoyen du monde (Éd. de l’Oasis, Clamart, 1962). / A. Birley, Marcus Aurelius (Londres, 1966). / J. Romains, Marc-Aurèle ou l’Empereur de bonne volonté (Flammarion, 1968).

Marcel (Étienne)

Marchand drapier et homme politique français (v. 1316 - Paris 1358).



Milieu familial et milieu social

Petit-fils d’un riche marchand drapier parisien — fournisseur du roi de Naples et du comte Robert d’Artois, Pierre Marcel l’Ancien, qui fut échevin et peut-être prévôt des marchands vers 1296 —, Étienne Marcel est aussi le neveu de cinq marchands drapiers : alliés aux plus grandes familles de manieurs d’argent de la capitale, tel Geoffroi Coquatrix, ou d’officiers de finance de la cour, tel le maître de la monnaie, Jean Poilevilain. Fils cadet de Simon Marcel, marchand drapier de situation plus modeste que celle de ses cinq frères, Étienne Marcel descend, par ailleurs, par sa mère, Isabeau Barbou, de bourgeoisie chartraine entrée au service du roi ; son arrière-grand-père Renaud Barbou, dit le Vieux, prévôt (royal) de Paris de 1270 à 1275 avait été un des représentants de cette bourgeoisie.

Très riches (Pierre Marcel l’Ancien en 1292, ses fils Jacques et Pierre Marcel le Jeune en 1313 figurent parmi les habitants les plus imposés de la capitale), les Marcel bénéficient de l’appui de la Cour, avec laquelle ils sont en constantes relations d’affaires et dont ils tirent profit et honneur (Garnier, fils de Jacques, est anobli par Philippe VI de Valois).

En fait, à la mort de son père, Étienne Marcel n’hérite que d’un modeste capital de 200 livres de revenu annuel. Aussi ne possède-t-il en propre que la maison de la rue de la Vieille-Draperie ainsi que quelques rentes foncières au sud de la capitale. Mais, en épousant d’abord Jeanne de Dammartin, qui lui apporte une dot de 852 livres, puis, sans doute en 1345, Marguerite Des Essarts, fille du très riche brasseur d’affaires Pierre Des Essarts, qui lui donne une dot de 3 000 écus d’or, Étienne Marcel assure définitivement sa fortune et sa position sociale au sein de la bourgeoisie parisienne.


La crise de 1346 et la succession de Pierre Des Essarts

Brusquement, tout s’écroule. Attribuant aux mauvais conseillers la défaite de Crécy, l’opinion contraint Philippe VI de Valois à épurer son entourage. Arrêté le 25 octobre 1346, Pierre Des Essarts ne retrouve la liberté qu’en mai 1347 contre le versement de 50 000 florins d’or à la chaise, amende dont le montant le contraint à de lourds emprunts.

Craignant que le passif ne dépasse l’actif, Étienne Marcel refuse sa succession en 1350 au nom de sa femme Marguerite. Au contraire, ses beaux-frères, le chanoine Jean Des Essarts et Robert de Lorris, au nom de sa femme Jeanne (dite aussi Pernelle) Des Essarts, l’acceptent sans bénéfice d’inventaire. En fait, secrétaire de Jean II le Bon, Robert de Lorris obtient de ce dernier la réhabilitation de la mémoire de Pierre Des Essarts le 7 février 1352 et par contrecoup la restitution des 50 000 florins d’or le 28 octobre 1353 à ceux-là seuls qui n’ont pas perdu leur qualité d’héritiers, c’est-à-dire à lui-même au nom de sa femme et à Jean Des Essarts. Victime ainsi d’une escroquerie légale préparée sans doute de longue date, Étienne Marcel comprend qu’il ne peut tirer vengeance de ceux qui l’ont spolié qu’au prix d’une révolution politique qui les écarte du pouvoir.


Homme d’affaires et homme politique

Établi dans son hôtel à l’angle de la rue de la Vieille-Draperie en la Cité, Étienne Marcel s’est associé en attendant à l’un de ses parents, Jean de Saint-Benoît, avec lequel il pratique le fructueux commerce en gros des draps de Gand, de Bruxelles, etc., qu’il fournit à la Cour, notamment en 1351 et en 1352. Ainsi, il s’assure à la fois l’appui de cette dernière et une meilleure connaissance des milieux réformistes ou révolutionnaires flamands, qu’il approche soit à Paris, soit lors de ses voyages d’affaires dans leur pays.

Enrichi, membre respecté des plus importantes confréries parisiennes — celle de Saint-Jacques aux pèlerins, où il est admis au plus tard en 1338, et celle de Notre-Dame aux seigneurs, prêtres et bourgeois de Paris, dont il est prévôt en 1350 —, Étienne Marcel succède tout naturellement en 1355 au prévôt des marchands, Jean de Pacy, beau-frère de son oncle Jean Marcel.