Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Malte (suite)

À partir du xviiie s., le rôle militaire de Malte diminue ; les chevaliers participent cependant à la défense de la Crète contre les Turcs (1645-1669). Les Maltais pratiquent par ailleurs la guerre de course sur les côtes d’Afrique ; elle rapporte à l’ordre des sommes considérables ; les esclaves musulmans notamment (10 000 à Malte au milieu du xviiie s.) sont d’un bon rapport. Au xviiie s., l’île est devenue un immense entrepôt de commerce, un centre d’échanges, un atelier de réparations et une escale indispensable au trafic méditerranéen. Cette base est surtout utilisée par la France, qui jouit à Malte d’une situation privilégiée.


Malte, enjeu en Méditerranée (xixe-xxe s.)

La Révolution, en sécularisant les biens de l’ordre de Malte en France, porta à celui-ci un coup très dur. L’Angleterre et la Russie désiraient prendre la succession de la France à Malte ; à la mort d’Emmanuel de Rohan en 1797, les chevaliers élirent un Allemand, le baron Fernand de Hompesch ; ils espéraient obtenir ainsi la protection impériale.

L’année suivante, Bonaparte, qui désirait restaurer l’influence française en Méditerranée, s’empara de l’archipel sans difficulté en se rendant en Égypte (juin 1798). Les chevaliers quittèrent l’île, qui devint française.

L’occupation française porta un coup sérieux à l’économie de Malte, qui trafiquait avec l’Espagne, l’Angleterre et la Sicile. Les Maltais se révoltèrent le 2 septembre 1798 et assiégèrent la garnison, réfugiée dans les fortifications. Les Français, après une résistance de plus de deux ans, se rendirent le 5 septembre 1800.

La Grande-Bretagne était bien décidée à garder l’île ; l’article 10 du traité d’Amiens (1802) avait pourtant stipulé qu’elle serait rendue aux chevaliers. Cette clause n’ayant pas été exécutée, la paix fut rompue, et douze années de guerres européennes s’ensuivirent. En 1814, l’Angleterre conserva Malte.

Au xixe s., l’apparition de bateaux à vapeur, la suppression de la piraterie après la prise d’Alger en 1830 réduisirent d’abord l’importance économique de l’île, mais, après l’ouverture du canal de Suez, en 1869, Malte, grâce à d’immenses entrepôts de charbon, à ses chantiers navals, devint l’escale obligée sur la route des Indes et des pays du Levant ; elle reprit également son rôle de centre d’échanges. À la fin du xixe s., certaines années virent plus de 12 000 navires y relâcher.

Le problème démographique (la population maltaise doubla au xixe s.) ne put être résolu que par une importante émigration. Le problème majeur demeura l’affrontement des Britanniques et des insulaires, qui réclamèrent toujours plus de libertés politiques. La Grande-Bretagne ne se décida à des concessions qu’à partir de 1887, sous la pression du « parti national » de Fortunato Mizzi.

Après les émeutes sanglantes de 1919, la Grande-Bretagne reconnut en 1921 l’autonomie de l’île, mais elle se réservait la décision en de nombreuses matières, dont la question linguistique (lutte entre partisans de l’italien et partisans de l’anglais). Le conflit éclata lorsque la Grande-Bretagne interdit l’italien dans l’enseignement primaire et dans les tribunaux (1932) ; l’agitation reprit et la Constitution de 1921 fut suspendue (1933), puis abrogée (1936). Malte redevenait une colonie britannique.

La valeur stratégique de l’île ne se démentit pas au xxe s. ; durant la Première Guerre mondiale, elle favorisa les entreprises militaires des Alliés en Orient. Durant la Seconde Guerre mondiale, bien défendue par le général William George Dobbie, Malte subit les attaques des aviations allemande et italienne basées en Sicile et ne put longtemps être ravitaillée que par sous-marins. Elle servit également de porte-avions pour protéger les convois anglais qui assuraient la liaison avec l’Extrême-Orient. Durant la guerre de Libye, elle gêna considérablement les approvisionnements de l’armée de Rommel. Le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, mit fin au siège de l’île.

En 1947, la Grande-Bretagne accorde à Malte un gouvernement autonome, mais, après que Dominique Mintoff, chef des travaillistes maltais, a réclamé en vain l’intégration de l’île au Royaume-Uni, l’indépendance de Malte est proclamée le 21 septembre 1964.

Si le problème linguistique a trouvé sa solution, le maltais devenant langue de culture, le problème démographique et le problème économique demeurent préoccupants. Le retrait des forces britanniques, la fermeture de Suez ont accentué la crise, que l’émigration et le développement touristique n’ont palliée qu’en partie. Le niveau de vie des Mallais reste bas.

En 1967, la Grande-Bretagne ayant décidé de réduire ses forces dans l’archipel, Malte dénonce l’accord de 1964 et refuse aux Britanniques le droit d’y maintenir une base militaire.

En juin 1971, après le succès des travaillistes aux élections, Mintoff relance la polémique avec la Grande-Bretagne ; aussitôt, l’U. R. S. S. décide de faire réparer ses bateaux à Malte pour aider les chantiers de l’île, mais en mars 1972 un nouvel accord de défense anglo-maltais est signé, les Britanniques gardant la base navale et Mintoff donnant l’assurance que l’île ne servirait de port d’attache à aucun pays du pacte de Varsovie. Les travaillistes remportent à nouveau les élections en septembre 1976.

P. P.

 L. Viviani, Storia di Malta (Turin, 1934 ; 3 vol.). / J. Godechot, Histoire de Malte (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1952). / J. Meurgey de Tupigny, l’Ordre souverain de Malte, son état actuel (Impr. moderne, Auxerre, 1956). / M. de Pierredon, Histoire politique de l’ordre souverain de Malte (Éd. Scaldis, 1956 ; nouv. éd., Soc. d’histoire de l’ordre de Malte, 1965). / B. Blouet, The Story of Malta (Londres, 1967). / C. E. Engel, Histoire de l’Ordre de Malte (Nagel, 1968) ; les Chevaliers de Malte (Presses contemporaines, 1972). / O. de La Grandville, Malte. Réalité géographique et perspectives économiques (Droz, Genève, 1968). / G. Saffroy, Bibliographie généalogique, héraldique et nobiliaire de la France, t. I (Libr. Saffroy, 1968).