Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Malte (suite)

En fait, l’île est commandée par La Valette, agglomération urbaine formée autour de la rade et du port, lançant des tentacules vers l’intérieur, rassemblant plus de 20 000 habitants dans une zone urbanisée et reliée aux villages par un réseau dense d’autobus et de taxis. La ressource principale repose sur la location de la base navale : les emplois qu’elle assure fournissent du travail à plus de la moitié de la population. Mais elle a perdu la valeur stratégique que la position géographique lui attribuait et emploie de moins en moins de salariés. Le commerce maritime se substitue dans une certaine mesure aux activités militaires, mais les importations sont nettement supérieures aux exportations : l’île se nourrit essentiellement de denrées importées. La colonie britannique, liée aux activités navales et commerciales, reste importante, et un véritable pont aérien unit quotidiennement Londres à Malte.

Des formes nouvelles d’économie se dessinent : la reconversion des activités militaires en activités civiles (chantiers navals), l’implantation de petites industries dont certaines travaillent en sous-traitance pour la Grande-Bretagne, notamment le textile. Le tourisme tient une place de plus en plus grande : Malte est riche de sites préhistoriques et d’antiquités romaines, d’églises et de cathédrales baroques comme celle de Città Vecchia (Mdina), l’ancienne capitale, située au centre de l’île. Le nombre de touristes, surtout d’origine britannique, venus par charters ou à l’occasion de croisières a avoisiné 200 000 en 1970. Le produit des dépenses des touristes s’ajoute aux ressources invisibles que constituent les envois des émigrés. On assiste donc à une véritable reconversion de l’économie de l’île.

A. B.


L’histoire


Des origines au xvie siècle

Des monuments mégalithiques attestent que Malte vit des populations s’y établir dès l’époque préhistorique. Cette civilisation, dont on ignore à peu près tout, disparaît sans doute autour du IIe millénaire avant notre ère. Les Phéniciens s’installent à Malte probablement à la fin du ixe s. av. J.-C. Il reste peu de vestiges de leur passage ; toutefois c’est à Malte que fut trouvé un texte bilingue gréco-phénicien qui permit de lire la langue phénicienne.

Dès ce moment, l’île est un important centre de commerce ; ce rôle va se développer avec la colonisation grecque (viie-ve s. av. J.-C.).

Au ve s. av. J.-C., Malte passe sous la domination carthaginoise. Les Puniques en font une base importante au centre de leur trafic méditerranéen ; chantiers navals et entrepôts de marchandises donnent déjà à l’île le visage qu’elle a conservé.

Durant les guerres puniques*, Malte change plusieurs fois de maîtres et passe finalement aux mains des Romains en 218 av. J.-C. Cicéron et Diodore de Sicile attestent la prospérité de l’archipel et le haut degré de sa civilisation. Des villas et des palais romains somptueux y ont été retrouvés.

Romaine puis byzantine jusqu’en 870, l’île semble être restée à l’écart des invasions barbares.

En août 870, lorsque les Arabes s’emparent de Malte, ils possèdent déjà la plus grande partie des côtes de la Méditerranée occidentale (Afrique du Nord, Espagne, Sicile). Ils font de l’île, où la plus grande partie de la population se convertit à l’islām, un repaire de pirates qui écument les rivages des États chrétiens. En 1090, le comte normand Roger, conquérant de la Sicile, s’empare de l’île, y rétablit le christianisme, mais n’en chasse pas la population musulmane. Malte est désormais le symbole et la clef de la prééminence chrétienne dans le bassin occidental de la Méditerranée.

Entre 1240 et 1250, l’empereur Frédéric II, roi de Sicile, chasse tous les Arabes de Malte. Devenue possession de Charles d’Anjou, l’île profite du massacre des Vêpres siciliennes (1282) pour se soumettre au roi d’Aragon, Pierre III (Pierre Ier de Sicile). Soumis au régime féodal, exploités par leurs seigneurs, les Maltais luttent longtemps pour être rattachés directement au domaine royal ; ils y parviendront en 1428.

Durant tout le Moyen Âge, l’île, dont les ressources naturelles sont peu abondantes, tourne toute son activité vers la mer.


L’île des chevaliers (xvie-xviiie s.)

Cependant, dans le bassin méditerranéen, une nouvelle puissance, les Ottomans, est sur le point de tout submerger. Après la prise de Constantinople en 1453, la chrétienté s’est trouvée incapable de s’unir contre les infidèles qui se sont emparés des Balkans, de la Syrie, de l’Égypte et, en 1522, ont chassé de Rhodes les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem.

Malte ayant été attaquée et ravagée par les Turcs en 1488, puis en 1526, Charles Quint décide, le 24 mars 1530, d’en céder la pleine souveraineté aux chevaliers chassés de Rhodes, à condition qu’ils s’opposent à l’avance ottomane. Le premier soin des chevaliers en s’installant à Malte est en effet d’en mieux assurer la défense : de grands ouvrages de fortifications furent entrepris, surtout sous le grand maître Claude de La Sengle.

Les incursions des Barbaresques se multiplièrent contre l’archipel (1546, 1547, 1548). En 1551 le célèbre corsaire Dragut ne put s’emparer de Malte, mais ravagea Gozo. C’est en 1565 qu’eut lieu l’attaque générale contre Malte. L’île eut la chance de se trouver alors sous la souveraineté du grand maître Jean Parisot de La Valette (1494-1568, grand maître de 1557 à 1568), l’un des plus grands hommes de guerre de son temps.

Malte fut assiégée du 18 mai au 12 septembre 1565 par l’armée de Soliman II (76 galères et plus de 40 000 hommes). Les défenseurs, qui étaient à peine 9 000, dont 600 chevaliers, résistèrent héroïquement jusqu’à l’arrivée d’une flotte espagnole qui força les Turcs à lever le siège.

Ce fut le coup d’arrêt à l’expansion turque en Europe occidentale. Si Malte n’avait pas tenu en 1565, la victoire de Lépante n’aurait pu avoir lieu six ans plus tard, et l’histoire du monde aurait été changée. Au contraire, la chrétienté retrouva la maîtrise de toute la Méditerranée et la liberté de commercer avec l’Orient. L’année qui suivit le siège, on entreprit d’édifier une ville neuve entourée d’énormes fortifications, qui recul le nom de La Valette.