Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
M

Malraux (André) (suite)

L’art comme « révélateur »

Les récits de Malraux se sont d’abord voulus révélateurs de ce qu’il pouvait y avoir en l’homme de plus courageux, de plus digne ; en ce sens, non seulement le roman donne à voir tout un univers de l’initiation héroïque et virile, mais encore il apprend au lecteur sa propre grandeur. « Tenter de donner conscience aux hommes de la grandeur qu’ils ignorent en eux. » Et quoi de plus propre à cela que la mise en scène de héros humains avec lesquels il est possible de s’identifier ? Mais, face à l’aridité même du destin, face à l’impossibilité de concilier exigences humaines et exigences historiques, la notion de « personnage » éclate, les récits de Malraux deviennent épopées, desquelles se détachent des figures héroïques : l’Espoir est épopée de la guerre d’Espagne ; il n’y a pas alors de place pour une réflexion des personnages sur eux-mêmes, pas plus que pour des réticences et des amertumes face à l’histoire, face aux responsables politiques. La relation des figures héroïques avec le parti communiste espagnol, comme la relation de Kassner, le héros du Temps du mépris, avec la communauté des combattants révolutionnaires et le parti communiste, est immédiate et sans problème, la radicalisation de la lutte contre le fascisme interdisant tout décalage. Ainsi, dans l’Espoir, l’une des valeurs essentielles est la discipline, le sens du destin est là donné d’emblée. Mais un seul des termes constituants de l’homme, la volonté et l’intelligence, est ici à l’œuvre ; on ne retrouve plus cette dimension de verticalité, d’intelligence face aux êtres qu’exigeaient les personnages de la Condition humaine. Le récit reste révélateur, mais seulement d’une partie de l’homme ; son refus de certaines formes d’aliénation, de certains régimes politiques. La dignité de l’homme comme aptitude à se penser lui-même doit se retrouver ailleurs, peut-être dans cette présence de l’homme éternel qui se dessine dans les Noyers de l’Altenburg. Il existe un homme éternel, présent aussi bien par les vitraux de la cathédrale de Chartres, où sont enfermés des prisonniers, que par les visages inusables des paysans. Ce que Malraux n’a pu, en l’absence d’une analyse historique de l’homme, trouver dans la compréhension, la participation à l’histoire, il le cherche finalement dans un univers de rêve, puisque miraculeusement et idéalement non soumis au temps.


L’art comme anti-histoire

C’est au lieu même où l’histoire, la transformation des sociétés, a échoué lors de l’impossibilité du renversement de la condition d’homme que se situe l’art. Il est ce qui permet d’accéder à la dignité, destin pour ceux qui le produisent et fragment de compensation sur un océan d’amertume pour tous ceux qui ne peuvent qu’en jouir. Pour celui qui écrit, il s’agit « de transformer en conscience une expérience aussi large que possible ». En faisant vivre l’univers de l’action dans l’ordre de l’intelligence, en étant romancier, Malraux assume la contradiction de ses personnages. L’art remplace une assumation sereine d’une position historique, il permet de vaincre la condition humaine, non pas en donnant un sens à l’histoire, c’est-à-dire à l’avenir, mais en assurant une permanence idéale du passé.

D. K.

 G. Picon, André Malraux (Gallimard, 1945). / C. Mauriac, Malraux ou le Mal du héros (Grasset, 1946). / L. Goldman, Pour une sociologie du roman (Gallimard, 1964). / F. E. Dorenlof, Malraux ou l’Unité de la pensée (Gallimard, 1970). / S. Morawski, l’Absolu et la forme. L’esthétique d’André Malraux (Klincksieck, 1970). / R. Payne, A Portrait of André Malraux (Englewood Cliffs, N. J., 1970 ; trad. fr. Malraux, Buchet-Chastel, 1973). / P. Sabourin, la Réflexion sur l’art d’André Malraux (Klincksieck, 1972). / J. Lacouture, André Malraux, une vie dans le siècle (Éd. du Seuil, 1973). / W. G. Langlois (sous la dir. de), André Malraux. Influences et affinités (Lettres modernes, 1975).

Quelques repères biographiques

1901

(3 novembre) : Naissance à Paris.

Études d’archéologie.

1920

Écrit Royaume farfelu (publié en 1928) et Lunes en papier (publié en 1921).

1923

Départ pour l’Asie : mission archéologique au Cambodge.

1926

La Tentation de l’Occident.

1928

Les Conquérants.

1930

La Voie royale.

1933

La Condition humaine.

1934

Président du Comité mondial de libération de Dimitrov, puis de celui de Thälmann.

1935

Le Temps du mépris.

1936

Organisateur et chef de l’aviation étrangère au service du gouvernement républicain espagnol.

1937

L’Espoir (roman et film).

1940

Blessé, prisonnier, évadé. Participe à la Résistance.

1943

Les Noyers de l’Altenburg.

1944

Attaque de la division « Das Reich ». Colonel commandant la brigade « Alsace-Lorraine ». Compagnon de la Libération.

1945

Ministre de l’Information dans le gouvernement provisoire du général de Gaulle.

1951

Les Voix du silence.

1959-1969

Ministre d’État chargé des Affaires culturelles.

1967

Antimémoires, premier tome du Miroir des Limbes.

1971

Les Chênes qu’on abat..., récit de sa dernière rencontre avec le général de Gaulle.

1974

La Tête d’obsidienne.

1977

L’Homme précaire et la littérature.

Malte

État insulaire de la Méditerranée.



La géographie

Située au centre de la Méditerranée, à une centaine de kilomètres de la Sicile, à 300 km environ du cap Bon, à égale distance de Gibraltar et de l’isthme de Suez, Malte fait partie d’un petit archipel comprenant encore Gozo (67 km2), Comino et deux îles désertes. Sa superficie, de moins de 300 km2, supporte une population de plus de 330 000 habitants.

L’île est un bloc calcaire, sans montagnes ni rivières, sans vastes plaines, et l’agriculture, malgré le caractère méditerranéen du climat, est médiocre : les exploitations, morcelées, sont exiguës, et plus de la moitié des agriculteurs travaillent à temps partiel. Des efforts récents ont été accomplis en faveur d’une arboriculture (agrumes essentiellement) favorisée par les hivers très doux (plus de 12 °C en janvier). Mais la faiblesse des ressources, l’absence d’une pêche importante expliquent l’émigration maltaise, autour de la Méditerranée, ou, depuis quelques années, dans les pays lointains du Commonwealth.